Le voyage de Benoît XVI en Turquie
S'adressant au président des Affaires religieuses de Turquie, le mardi 28 novembre 2006, à Ankara, le pape Benoît XVI déclarait : « Nous sommes appelés à œuvrer ensemble, afin d’aider la société à s’ouvrir au transcendant, en reconnaissant à Dieu tout-puissant la place qui lui revient. Le meilleur moyen d’aller de l’avant passe par le dialogue authentique entre chrétiens et musulmans, fondé sur la vérité et inspiré par le souhait sincère de mieux nous connaître les uns les autres, en respectant les différences et en reconnaissant ce que nous avons en commun. Cela conduira à un respect authentique des choix responsables que fait chaque personne, en particulier ceux qui concernent les valeurs fondamentales et les convictions religieuses personnelles.
« Pour illustrer le respect fraternel dans lequel chrétiens et musulmans peuvent œuvrer ensemble, je voudrais citer les paroles adressées par le pape Grégoire VII en 1076 à un prince musulman de l’Afrique du Nord qui avait agi avec une grande bienveillance à l’égard des chrétiens dépendant de sa juridiction. Le pape Grégoire VII parla de la charité particulière que chrétiens et musulmans se doivent mutuellement “ parce que nous croyons en un seul Dieu, quoique d’une manière différente, et parce que nous le louons et le vénérons chaque jour comme créateur des siècles et gouverneur de ce monde ” (pl 148, 451). »
Le pape Jean-Paul II ayant conclu, naguère, un message aux musulmans du monde entier par la même citation, je fis alors remarquer que, retirée de son contexte, elle faussait la pensée de Grégoire VII 1CRC n° 274, juin 1991, p. 21, en note. An-nasir, le « prince musulman » en question, favorisait les chrétiens d’une bienveillance particulière. Grégoire VII l’en félicite... tout en préparant la Croisade, afin d’ « aider les chrétiens qui, sans cesse en butte aux coups des Sarrasins, nous demandent de leur tendre une main secourable ». 2Lettre au comte de Bourgogne, février 1074, citée par Augustin Fliche, La Réforme grégorienne et la reconquête chrétienne, Histoire de l’Église, t. 8, p. 70 ; cf. la bulle du 1er mars 1074 adressée « à tous ceux qui veulent défendre la foi chrétienne ».
TROUPEAU DISPERSÉ
Plus que jamais, « en butte aux coups des Sarrasins », les chrétiens du Proche-Orient « nous demandent de leur tendre une main secourable ». En dépit de la conquête musulmane, ils ont survécu avec dignité et ténacité, grâce aux Croisades qui les sauvèrent de l’anéantissement, sur ces terres d’antique civilisation que sillonnèrent les Apôtres et que les martyrs arrosèrent de leur sang.
Il a fallu attendre le vingtième siècle pour qu’ils soient contraints de fuir. (...)
On comprend l’inquiétude du Saint-Père devant une telle situation à laquelle ni l’ouverture ni le “ dialogue ” engagé par Paul VI et Jean-Paul II n’ont porté remède, au contraire. Pourtant, nous allons voir Benoît XVI persister dans la même politique utopique. Le soir même de son arrivée, au mépris de la réalité historique, le Pape déclara à la nonciature d’Ankara, devant le corps diplomatique :
« La Turquie a toujours été un pont entre l’Orient et l’Occident, entre l’Asie et l’Europe, et un carrefour de cultures et de religions ». Avant l’invasion turco- musulmane, oui. Autrement dit, avant la “ Turquie ”. Saint Luc raconte en effet dans les Actes des Apôtres comment saint Paul, lui-même originaire de Tarse, après avoir parcouru l’Anatolie en tous sens, passa de là en Europe à l’appel d’un Macédonien : « Or, pendant la nuit, Paul eut une vision : un Macédonien était là, debout, qui lui adressait cette prière :“ Passe en Macédoine[autrement dit : en Europe], viens à notre secours ! ” » (Ac 16, 9)
Ce qu’il fit, et l’Europe fut évangélisée.
