Peut-on se fier à l’ancien Testament ?

2. Genèse et archéologie biblique

LE livre de la Genèse raconte une suite d’alliances de Dieu avec les hommes depuis Adam jusqu’à Abraham, en passant par Noé. Dieu choisit Abraham, un Araméen nomade, pour lui promettre une descendance et un pays : la Terre de Canaan. Dieu arrache son élu à son pays, ses traditions, son culte incertain et, en récompense de sa foi, lui promet son Alliance éternelle.

Abraham
Abraham

Ce livre s’achève sur une ultime apparition de Dieu à Jacob, lui renouvelant son Alliance au moment où ce patriarche quitte la “ Terre ” à lui “ promise ” pour s’installer en Égypte, au pays de Goshèn, dans la partie orientale du delta du Nil, avec toute sa famille : en tout soixante-dix personnes (Gn 46, 27).

L’archéologie nous livre-t-elle quelques indices de l’historicité de ces récits très antiques ? Il n’existe pas pour cette époque de sites comparables à Har Karkom, les patriarches et leurs familles s’étant montrés beaucoup plus discrets qu’une multitude fuyant l’Égypte ! Cependant, il existe tout de même des pistes intéressantes ; en voici quelques exemples.

« Il y eut le déluge pendant quarante jours sur la terre ; les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. Les eaux montèrent et grossirent beaucoup sur la terre et l’arche s’en alla à la surface des eaux. »
(Gn 7, 17-18)

Ses recherches ont permis à Emmanuel Anati d’établir que les mythologies d’autres peuples offrent bel et bien un écho à ce récit :

« L’histoire du “ déluge universel ” dans la Bible semble refléter la mémoire collective d’un événement écologique dans lequel en vérité s’est déterminé le sort de l’humanité. Une histoire analogue est présente aussi dans la mythologie de la Mésopotamie : Noé y est nommé Ziusudra, qui construit l’arche et se sauve du déluge. Mais le souvenir du grand déluge est [également] rappelé dans les mythologies de différents peuples jusque sur le continent américain. [...]

Cette catastrophe remonte à plus de dix mille ans [...]. Le récit biblique, même s’il apparaît dans ce cas délicieusement épique, pourrait se baser sur des faits autour desquels ont fleuri, par la suite, les broderies imaginaires de la tradition orale. »

Les données géologiques concordent également, ajoute-t-il :

« La fin de la dernière ère glaciaire en Europe et en Amérique du Nord coïncide avec une intense période de pluies dans le Moyen-Orient. À la suite du dégel des immenses glaciers nordiques, le niveau de la Méditerranée et d’autres mers s’est élevé d’environ 120 mètres, atteignant sa cote actuelle. Des millions d’hectares de terres ont été alors submergés. [...]

« La côte orientale de la Méditerranée, en certains points, s’est retirée sur plus de 100  km ; des plaines étendues et riantes ont disparu pour toujours sous le niveau de la mer. De nombreuses espèces animales se sont éteintes et de nombreuses tribus d’hommes qui vivaient sur ces territoires ont été rayées de la face de la terre. »

Ce texte est inspiré. Aussi certains de ses détails, qu’Anati se permet de qualifier de « broderies imaginaires de la tradition orale », ne sont pas à mépriser : l’auteur a été amené par Dieu à les conserver, car ils devaient servir dans son Dessein à l’annonce de la sainte Église, arche de salut universel, dont l’arche de Noé est le figuratif.

LA TOUR DE BABEL

« Ils dirent : Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! » (Gn 11, 4)

Les archéologues ont retrouvé les ruines de la ville d’Ur, fondée au cinquième millénaire avant l’ère chrétienne. À la ville d’Ur des Chaldéens se rattache le souvenir de la tour de Babel. Le récit biblique de ce péché d’orgueil commis par des hommes fait en effet allusion à des villes prestigieuses que les fouilles modernes ont retrouvées en Mésopotamie : Ur, Ninive, Babylone, Suse. Nous ne les connaissions que par la Bible, et nous les avons retrouvées sur ses indications.

Les ruines de la ville d’Ur
Les ruines de la ville d’Ur

L’archéologie moderne en reconstitue aujourd’hui les plans, rééditant celui des bâtisseurs antiques des ziggourats, hautes tours à étages qui dominaient ces cités, au sommet desquelles était un sanctuaire consacré au dieu-lune, à Ur. (d’après les travaux de Marcel Dubois, o. p., Dossiers d’archéologie n° 210, 1995)

ABRAHAM

Yahweh dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction ! » (Gn 12, 1-2)

L’archéologie nous fournit quelques précisions sur le pays d’origine d’Abraham : Parmi les civilisations orgueilleuses qui voulaient dominer toute la terre « la cité d’Ur n’est mentionnée que pour consigner le fait qu’Abraham est appelé par Dieu à la quitter. En contemplant ce qu’il en reste, on comprend à quelle civilisation active et florissante Abraham s’est arraché en écoutant l’appel de Dieu. Quitter Ur pour Harran et, au-delà, pour une terre inconnue, c’était laisser derrière soi tout un monde et s’engager dans une aventure dont Dieu seul savait le secret. » (Marcel Dubois, o. p. , Dossiers d’archéologie n° 210, 1995)

