La Sainte Trinité, source et modèle 
de notre charité mutuelle

LE Père, le Fils et le Saint-Esprit dans le Ciel s’aiment mutuellement d’un Amour infini, qui les unit d’une manière indicible l’un à l’autre. Tous les Trois ne font plus qu’Un. Et non seulement d’un parfait Amour mais aussi d’une identité de vue, c’est-à-dire d’une similitude de sagesse aussi parfaite. Ils n’ont qu’un même sentiment, qu’une même conviction, et ils ne font qu’un même Cœur. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit s’entendent (pour prendre un langage de notre expérience) parfaitement.

Ils sont Trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et ils forment par leurs relations mutuelles une réelle Trinité, et donc une véritable communauté où il y a des échanges incessants d’amour, de parole, de volonté. Quelle grande et merveilleuse révélation !

Nous n’aurions jamais pu le découvrir tout seuls. Dieu nous l’a fait connaître et nous a donné une ouverture sur sa vie de famille afin que nous puissions nous réconcilier les uns avec les autres, sachant que s’il est possible de vivre Trois Personnes en Un, dans le Ciel, nous sommes appelés nous aussi, avec le secours de la grâce, à la même vocation. Et donc, l’homme et la femme, les parents et les enfants, les supérieurs et les sujets, tous les membres de toutes les communautés humaines apprennent de ce fait qu’il est possible de s’aimer fraternellement, malgré toutes les difficultés qui viennent de la nature, du péché ou de nos passions.

Si Dieu est Amour, c’est pour nous inviter nous aussi à être pleins d’amour fraternel. Car enfin, il y a moins de différences entre nous, si bons et si méchants, si intelligents et si sots que nous soyons, qu’entre Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit et ses créatures, non seulement mortelles, charnelles, mais encore pécheresses. Si Dieu nous a introduits dans sa vie de famille, nous devons donc les uns et les autres nous introduire dans une vie de famille et former une communauté.

En effet, c’est parce que Dieu est Trois Personnes ne faisant qu’une seule substance que, créant l’homme, il ne l’a pas créé tout seul. Dieu a créé l’homme membre d’une famille afin qu’il vive analogiquement, c’est-à-dire d’une certaine manière semblablement à Lui qui vit en communauté.

La Sainte Trinité nous invite à vivre ici-bas dans cet amour fraternel comme le Père, le Fils et le Saint-Esprit en ce moment dans le Ciel vivent dans le pur Amour mutuel. Vous me direz : « mais c’est impossible ! » Non ce n’est pas impossible, parce que cette Sainte Trinité, s’étant révélée, nous a communiqué l’Amour mutuel dont ils brûlent. Le Christ est descendu du Ciel. Il s’est fait homme comme nous pour appartenir à notre communauté humaine. Il nous a montré comment s’aimer les uns les autres jusqu’à mourir pour nous sur la Croix, et il nous a dit : « faites de même ! » Et c’est ainsi que non seulement vous vivrez avec moi dans l’Église, qui est mon Corps mystique, mais aussi que cette communauté tout entière sera ramenée à la vie trinitaire et à la Communauté céleste.

Ainsi donc vous voyez qu’il est très important de ne pas faire comme le misanthrope de Molière, en décidant de ne plus aimer les hommes qui ne le méritent pas ! Parce que si nous agissons ainsi, aux dires de saint Paul dans l’épitre aux Romains, jamais nous n’entrerons dans la Communauté du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Tandis que si nous renouons avec nos frères, par charité, et si nous devenons vraiment un membre attentif, plein de sollicitude, plein de dévouement, de bonté et de générosité de cette communauté humaine qu’est l’Église, le Corps mystique du Christ, nous serons emportés avec cette Église et introduits dans la Communauté parfaite de Dieu. Et ainsi, au lieu d’avoir désespéré de l’amour, nous triompherons dans l’amour, lorsqu’avec le Fils nous chanterons le Père dans un même Esprit.

Alors chantons la miséricorde de Dieu et apprenons ainsi à être miséricordieux, afin que réconciliés les uns avec les autres, nous puissions être réconciliés à notre tour avec Dieu et que nous connaissions l’épanouissement dans la béatitude éternelle de ce que nous avons le plus à cœur, qui est d’aimer et d’être aimés. D’aimer en perfection, dans la fidélité, pendant les siècles des siècles, et d’être aimés par Celui qui est toute Sagesse, toute mémoire et tout Amour.

Que nous commencions par vivre en communauté avec un amour, une charité fraternelle, une miséricorde mutuelle qui soit notre épanouissement, notre consolation. Tels sont les arrhes de notre héritage céleste nous dit saint Paul : là est le commencement du Ciel, qui est l’amour fraternel dans la famille ou dans la communauté où Dieu nous a placés.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon n° 31 du 9 juin 1968 (S 6)