Mais on ne peut pas dire que l’empire ottoman fut un pont entre l’Asie et l’Europe en écrasant les Serbes en 1389 au Champ du Merle, en dévastant Salonique en 1430 puis Constantinople en 1453, « la seconde Rome » dont la cathédrale Sainte-Sophie fut transformée en mosquée, aujourd’hui convertie en musée en vertu de la laïcité, et où Benoît XVI n’a pas même eu la liberté de prier. Loin de s’en plaindre, il a continué :
« Durant le siècle dernier, elle a pris les moyens de devenir un grand État moderne, notamment en faisant le choix d’un régime laïque, avec une claire distinction entre la société civile et la religion, chacune étant autonome dans son propre domaine tout en respectant la sphère de l’autre. »
C’est sans doute en vertu de cette “ laïcité ” que « liberté d’expression et d’association, droit d’entretenir des lieux de culte et des écoles sont chichement mesurés aux chrétiens par une administration tatillonne, alors que les publications musulmanes, les écoles coraniques et les institutions sociales islamiques prospèrent grâce à la complaisance des autorités ». 3
Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des chrétiens d’Orient, Fayard, 1994, p. 829De telle sorte que la République laïque instaurée par Mustapha Kémal (Atatürk) en 1924 a davantage accéléré le déclin des chrétiens d’Anatolie que des siècles de domination musulmane. Sur une population de 73 millions d’habitants, la Turquie ne compte plus que 0, 2 % de chrétiens. (...)
Cette discrimination est l’une des raisons qui ont conduit Bruxelles à geler les négociations d’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Le Pape, lui, a choisi de l’ignorer. On comprend les propos désabusés de Mgr François Yakan, vicaire patriarcal des catholiques de rite assyro-chaldéen : « La communauté dont j’ai la charge est minuscule, principalement constituée de réfugiés venus d’Irak. Ce n’est pas facile pour eux, et ils ne souhaitent qu’une chose : émigrer vers une terre chrétienne, car ils ont trop souffert en milieu musulman. Pour eux, la visite de Benoît XVI est importante, car elle permettra d’attirer l’attention sur leur situation. »
Mais Benoît XVI préférait attirer l’attention du gouvernement turc sur la bonne volonté et l’ouverture de l’Église... au prix d’un triple reniement.
UN TRIPLE RENIEMENT
Selon une règle immémoriale, un chef d’État ou de gouvernement qui s’entretient avec le Pape ne révèle pas la teneur de leurs conversations. Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan n’en a cure. Il a claironné devant les médias convoqués tout exprès pour leur raconter son entrevue avec le Pape à l’aérodrome d’Ankara : « Le Pape est favorable à l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne. »
Dans le quotidien canadien Le Devoir, Jean-Claude Leclerc observe que si la Turquie « est encore loin de l’Union européenne, un obstacle de taille a été écarté. Une grande peur retardait ces années-ci son acceptation dans l’Union : ce pays, disait-on, n’a rien de commun culturellement avec l’Europe. Or, on ne pourra plus invoquer cette opinion soutenue, avant son élection à la papauté, par Joseph Ratzinger. Benoît XVI a confirmé la vocation européenne de la Turquie. Les autorités turques n’en attendaient pas tant. Un tel virage est spectaculaire autant que bienvenu. »
Il est plus juste de qualifier ce « virage » de reniement, dans la mesure où le Saint-Père « a confirmé la vocation européenne de la Turquie » mais en renonçant à lui rappeler sa vocation... chrétienne.
