Peut-on se fier à l’ancien Testament ?
4. Exode et archéologie biblique,
du Sinaï à Cadès-Barné
SELON le Livre des Nombres, les tribus d’Israël passèrent toute une année au pied de la montagne de Dieu (Nb 10, 11-12). Un groupe aussi important laisse habituellement des traces de sa présence ! Or on retrouve, sur les lieux où il a vécu, d’abondants témoignages d’une occupation de la base de la montagne et de ses environs immédiats.
Les Hébreux demeurèrent ensuite à Cadès-Barné. Ce séjour est lui aussi attesté et daté par des vestiges archéologiques : les témoignages d’une occupation de ce lieu abondent pendant la période 2200-1950, offrant de nombreuses ressemblances avec les établissements mis à jour au pied de la « montagne de Dieu », à Har Karkom.
AU PIED DU SINAÏ
« Moïse alors monta vers Dieu. Yahweh l’appela de la montagne et lui dit : “ Tu parleras ainsi à la maison de Jacob, tu déclareras aux Israélites : Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. ” » (Ex 19, 3, 5)
Moïse redescendit de la montagne, et transmit le message divin aux anciens : la courte distance qui sépare le pied de la montagne d’Har Karkom de son sommet permet de se représenter ses allées et venues. Les parois de cette « montagne de Dieu » sont abruptes, mais l’ascension se fait par le versant ouest, par deux sentiers bien tracés, qui semblent avoir été utilisés depuis des temps immémoriaux.
De part et d’autre de l’un des sentiers qui conduit au sommet, de petites roches gravées s’alignent sur une distance d’un kilomètre environ. Ces roches sont ornées de scènes d’adoration, de personnages en prière, les bras levés devant d’étranges et énigmatiques symboles. L’un de ces orants, placé devant un unique trait vertical (représenté au moins quatre fois), paraît illustrer la vénération d’un Dieu qui ne peut être représenté, contrairement à ce qui se fait habituellement.
Ces orants sont devant des symboles tout à fait hermétiques pour les archéologues. Ils le seraient moins si l’on a à l’esprit le Nom de Yahweh révélé à Moïse ! En effet ce Nom ne peut pas être représenté (Ex 20, 4), sinon par quelque idéogramme en attendant le tétragramme hwhy (en hébreu carré, plus tard), quand le récit de l’apparition de Dieu sur cette sainte montagne sera mis par écrit.
« Yahweh dit à Moïse : “ Descends et avertis le peuple de ne pas franchir les limites pour venir voir Yahweh, car beaucoup d’entre eux périraient. » (Ex 19, 21)
L’état présent des lieux illustre cette interdiction. Il semble en effet que de tout temps, ceux qui gravissaient le haut plateau pour les activités cultuelles étaient rares, et que la majeure partie de la population restait au pied de la montagne. Cette précision a été mise en évidence par le fait que sur le haut plateau, le sol est couvert de nombreux vestiges du paléolithique. Les foules des campements installés au pied de la montagne n’ont donc pas marché ou logé sur ce sol, car les sites paléolithiques ne seraient pas demeurés dans un état de conservation aussi parfait.
LES TABLES DE LA LOI
Moïse reçut sur la montagne les dix commandements. Il s’agissait des clauses de l’Alliance, scellée « le lendemain, au point du jour », dans le sang de jeunes taureaux offerts en sacrifices de communion sur un autel bâti par Moïse au pied de la montagne :
« [...] il bâtit un autel au bas de la montagne, et douze stèles pour les douze tribus d’Israël. » (Ex 24, 4)
Au départ de l’un des sentiers qui mènent au sommet d’Har Karkom, on trouve un groupe de douze stèles, à la limite des traces laissées par un campement. Non loin d’eux, on reconnaît une petite cour, au-delà de laquelle subsistent les vestiges d’une plate-forme en pierre : l’autel d’un sacrifice. Avec cette photo sous les yeux, on assiste pour ainsi dire à la scène !
MOÏSE SUR LA MONTAGNE
« Moïse entra dans la nuée et monta sur la montagne. Et Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits. » (Ex 24, 18)
En 1994, Anati a fait « une découverte particulièrement émouvante : une grotte habitée par un individu solitaire, avec des vestiges de foyer, un grabat, les fragments d’une jarre à eau, de la phase de transition Bronze ancien-Bronze moyen (2200 av. J.-C.) [...] Nous ne connaîtrons sans doute jamais le nom de cet “ ermite ”, mais nous possédons à présent un témoignage archéologique exceptionnel qui éclaire un épisode de la Bible. » (Les mystères de Sinaï, p. 11-12)
LE TEMPLE ET L’AUTEL
Les chapitres 25 à 31 du livre de l’Exode sont consacrés à la construction du temple et de l’autel, à leur décor et à leur mobilier, avec cette recommandation :
« Regarde et exécute selon le modèle qui t’est montré sur la montagne. » (Ex 25, 40)
Les exégètes (principalement ceux de la tradition rabbinique) expliquent qu’il existait un « modèle céleste » qui fut montré à Moïse dans une vision. Le texte semble cependant faire allusion avec insistance à un sanctuaire établi au sommet de la montagne. Et de fait, une structure du début de l’âge du Bronze (2 200 av. J.-C.) a été découverte au centre du plateau de Har Karkom ; elle appartenait à un petit temple, qui comprenait une cour et une plate-forme surélevée, orientée vers l’est.
