L'exhortation apostolique
Sacramentum Caritatis

Le pape Benoît XVI célébrant la messe

« La question est celle-ci : la Réforme liturgique postconciliaire est-elle le fait de l’Église hiérarchique continuant, sans rupture, à enseigner et garder la vraie foi catholique romaine par la liturgie qui demeure ainsi la règle de notre croyance, œuvre sainte et sacrée ? Ou est-elle l’inversion, le renversement de cet ordre ancien, remettant la liturgie à l’invention, à la créativité, à l’initiative de chaque personne ou de chaque groupe, voire de la génération actuelle, selon la seule règle de leur inspiration, de leur foi intime, de leur expérience religieuse immanente ? » (Georges de Nantes, La Réforme de la Messe, chimère ou réalité ? CRC n° 101, janvier 1976) (...)

La réponse du Pape est claire : il n’y a pas de rupture entre la tradition bimillénaire de l’Église et le « renouveau liturgique voulu par le concile Vatican II ».

Admettons. Mais on peut se poser une seconde question : la volonté du Concile a-t-elle été respectée, ou bien a-t-elle été le prétexte d’une inversion, d’un renversement de l’ordre ancien, remettant la liturgie à l’invention de chacun ?

Réponse : « Le Synode des évêques a eu la possibilité d’évaluer la réception de cette réforme après les assises conciliaires. Les appréciations ont été nombreuses. Les difficultés et aussi certains abus qui ont été relevés ne peuvent pas masquer, a-t-il été affirmé, que le renouveau liturgique, qui contient encore des richesses qui n’ont pas été pleinement explorées, est bon et valable. Concrètement, il s’agit de lire les changements voulus par le Concile à l’intérieur de l’unité qui caractérise le développement historique du rite lui-même, sans introduire de ruptures artificielles. » (n° 3)

On reconnaît ici “ l’herméneutique de la continuité ”, chère à Benoît XVI, qui, en l’occurrence, n’est pas sans fondement, du fait que la réforme liturgique « voulue par le Concile » s’inscrivait dans la ligne d’un renouveau voulu par saint Pie X lui-même et même, avant lui, par le Bx Pie IX. L’abbé de Nantes, dans son étude de la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium, qui portait réforme de la liturgie, a montré que le concile Vatican II avait édicté de grands principes parfaitement traditionnels.

Mais il prévoyait qu’ils resteraient sans effets pratiques, puisqu’on y avait ajouté seulement un maître mot par lequel devait s’engouffrer la révolution : celui de “ participation ”. Car la révolution postconciliaire est aujourd’hui indéniable. Ça n’est pas « introduire des ruptures artificielles » que de le constater ! D’ailleurs, le cardinal Ratzinger l’a lui-même maintes fois déploré.

En quoi consiste cette révolution ?

En ceci : avant le Concile, la liturgie était œuvre sacerdotale, de prédication, de sacrifice sacramentel et de louange divine, célébrée pour le bien spirituel des fidèles, mais non sans leur pieux concours. À partir du Concile, elle va devenir dialogue et célébration communautaire... ceci abolissant cela.

Dès lors, la seule question qui se pose aujourd’hui à nous, gens de Contre-Réforme, est de savoir si l’Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis porte remède à la dévastation présente du Sanctuaire.

La première œuvre de “ Vatican III ”, dont l’abbé de Nantes traçait le programme restaurateur dix ans après le concile Vatican II, sera de fixer la foi sur laquelle s’adossera la liturgie. Or, telle semble bien être la préoccupation de Benoît XVI puisque la première partie de l’exhortation apostolique Sacramentum Caritatis est consacrée à l’ “ Eucharistie, mystère à croire ”. La deuxième partie, “ Eucharistie mystère à célébrer ”, a pour objet de restaurer la beauté de la liturgie, et la troisième partie, “ Eucharistie, mystère à vivre ”, celui de restaurer la vie chrétienne, fruit de la Sainte Eucharistie.

I. L’EUCHARISTIE, MYSTÈRE DE FOI

« L’Eucharistie est en effet “ le mystère de la foi ”par excellence. » (n° 6) D’abord parce qu’elle nous met en présence du « mystère même de Dieu, amour trinitaire ». En donnant son Corps, en versant son Sang, Jésus se révèle être « le Fils éternel donné pour nous par le Père » (n° 7). Et en nous donnant son Corps à manger sous les apparences du pain, et son Sang à boire sous les apparences du vin, « c’est la vie divine tout entière qui nous est communiquée » dans l’effusion de l’Esprit-Saint.