Le deuxième reniement a eu lieu le jeudi 30 novembre, au soir de la fête de saint André, lorsque le Pape a pénétré dans l’enceinte de la “ mosquée Bleue ” qui tire son nom des fines faïences bleues de Nicée tapissant ses parois. Il a enlevé ses chaussures, comme Moïse avançant sur une terre sainte (Ex 3, 5), puis il s’est recueilli, à l’invitation du grand mufti d’Istanbul, Mustapha Cagrici, tourné vers La Mecque. Des millions de téléspectateurs ont vu les lèvres du Saint-Père remuer.
Nous autres, catholiques, avons pu penser qu’il récitait Notre Père et Je vous salue Marie, et les musulmans qu’il priait Allah. De retour à Rome, à l’audience générale du mercredi 6 décembre, Benoît XVI a dit la vérité : « Je me suis adressé à l’unique Seigneur du ciel et de la terre, Père miséricordieux de l’humanité tout entière. Puissent tous les croyants se reconnaître comme ses créatures et rendre le témoignage d’une véritable fraternité ! »
La note chrétienne est présente par la mention du « Père », à l’encontre du Coran où Allah n’est jamais nommé ainsi. Mais ce qui manque, c’est le Christ, Très Saint Père ! Lui, l’unique médiateur qui, seul, restaure notre dignité de fils de Dieu. Le Coran « ne (re)connaît pas cet homme » pour Fils de Dieu, mais vous ? Deuxième reniement, au moins par omission, qui en entraîne un troisième, celui de l’Église comme unique instrument de salut et de règne du Christ-Roi sur les sociétés comme sur les individus.
En effet, Benoît XVI se réfère « à la vision que le concile Vatican II présente de l’Église ». (...) En vertu de la constitution Lumen gentium, il explique que« les voyages pastoraux du Pape contribuent aussi à réaliser sa mission, qui se déroule en“ cercles concentriques ”. Dans le cercle situé le plus à l’intérieur, le Successeur de Pierre confirme les catholiques dans la foi ; dans le“ cercle intermédiaire ”, il rencontre les autres chrétiens ; dans le“ cercle le plus à l’extérieur ”, il s’adresse aux non-chrétiens et à toute l’humanité. »
Or, comme l’écrivait l’abbé de Nantes commentant l’encyclique Ecclesiam suam de Paul VI il y a quarante ans, il s’agit là d’ « une nouvelle géographie religieuse » qui se substitue à la vérité d’un monde partagé entre l’Église régénérée par la grâce, d’une part, et le reste de l’humanité encore assise dans les ténèbres de la mort, d’autre part.
Depuis deux mille ans, « l’Église professait qu’elle s’identifiait à la société humaine, civilisée, restaurée dans sa justice originelle, malgré les défauts de ses membres, et bien plus, élevée à la sainteté de Sanctuaire de Dieu parmi les hommes. De ce nouveau genre humain, Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est le Nouvel Adam, le Chef dont tout dépend. Telle est la Chrétienté. Hors d’elle ou à part, demeuraient, sous la dépendance violente l’une de l’autre, la masse perdue en attente de l’Évangile et le Monde des méchants dont le Prince des ténèbres est le maître. Fausses religions et idéologies orgueilleuses, idoles abominables, religions et tyrannies, toutes ces forces de domination étaient dressées contre l’Église et retenaient les âmes captives. Alors l’Église envoyait aux humbles, aux peuples qui gisaient dans l’ombre de l’erreur, dans les ténèbres de la misère et de la mort, ses apôtres et ses missionnaires.
« Tandis que parallèlement les Croisades, les armées catholiques, les expéditions coloniales devaient assurer la liberté chrétienne et l’épanouissement d’institutions civilisées, imprégnées de la douceur évangélique.
