17 AVRIL 2022 - PÂQUES

Retrouver la foi 
avec saint Jean au matin de Pâques

JEAN est un chef-d’œuvre de la nature et de la grâce. Il a vu mourir Jésus, il en a été témoin ; frappé par l’accomplissement de la prophétie de Zacharie, il a contemplé Jésus : ce flanc ouvert et ce jet de sang et d’eau qui en est jailli lui a paru signe de grandes choses. Il y a donc un avenir : Jean croit toujours au Royaume de Dieu que Jésus est venu instaurer sur la terre. Mais quand, comment sera-t-il instauré ? Cela lui échappe. Il lui faudra le choc d’un signe... d’un seul, mais certain !

Tout tient pour lui en deux mots qu’il dit au sujet de lui-même : « il a vu et il a cru ». Telle est la démarche de tous les fidèles du Christ à travers son Évangile. Jean, lui, était encore au matin de Pâques sous le choc de la mort et de l’ensevelissement du Christ. C’était tellement bouleversant et saisissant qu’il en demeurait comme inerte. Puis il a vu quelque chose... et il a cru ! Quel est ce mystère ? Qu'a-t-il vu pour retrouver ainsi la foi, puis pour retrouver le fil des événements providentiels et qu'alors seulement la vérité du Christ lui soit apparue complète ? Prenons le chapitre 20 et lisons : c’est un récit.

« Le premier jour de la semaine comme il faisait encore sombre, Marie de Magdala vient de bonne heure au tombeau et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau. »

Vous noterez que Jean la nomme ici comme au pied de la Croix  Marie de Magdala  : c’est la sœur de Marthe et de Lazare. Elle est, à l’égal de saint Jean l’Apôtre que Jésus aimait, la pécheresse convertie que Jésus aimait, et elle l’aimait pareillement. Elle vient donc de bonne heure au tombeau. D’autres femmes viendront, mais saint Jean ne pense qu’à elle.

« Elle court alors et vient trouver Simon-Pierre ainsi que l’autre disciple (celui que Jésus aimait) et elle leur dit : “ On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis.  »

C’est véritablement l’acte tout à fait premier de cette matinée du dimanche de Pâques.

« Pierre sortit donc, ainsi que l’autre disciple, et ils se rendirent au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble. L’autre disciple, plus rapide que Pierre, le devança à la course et arriva le premier au tombeau. Se penchant, il observe les linges... »

Frère Bruno traduit au plus près du texte les linges (othonia en grec) par  les bandes  « ... gisant à terre [au lieu de : tombées à terre] ; pourtant il n’entra pas. » Par respect, il est dehors et il regarde à travers la porte basse du tombeau, qui est ouverte du fait que la pierre a roulé.

« Alors arrive aussi saint Pierre qui le suivait. »

C’est très précis, c’est comme un rapport de police ! « Il entre dans le tombeau et il contemple les linges gisant à terre ainsi que le suaire qui avait recouvert sa tête [littéralement : qui était par-dessus sa tête] ; non pas avec les linges [littéralement : non pas gisant avec les linges], mais roulé dans un endroit à part. »

L’expression grecque indique qu’il s’agit d’un lieu tout à fait spécial. Saint Jean a vu que Jésus avait eu l’intention de placer le Suaire à cet endroit-là d’où il était particulièrement visible. Celui qui l’avait posé là voulait qu’on le remarque, et qu’on ne l’oublie pas en partant !

Nous sommes dans un récit tout à fait prosaïque, mais qui prendra de l’importance par la suite lorsque la science se penchera sur cette relique et qu’on y verra les marques évidentes du Sang et de l’apparence, c’est-à-dire de l’aspect du Christ lui-même. À ce moment-là, la conservation de ce linceul paraîtra comme une merveille providentielle. Il a fallu qu’on ramasse les linges en quittant le tombeau, et évidemment que le Saint Suaire soit récupéré dès lors par de pieuses mains.

« Alors entra l’autre disciple, arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. » Il « vit » quoi ? Le Suaire roulé avec soin. Non pas tombé à terre, mais « roulé », rangé avec ordre, à part des bandelettes. Il « crut. » Quoi ? Que Jésus était ressuscité d’entre les morts. Là où il avait été déployé à la hâte pour envelopper le corps du Christ mort, ce linceul était maintenant vide, abandonné avec ordre par ce corps revenu à la vie. Jean y a reconnu le geste du Christ, méthodique, minutieux : repliant sa couverture de voyage comme il le faisait d’habitude, il a posé cette étoffe dans un endroit où on ne pouvait pas ne pas la voir en entrant dans le tombeau. Saint Jean a “ vu ” la main de Jésus pliant le Suaire : émotion sacrée, choc d’un trait de lumière !

Ils n’ont pas vu le Christ, mais comme preuve, ils ont vu qu’il n’était plus là. C’est la preuve du tombeau vide... dont les modernes font fi, bien à tort ! Ils en font une légende que les Apôtres auraient inventée de toute pièce pour donner quelque consistance réelle à leur expérience intime de Jésus toujours vivant. Or nous n’avons pas là un mythe : nous avons le fait historique du Saint Suaire que l’Église a toujours vénéré et qu’elle conserve encore à Turin. C’est en le montrant et en le faisant vénérer que l’Église pourra redonner la foi au monde entier.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la Retraite : Saint Jean l’évangéliste, témoin de Jésus
13e conférence, septembre 1990 (S 110)