13 FÉVRIER 2022

Savourer les Béatitudes

CET évangile des Béatitudes est d’une extrême douceur. Pour savourer ces Béatitudes que Notre-Seigneur nous enseigne, rien de tel que de voir et d’admirer la personne de notre entourage qui nous édifie précisément parce qu’elle vit et pratique cette béatitude.

1. “Bienheureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux.”

Bienheureux et si aimables sont les modestes, ceux qui ne donnent pas l’impression de tout savoir, de tout comprendre, de tout dominer, de tout écraser. C’est pour ceux-là, qui parlent avec douceur, qu’est le Royaume des Cieux.

2. “Bienheureux les doux, car ils posséderont la terre.”

Évidemment, la terre dont il s’agit est la Terre Promise : c’est la terre de l’au-delà, c’est le Ciel. Si je suis modeste, je vais m’attirer la sympathie des autres ; je ne la cherche pas, mais cela me fera plaisir de les voir heureux en ma compagnie. Pour acquérir cette béatitude, je vais m’appliquer à être modeste comme Jésus le désire, car alors les yeux de Jésus s’abaisseront vers moi avec complaisance.

3. “Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.”

J’ai toujours pensé que cela voulait dire que Jésus essuierait les larmes de leurs yeux... (et c’est vrai !) mais ne voyons-nous pas que dès ici-bas on cherche naturellement à consoler celui qui pleure ? Il trouve autour de lui des gens qui ne se détournent pas de lui, mais, au contraire qui vont vers lui et qui ont envie de lui faire ce bien de sécher ses larmes, de le consoler dès maintenant. Quand on est plongé dans la tristesse ou l’affliction, il faut laisser couler les larmes, car nos larmes ne sont jamais un ennui pour les autres, mais un moyen pour eux de nous exprimer leur amitié, leur charité.

4. “Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.”

Le contresens progressiste est épouvantable, car il transforme cette béatitude en une sorte de revendication socialiste ou de respect des Droits de l’homme ! Alors qu’en réalité, il s’agit tout simplement ici de la sainteté qui consiste à être un juste selon Dieu. Regardez agir ceux qui ont une âme de juste. Dans une espèce d’alacrité, ils sont préoccupés de faire le bien, de donner le bon exemple. Cela fait plaisir aux autres et les entraîne sur le chemin de la perfection. En les voyant, on veut à notre tour rendre service...

5. “Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.”

Celui qui est miséricordieux, c’est celui qui a pitié des faiblesses des autres, qui comprend, qui excuse, qui pardonne... même quand le crime est flagrant, quand le péché est épouvantable. Le miséricordieux se met dans la peau du pauvre pécheur, et il s’imagine lui-même commettre le mal en voyant bien (avec ennui et peine) qu’il aurait tort de commettre une telle faute. Alors au lieu de repousser l’autre comme un misérable personnage, il l’excuse tant et si bien qu’il se fait pour lui une âme fraternelle. C’est la miséricorde. C’est l’image de Jésus-Christ dont saint Paul nous dit qu’Il nous a aimés malgré notre misère, « alors que nous étions encore pécheurs »...

Les miséricordieux sont une source de santé morale et spirituelle dans une famille, dans une communauté, dans une paroisse.

6. “Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.”

Il ne s’agit pas seulement de la chasteté, mais de la bienveillance dans l’intention. Ceux qui ont une intention droite et dont l’amour pour nous est sans feintise, sans hypocrisie.

7. “Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés les fils de Dieu.”

Les pacifiques mettent la paix entre les gens, et ils éteignent les rancunes. Celui qui est pacifique a appris le moyen de désarmer les autres et de faire régner un climat de paix dans une famille. Il y a des familles, des communautés religieuses qui sont des paradis sur terre à cause de cela.

8. “Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les Cieux.”

II y a deux degrés de compréhension, deux manières de pratiquer cette béatitude, me semble-t-il.

1) C’est tout d’abord une allusion au Livre de la Sagesse, qui nous dit que chaque fois que quelqu’un fait le bien ou pratique la vertu, il suscite l’animosité de ceux qui l’entourent et ne pratiquent pas la vertu à ce point. Il y a une sorte de répulsion des méchants pour les bons ; il arrive donc souvent que les bons souffrent de leur entourage et que leurs bonnes actions suscitent une jalousie spirituelle, un agacement. Il faut ne pas en tirer de rancune, car si l’on porte avec allégresse cette petite souffrance, cela entraînera les autres au bien.

2) C’est ensuite le martyre. Lorsque quelqu’un est persécuté à cause de son témoignage en faveur de Jésus-Christ, à cause de sa Foi, c’est que cet être-là a été choisi par Notre-Seigneur pour verser son sang (ou du moins le sang de son cœur) dans l’ignominie, la honte, les procès, les prisons, et finalement dans la mort. C’est la bonne voie du salut, c’est la meilleure : c’est celle des martyrs.

Jésus proclame bienheureux les martyrs. Toute leur joie est dans cette souffrance qui les configure au Christ. Les saints engagés dans la voie de la persécution reçoivent cette lumière du Christ qui les persuade que leurs tourments sont infiniment agréables à Jésus : « Ô Jésus, il n’y a pas de plus grande joie que de souffrir pour votre amour » disait sainte Thérèse. C’est la béatitude de la persécution. « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les Cieux »... et dès ce monde ! Car on ne peut pas se figurer à quel point ceux qui souffrent pour la vérité, le bien et la justice, sont agréables aux autres : ils attisent le feu de l’amour dans des milliers d’âmes et les entraînent ! « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens »... c’est grâce à eux que notre monde assoupi, sans piété ni ardeur, sortira de son apostasie.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 14 novembre 1992