« Ainsi l’Église travaillait à l’expansion de son domaine, “ royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice, d’amour et de paix ”. Sans complexe. L’emprise du Monde infernal devait reculer, tous les pouvoirs temporels reconnaître la royauté du Christ ou disparaître. Cependant, l’œuvre sans cesse poursuivie était sans cesse menacée, mise en échec. L’Église avait sur ses franges des excommuniés, des apostats, les schismatiques et les hérétiques. Plus loin demeurait la compacte, l’impénétrable masse des infidèles, dominée par l’inquiétant foisonnement de pouvoirs et de religions ennemis. La foi en l’unique Église du Christ, arche de salut des nations, n’en était pas pour autant ébranlée. Au contraire, l’apostolat missionnaire se doublait de la soif du martyre et la Chrétienté s’étendait indéfiniment. À cet égard, saluons bien bas le dix-neuvième siècle, catholique et missionnaire ! » 4Lettre à mes amis n° 181, 28 août 1964
LA TURQUIE DONNÉE EN MODÈLE !
Disciple de Paul VI, Benoît XVI évoque désormais trois sortes de sociétés, objets d’une égale sollicitude de sa part :
« La première journée de ma visite en Turquie s’est déroulée dans le cadre de ce troisième“ cercle ”, le plus large : j’ai rencontré le Premier ministre, le président de la République et le président pour les Affaires religieuses, adressant à ce dernier mon premier discours ; j’ai rendu hommage au mausolée du “ père de la patrie ”, Mustafa Kemal Atatürk ; j’ai ensuite eu la possibilité de m’adresser au Corps diplomatique à la nonciature apostolique d’Ankara. Cette intense série de rencontres a constitué une partie importante de ma visite, en particulier compte tenu du fait que la Turquie est un pays à très large majorité musulmane, réglementé cependant par une Constitution qui affirme la laïcité de l’État. »
À ce titre, le Saint-Père n’hésite pas à suggérer, non seulement que la Turquie doit entrer en Europe, mais qu’elle a vocation à y être notre modèle :
« Il s’agit donc d’un pays emblématique en ce qui concerne le grand défi qui se joue aujourd’hui au niveau mondial : c’est-à-dire, d’une part, redécouvrir la réalité de Dieu et l’importance publique de la foi religieuse, et, de l’autre, assurer que l’expression de cette foi soit libre, privée de dégénérescences fondamentalistes, capable de rejeter fermement toute forme de violence. »
On remarquera que le Saint-Père ne précise pas l’identité du « Dieu » dont il nous faut « redécouvrir la réalité », ni à quelle « foi religieuse » il attribue une « importance publique » ; peu lui chaut, pourvu que « l’expression de cette foi soit libre ». Benoît XVI renouvelle ici sans équivoque le « délire », pour parler comme Grégoire XVI et saint Pie X, proclamé par le concile Vatican II à l’encontre de toute la tradition catholique, selon lequel « nul ne doit être empêché en matière religieuse ».
La conséquence immédiate de ce principe est cette étonnante profession de foi : « J’ai donc eu l’occasion propice de renouveler mes sentiments d’estime à l’égard des musulmans et de la civilisation islamique. »
Benoît XVI va-t-il se faire musulman ? Non pas. Il garde sa religion. Mais il ne se soucie pas d’y amener les musulmans. À ses yeux, l’important n’est pas là. Voici la fin dernière poursuivie par le Pape, le but de tous ses travaux : « J’ai pu, dans le même temps, insister sur l’importance que les chrétiens et les musulmans s’engagent ensemble pour l’homme, pour la vie, pour la paix et la justice, en réaffirmant que la distinction entre le domaine civil et le domaine religieux constitue une valeur, et que l’État doit garantir au citoyen et aux communautés religieuses la liberté effective de culte. » N’importe lequel, pourvu qu’il soit libre et au service de l’homme !
« La distinction entre le domaine civil et le domaine religieux » est certes une chose acquise depuis saint Augustin. Elle fut même le principe et fondement de notre civilisation chrétienne, sous le nom d’ “ augustinisme politique ” : l’État, quoique souverain dans le domaine temporel, a pourtant été « établi par Dieu serviteur de l’Église, recevant d’elle, en revanche, la reconnaissance de sa légitimité, l’aide spirituelle et morale qui lui est nécessaire, afin de coopérer au bien naturel et surnaturel de leurs communs sujets » (Point 61 § 3 de l'ancienne version des 150 Points).