« Les Cananéens et les Perizzites étaient alors dans le pays. » (Gn 12, 7)

Meggido
Meggido

Les auteurs de la « La Bible dévoilée » prétendent démontrer qu’Abraham poussant ses troupeaux à travers la Terre promise n’a jamais existé, puisque « loin d’indiquer un paysage aride convenant à une vie de berger, les strates supposées contemporaines de l’émigration d’Abraham révèlent, à Megiddo par exemple (dans le nord du pays) une cité-État de près de 2 000  habitants. À cette époque, Canaan était une région économique développée, avec un réseau de cités-États très dense. »

Précisément ! Le texte ne dit pas autre chose : les cananéens étaient dans le pays, qui dès lors « ne suffisait pas à l’installation commune [d’Abram et Lot] » (Gn 12, 6) ! Leur démonstration ne démontre en fait... rien du tout. Le Père de Vaux l’écrivait déjà il y a cinquante ans : « Les Patriarches ont trouvé un pays où la civilisation urbaine et agricole était en plein essor. » (Patriarches hébreux et découvertes modernes, Revue biblique, 1949, p. 15). « Mais de vastes espaces restaient libres pour les pasteurs », ajoutait-il.

Un fait appuie la nouvelle datation selon laquelle ces événements se passent au troisième millénaire : la conjonction du développement urbain à Jéricho et à Meggido (constaté et daté par les archéologues de l’Ancien Bronze, soit de 3100 à 2200 av. J.-C.), avec l’apparition des Amorites (en provenance de la Mésopotamie, comme Abraham) en Syrie et en Palestine, datée de la même époque.

« Dieu dit : Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t’en au pays de Moriyya, et là tu l’offriras en holocauste sur une montagne que je t’indiquerai. (Gn 22, 2)

« Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l’endroit de loin. » (Gn 22, 4)

Où est cette montagne indiquée par Dieu ? Le texte ne le précise pas, comme si cela allait de soi... La tradition postérieure a identifié Moriyya avec la colline où s’élèvera le Temple de Jérusalem. Cependant, il s’agit ici non pas d’une montagne mais d’un pays dans lequel se trouve une montagne.

Le Père de Vaux affirmait donc : « Les hypothèses qu’on a faites sont toutes improbables et le lieu du sacrifice reste inconnu. »

C’était avant la découverte d’Anati. À trois jours de marche d’Hébron en effet, il n’y a qu’une « montagne de Dieu » connue et théâtre d’un culte rendu à Dieu (à Yahweh) depuis les temps les plus reculés ; une montagne où l’on a retrouvé les traces de ce culte remontant aux origines de l’humanité. Cette montagne s’appelle aujourd’hui Har Karkom.

L’HISTOIRE DE JOSEPH

L’histoire de Joseph, l’innocent vendu par ses frères et qui, une fois distingué par Pharaon les sauvera de la famine, est une admirable figure de la rédemption.

« Pharaon dit à Joseph : Vois : je t’établis sur tout le pays d’Égypte. » (Gn 41, 41)

Dans l’émission « La bible dévoilée », un égyptologue français du Caire est interrogé, mais la réponse de ce dernier est rapidement éclusée... car elle va à l’encontre de la thèse des présentateurs ! Cette réponse est pourtant des plus intéressantes : « L’histoire de Joseph devenant ministre de Pharaon est tout à fait possible. Le roi d’Égypte a dans sa mouvance des sémites qui sont naturalisés. Qui prennent un nom égyptien et qui font carrière, parfois brillante»

« Jacob partit de Bersabée, et les fils d’Israël firent monter leur père Jacob, leurs petits enfants et leurs femmes sur les chariots que Pharaon avait envoyés pour le prendre. Ils emmenèrent leurs troupeaux et tout ce qu’ils avaient acquis au pays de Canaan et ils vinrent en Égypte, Jacob et tous ses descendants avec lui. » (Gn 46, 5-6)

Des peintures de la nécropole antique de Beni Hassan, datant du XIXe siècle av. J.-C., permettent de se représenter la caravane de la famille de Jacob descendant en Égypte pour y chercher fortune... conformément au magnifique récit des chapitres 37 à 50 du Livre de la Genèse.

Nécropole antique de Beni Hassan (XIXe siècle av. J.-C)
Nécropole antique de Beni Hassan (XIXe siècle av. J.-C)

Extraits de Peut-on se fier à l’Ancien Testament ? Réponse aux émissions d’Arte : La Bible dévoilée (1).
Il est ressuscité ! n° 43, février 2006, p. 21-24. audio-vidéo : B 57 : Histoire sainte, Histoire vraie, Pentecôte 2007, 4 h 30