13 MARS 2022

Jésus transfiguré

PENDANT le carême, l’Église médite sur les grandes étapes de la vie de Notre-Seigneur. Elle nous demande de nous engager à sa suite, car il a dit : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. »

Le baptême, puis l’épreuve endurée avec beaucoup de faiblesse, et enfin la purification acceptée sont les grandes étapes de la vie chrétienne. Un jour vient où Dieu donne sa grâce, sa faveur et son réconfort pour l’emporter sur notre faiblesse et nous donner la victoire. Comment cela ?

Le Christ, lui, n’en avait pas besoin dans son être divin ; mais dans toute sa nature humaine, il pouvait déjà anticiper le bonheur du Ciel. Il prie avec une telle ferveur sur cette montagne que son être se transfigure, et c’est sa divinité qui le fait resplendir comme la lumière du soleil. Ses vêtements sont lumineux de cette gloire qui l’habite tout entier. Dieu son Père, pour récompense de sa victoire sur la tentation, divinise tout entière cette nature, la fait resplendir des attributs divins, de la gloire divine elle-même.

C’est alors que Notre-Seigneur, devançant la volonté du Père, parle de sa Passion ; il accepte sa Passion. Alors même qu’Il est si uni à son Père dans cette gloire béatifiante, il anticipe déjà cette heure qu’il désire si fortement, où sa douleur, son abnégation et son immolation nous vaudront le salut.

Moïse et Élie viennent en parler avec lui. Et les Apôtres se réveillant de leur lourd sommeil (preuve de leur fragilité et de leur tiédeur) reçoivent d’abord la vision du Christ en gloire. Ils sont dans un tel bonheur que saint Pierre voudrait construire des cabanes et s’installer dans ce bonheur.

Mais Notre-Seigneur les a conduits là pour les éduquer et leur parler de l’épreuve qui vient : de cette épreuve contre laquelle justement saint Pierre s’est dressé... de ce passage critique qu’il ne voulait pas franchir, que nul homme ne veut franchir !

Après tant de joie à suivre le Christ comme un disciple en effet, quand tout à coup on découvre qu’il faudra souffrir avec lui et mourir avec lui, la nature regimbe !

Les Apôtres sont ainsi initiés à la voie qui leur reste à courir, c’est-à-dire à entrer dans la voie de la tribulation, de la souffrance, de l’abjection et de la mort en vue de la résurrection avec le Christ. Tout à coup, ils découvrent cette immense douleur et peine qu’il nous faut porter à la ressemblance de Jésus-Christ pour le suivre dans sa gloire. Ils l’ont vu dans sa gloire, mais c’est pour entendre ses leçons relatives à la Croix.

Et quand le Père lui-même les prend dans cette nuée lumineuse qui symbolise son être divin, ils sont là, prosternés la face contre terre, et ils entendent cette parole du Père céleste : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait me plaît. »

C’est dire : “ écoutez-le quand il parle de souffrir à Jérusalem, d’être livré aux païens, de mourir comme le dernier des criminels et, enfin, de ressusciter ; sachez bien qu’il réalise tous mes desseins, qu’il fait toute ma volonté : « Écoutez-le ! » 

Ah ! Comme Dieu est fort pour nous faire passer (que nous le voulions ou non) des joies des premiers mystères joyeux de notre vocation aux mystères douloureux par lesquels il nous faut passer pour entrer dans la gloire.

Quand Jésus touche les Apôtres et les relève, Moïse et Élie ont disparu ! Il n’y a plus que... Jésus seul ! C’est avec Lui que nous allons pouvoir courir notre course et l’emporter sur les démons, avec « les ardeurs plus vives d’un amour plus profond » nées de la contemplation de la Face rayonnante du Christ. On ne va pas loin avec la pénitence de l’Ancien Testament, avec la Loi de Moïse.

On ne va pas loin avec l’ascèse, avec la lutte contre soi-même... à moins de contempler le visage du Christ plein de suavité et de bonté avec les yeux du Père qui nous enveloppe de sa grâce et habite en nous. Il n’est pas seulement au sommet de la haute montagne ; nous le portons avec nous jour et nuit, pourvu que nous soyons fidèles à « écouter » Jésus, à le suivre jusqu’au bout en écoutant ceux qu’il nous a donnés pour maîtres, surtout s’ils sont persécutés pour la justice à cause du Nom du Christ.

Comment écouter Jésus ? En nous instruisant et nourrissant de Lui sur la sainte Montagne, en apprenant de Lui à pratiquer cette convivialité quotidienne et fraternelle, en nous pardonnant les uns aux autres comme Dieu nous pardonne, comme Jésus compatissant et miséricordieux nous pardonne à cause du Cœur Immaculé de Marie. Car c’est Elle, la Sainte Vierge, qui nous dit aujourd’hui, depuis la Cova da Iria qui est notre Thabor :

« Obéissez à mon Fils, suivez-le jusqu’au bout et vous entrerez dans la gloire comme lui-même, à sa suite, et vous siégerez dans les tabernacles éternels, vous y mangerez et boirez en présence de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. »

Frère Bruno de Jésus-Marie
Extraits du sermon du 6 mars 2005