Tandis que la “ séparation ” dont parle Benoît XVI, en évitant le mot sous lequel la chose a été condamnée par saint Pie X, est l’émancipation de l’ordre temporel de l’autorité du Christ, cause de la destruction présente de notre France catholique, royale et communautaire, comme de tout ordre catholique dans le monde.
De ce triple reniement, la paix ne saurait résulter ! En revanche, elle sera accordée miséricordieusement à la dévotion que le Pape professe envers la Vierge Marie.
LE SIGNE DE FATIMA
« La deuxième journée m’a conduit à Éphèse, poursuit Benoît XVI, et je me suis donc retrouvé rapidement dans le“ premier cercle ” du voyage, au contact direct de la communauté catholique. Près d’Éphèse, en effet, dans une charmante localité appelée“ Colline du rossignol ”, qui surplombe la mer Égée, se trouve le sanctuaire de laMaison de Marie. Il s’agit d’une antique petite chapelle, bâtie autour d’une maisonnette que, selon une très ancienne tradition, l’apôtre Jean fit construire pour la Vierge Marie, après l’avoir amenée avec lui à Éphèse. Jésus lui-même les avait confiés l’un à l’autre quand, avant de mourir sur la croix, il avait dit à Marie :“ Femme, voici ton fils ! ” et à Jean :“ Voici ta mère ! ”(Jn 19, 26-27) Les recherches archéologiques ont démontré que ce lieu est depuis des temps immémoriaux un lieu de culte marial, également cher aux musulmans, qui s’y rendent habituellement pour vénérer Celle qu’ils appellent“ Meryem Ana ”, la Mère Marie. Dans le jardin contigu au sanctuaire, j’ai célébré la sainte Messe pour un groupe de fidèles venus de la proche ville d’Izmir, ainsi que d’autres parties de la Turquie et également de l’étranger. Auprès de la“ Maison de Marie ”, nous nous sommes véritablement sentis“ à la maison ” et, dans ce climat de paix, nous avons prié pour la paix en Terre sainte et dans le monde entier. J’ai voulu rappeler en ce lieu la mémoire de don Andrea Santoro, prêtre romain, martyr de l’Évangile en terre turque. »
Voilà ce que la Sainte Vierge prépare, la seule “ interreligion ” qui tienne. On l’a vu dans cette touchante cérémonie qui réunissait deux cents personnes. « C’est un grand événement, souligna l’archevêque d’Izmir en s’adressant au Pape. Car enfin, nous allons prier pour que votre pèlerinage crée des liens entre catholiques, orthodoxes et protestants, et aussi musulmans. » Une vieille femme musulmane s’est d’ailleurs assise sur un petit muret, derrière l’assemblée de chrétiens. « “ Elle est venue en pèlerinage, explique son fils.Pour Myriam. ” Il affirme que lui et sa mère ont un grand“respect ” pour l’homme en blanc qui célèbre à quelques mètres d’eux. » (La Croix du jeudi 30 novembre 2006, p. 19)
Ah ! si « l’homme en blanc », l’évêque vêtu de blanc du troisième Secret de Fatima, revenait de son égarement, comme saint Pierre pleurant amèrement après son reniement, selon la vision prophétique de Jacinthe !
« Le “ cercle ” intermédiaire, celui des relations œcuméniques, a occupé la partie centrale de ce voyage, qui s’est déroulé à l’occasion de la fête de saint André, le 30 novembre. Cette fête m’a offert le contexte idéal pour consolider les relations fraternelles entre l’Évêque de Rome, Successeur de Pierre, et le Patriarche œcuménique de Constantinople, Église fondée selon la tradition par l’apôtre saint André, frère de Simon-Pierre. »
Il faudra aussi que le Pape revienne de cette aberration, “ traditionnelle ” depuis Paul VI, qui consiste à considérer Constantinople comme le siège suprême de l’orthodoxie.