Sachant, par les vestiges archéologiques, que cette montagne était sacrée depuis des temps immémoriaux (bien avant qu’elle ne le devienne pour les Hébreux) nous ne nous étonnons pas d’y découvrir un sanctuaire madianite, de la tribu du beau-père de Moïse (“ le prêtre Jéthro ”), et de voir Dieu ordonner à Moïse de le prendre pour modèle.
LE VEAU D’OR
Entendons-nous bien : nous n’avons aucune chance de retrouver la statue coulée par Aaron ! Vu ce qu’en fit Moïse, redescendu de la montagne :
« [Moïse] prit le veau qu’ils avaient fabriqué, le brûla au feu, le moulut en poudre fine, et en saupoudra la surface de l’eau qu’il fit boire aux Israélites. » (Ex 32, 20)
En revanche, le feu allumé pour fondre le métal a-t-il laissé des traces ? Sur le site de Har Karkom, explique Anati, « quelques aires avaient été débarrassées des pierres qui avaient été entassées sur les bords. On a dû empiler du matériau de combustion pour produire des feux qui ont laissé des traces importantes, provoquant [même] des fractures de chaleur sur des centaines de silex disséminés en surface ».
LE DÉPART, DU SINAÏ À CADÈS-BARNÉ
En comparant les traces d’intense activité humaine du troisième millénaire avant Jésus-Christ à l’absence de vestiges du millénaire suivant, les archéologues sont conduits à supposer que les groupes tribaux ont disparu de toute la région durant cette période.
Or qu’est-il advenu des Hébreux durant le second millénaire ? Il suffit de lire le livre des Nombres. Le moment venu, Moïse leva le camp pour conduire son peuple en Canaan, avec l’intention d’y pénétrer par la frontière méridionale.
« La nuée s’éleva au-dessus de la Demeure du Témoignage. Les enfants d’Israël partirent, en ordre de marche, du désert du Sinaï. C’est au désert de Paran que la Nuée s’arrêta. » (Nb 10, 11-12)
« Le Paran semble avoir été le désert le plus vaste et le plus effrayant qu’aient eu à affronter les voyageurs au cours de l’Exode », écrit Emmanuel Anati qui l’a parcouru en tous sens. « Pays des serpents, du saraf, des scorpions et de la soif », selon un verset du Deutéronome (Dt 8, 15) historié sur un rocher. Anati considère que l’on a tort de traduire le mot hébreu saraf par l’adjectif « brûlant », puisque c’est le deuxième terme d’une énumération. Selon lui, « l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il s’agit du nom biblique d’un lézard venimeux [dont la morsure produit une vive inflammation], que l’on trouve dans la péninsule du Sinaï » (Les Mystères, p. 148, note 1).
Sur la base des éléments topographiques et géographiques vérifiés sur le terrain, Anati a reconstitué l’itinéraire suivi par les Hébreux, selon le Livre des Nombres.
Du désert de Paran, Moïse envoya des hommes (un par tribu) effectuer la reconnaissance du pays de Canaan. Ceux-ci revinrent en rapportant des fruits magnifiques. Cependant, à l’exception de Josué et de Caleb, ils démoralisèrent le peuple en décrivant le pays comme couvert de places fortes imprenables. Une sédition éclata alors, et Moïse transmit la sentence de Dieu : à l’exception de Caleb et de Josué, la génération présente n’entrerait pas dans cette terre qu’elle s’était fermée par son esprit de révolte.
Les Hébreux firent donc pénitence pendant quarante ans à Cadès, où l’on trouve les vestiges de très anciens campements de nomades, qui remontent à un millénaire avant la date fixée par l’exégèse traditionnelle de l’Exode... Ce nouveau site archéologique vient donc encore une fois confirmer l’hypothèse de la nouvelle datation de l’Exode, soit : 1000 ans plus tôt !
Extraits de Peut-on se fier à l’Ancien Testament ? Réponse aux émissions d’Arte : La Bible dévoilée (2).
L’Exode, naissance miraculeuse du Peuple élu
Il est ressuscité ! n° 46, mai 2006, p. 1-20. audio-vidéo : B 57 : Histoire sainte, Histoire vraie, Pentecôte 2007, 4 h 30