1. L'optimisme humaniste
Les premières paroles du Pape offrent au Concile, dès l'introduction, un Credo fondamental : « Les graves problèmes posés au genre humain depuis près de vingt siècles restent les mêmes. Jésus-Christ reste en effet toujours au centre de l'histoire et de la vie : les hommes, ou bien sont avec lui et avec son Église, et alors ils jouissent de la lumière, de la bonté, de l'ordre et de la paix ; ou bien vivent sans lui, agissent contre lui ou demeurent délibérément hors de son Église, et alors ils connaissent la confusion, la dureté dans leurs rapports entre eux et le risque de guerres sanglantes. »
Selon ces paroles, toute la vie de l'Église ancienne n'a pour loi et pour fin ultime explicites que la concorde des hommes et la paix mondiale. L'ordre surnaturel des fins dernières et des moyens à mettre en œuvre pour obtenir le pardon, la justification par la Croix et la récompense du Ciel, est totalement rejeté, à terre, pour ne devenir qu'une aide “ religieuse” (?) morale, culturelle, proportionnée aux fins exclusivement temporelles recherchées. Toutes ténèbres effacées :
Satan et son parti, l'enfer, le péché originel, les oppositions mortelles à l'Église de Dieu, rien de tout cela ne subsiste, sinon « dans les archives de Rome et dans les bibliothèques les plus célèbres du monde entier » évoquées ensuite par le Pape avec dérision.
À peine suggérée, insinuée par Jean XXIII dans ses premiers paragraphes, une première hérésie se fait donc jour et reviendra en force, mais confusément, au fil du discours. La voici en clair : « Certes, l'Église ne propose pas aux hommes de notre temps des richesses périssables, elle ne leur promet pas non plus le bonheur sur la terre, mais elle leur communique les biens de la grâce qui élèvent l'homme à la dignité de fils de Dieu et, par là, sont d'un tel secours pour rendre leur vie plus humaine en même temps qu'ils sont la solide garantie d'une telle vie. » Aidés ainsi puissamment, « les hommes peuvent parvenir à l'absolue et ferme unité des âmes à laquelle sont liés toute vraie paix et le salut éternel. » La foi catholique n'est qu'un ferment grâce auquel l'humanisme séculier est capable d'accéder à son double idéal : la perfection de la Personne, reconnue et protégée dans toute sa dignité, ET l'unité mondiale, pouvant seule procurer la paix visible, terrestre.
La dernière précision de cette chimère, où le surnaturel en cascade se naturalise, et où le naturel se trouve surnaturalisé en utopie, la voici : le Pape, puis le Concile, et c'est le Père Congar qui l'a publié alors, un peu gêné de leur “ découverte”, ont affirmé que désormais il faudrait admettre que tout homme et tous les hommes ont deux fins à atteindre, successivement, imbriquées l'une dans l'autre. La première est de bâtir le monde humain fraternel ; la seconde est de faire son salut en cherchant Dieu et en le servant. Étant bien entendu que l'une ne peut en aucun cas exclure l'autre. Problème chinois. Hérésie que ces deux fins ultimes : « Vous ne pouvez servir deux maîtres. »
Extraits de Jean-Paul Ier « Le Secret, c'est terrible ! »,
Résurrection n° 7, juillet 2001, p. 13-18