D’abord, il n’y a plus de “ Constantinople ” : depuis 1453, c’est “ Istanbul ”, capitale de l’Empire ottoman, ennemi de la Chrétienté.
Ensuite, les Grecs orthodoxes quittent le pays sur la pointe des pieds : ils étaient trois cent mille au début du siècle, ils ne sont plus que trois mille aujourd’hui. Bientôt, il n’y aura plus de chrétiens en Turquie. La question du siège suprême de l’orthodoxie sera réglée...
De toute façon, aujourd’hui comme hier, les patriarches des autres sièges orthodoxes ne reconnaissent à celui d’Istanbul aucune autorité. La réaction du métropolite russe Kirill de Smolensk, au voyage du Pape en Turquie, le prouve : « Nous nions que le patriarcat de Constantinople ait le droit d’intervenir dans la juridiction des autres Églises, déclare-t-il. C’est précisément cette idée qui nous sépare aujourd’hui de Rome. »
Cela se comprend : ils ne se sont pas émancipés du Pape de Rome pour s’en donner un autre à Istanbul ou à Moscou ! Tellement il est vrai que le schisme engendre le schisme, et la réunion tant désirée de ces “ frères séparés ” que sont les orthodoxes ne dépend pas du dialogue œcuménique mais de la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. (...)
En attendant, nous aurons les conséquences dont Jacinthe eut par avance la vision prophétique. Un jour que les pastoureaux étaient tous trois prosternés sur le sol et récitaient les prières enseignées par l’Ange, Jacinthe se redressa et s’écria :
« Oh ! Lucie ! Ne vois-tu pas tant de routes, tant de chemins et de champs pleins de gens morts, perdant leur sang, et d’autres gens qui pleurent de faim et n’ont rien à manger ? Et le Saint-Père, dans une église, priant devant le Cœur Immaculé de Marie ? Et tant de monde qui prie avec lui ? » (...)
LA COLOMBE DE LA PAIX
À Istanbul, après avoir fait sa prière à la “ mosquée Bleue ”, le Pape a reçu un cadeau où était gravée la “ basmala ”, invocation d’Allah qui figure en tête de chacune des sourates du Coran, dessinant une colombe. Le grand mufti a dit sérieusement que l’islam était une religion de paix. « Votre visite va dans le sens de la rencontre et de la compréhension réciproque », a-t-il déclaré au Pape. « Est-ce une coïncidence ? » a demandé Benoît XVI en offrant, lui aussi, un cadeau où étaient représentées des colombes. « C’est un signe ! ” a répondu le mufti.
Il ne pouvait mieux dire. Un jour, constatant les fruits si funestes de sa politique de « dialogue », le Saint-Père comprendra « le signe » qui lui a été donné à la mosquée Bleue. Ces colombes nous rappellent le miracle qui, soixante ans plus tôt, jour pour jour, manifestait pour la première fois le mandat qu’a reçu de son Fils Notre-Dame de Fatima, afin que la paix soit donnée au monde. Elle seule est la Reine de la paix. S’en souvenant enfin au jour de la catastrophe, le Pape tombera à genoux aux pieds de la Vierge au Cœur Immaculé, « la tête dans les mains et pleurant » son reniement comme saint Pierre, selon cette autre vision prophétique de Jacinthe :
« J’ai vu le Saint-Père dans une très grande maison, agenouillé devant une table, la tête dans les mains et pleurant. Au-dehors, il y avait beaucoup de gens et certains lui jetaient des pierres, d’autres le maudissaient et lui disaient beaucoup de vilaines paroles.
« Pauvre Saint-Père ! Nous devons beaucoup prier pour lui. » (...)
frère Bruno de Jésus
Extrait de Il est ressuscité ! n° 53, janvier 2007, p. 1-6