« Dieu est communion parfaite d’amour entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. » À ce mystère d’amour trinitaire, « nous sommes appelés à participer par grâce » (n° 8). Remarquons au passage combien ces vues théologiques se trouvent illustrées par la théophanie trinitaire et eucharistique de Tuy. Nous y reviendrons.

MYSTÈRE D’ALLIANCE

En l’Eucharistie, ce mystère d’amour trinitaire se fait mystère de rédemption en lequel se noue une “ alliance ” « sans cesse à restaurer et à parfaire du fait de la malice des hommes, et à souscrire et à honorer par les générations à venir jusqu’à la consommation des siècles » (G. de Nantes, CRC n° 116, avril 1977, p. 14).

Le Pape explique pour sa part :

« La mission pour laquelle Jésus est venu parmi nous s’accomplit dans le Mystère pascal. Du haut de la croix, d’où il attire à lui tous les hommes, il dit, avant de “ remettre son Esprit ” : “ Tout est accompli. ” Dans le mystère de son obéissance jusqu’à la mort, et à la mort de la croix, s’est accomplie la nouvelle et éternelle alliance. La liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée en un pacte indissoluble, valable pour toujours. Même le péché de l’homme a été expié une fois pour toutes par le Fils de Dieu (cf. He 7, 27 ; 1 Jn 2, 2 ; 4, 10). » (n° 9) (...)

Cependant, après avoir écrit que « le péché de l’homme a été expié une fois pour toutes par le Fils de Dieu », le Pape ne fait plus la moindre allusion à l’état des pécheurs qui demeurent dans l’esclavage : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout homme qui commet le péché est esclave » (Jn 8, 34), esclave du démon (Jn 8, 44). Benoît XVI ne parle jamais du diable ni de l’enfer dans cette “ exhortation ”. Comme s’il n’y croyait pas. Ou, plus exactement, comme si Dieu mettant toute sa Sagesse et sa Puissance au service de son Amour, donc à notre service, il n’y avait plus de loi ni de justice qui compte. Et donc plus d’enfer...

C’est précisément pour nous garder de cette erreur que la Sainte Vierge a montré l’enfer à Lucie, François et Jacinthe le 13 juillet 1917. Malheureusement, on ne trouvera pas la moindre allusion au Message de Fatima dans cette “ Exhortation apostolique ”.

Le Pape affirme ensuite que le mémorial de cette « offrande parfaite » du Christ « ne consiste pas dans la simple répétition de la dernière Cène, mais précisément dans l’Eucharistie, c’est-à-dire dans la nouveauté radicale du culte chrétien » (n° 11).

Ce disant, le Pape rejette, à mots couverts, la théorie des protestants selon laquelle leur “ sainte Cène ” est le mémorial de la Cène, donc « la simple répétition de la dernière Cène ». C’est dire que, pour recevoir sincèrement cette exhortation du pape Benoît XVI, il faut être de Contre-Réforme... même et surtout s’il nomme « banquet eucharistique » le « culte nouveau » et définitif que voue l’Église-Épouse à son divin Époux, « appelée à célébrer le banquet eucharistique jour après jour en mémoire de Lui » (n° 12). Parler de banquet eucharistique plutôt que de “ Saint-Sacrifice de la messe ” relève d’un souci “ œcuménique ” évident. (...)

LES SEPT SOURCES DE LA VIE

Le Saint-Père commence par rappeler que l’Eucharistie est la « plénitude de l’initiation chrétienne ». Dans son traité des Sacrements, l’abbé de Nantes le souligne pareillement. (...) (CRC n° 116, avril 1977, p. 3)

PÉNITENCE.

L’abbé de Nantes ajoute que « la pénitence, bien qu’elle intervienne plus tard, et à tous les âges de la vie, mérite d’être située elle aussi en deçà de l’Eucharistie, comme au niveau du baptême et de la confirmation dont elle restaure et réveille la grâce pour le chrétien retombé par ses fautes dans “ un état pire que le premier ”. (...) » (ibid.)

Même rappel dans l’exhortation du Pape : « La réconciliation, comme le disaient les Pères de l’Église, est laboriosus quidam baptismus, soulignant de cette façon que l’issue du chemin de conversion est aussi le rétablissement de la pleine communion ecclésiale, qui se manifeste par le fait de s’approcher à nouveau de l’Eucharistie. » (n° 20)

Le Pape insiste pour qu’on aille se confesser. Sera-t‑il obéi ? Par nous, gens de Contre-Réforme, oui, de grand cœur, d’autant plus que notre dévotion réparatrice des premiers samedis nous en fait un devoir. (...)

« Tous les prêtres se consacreront avec générosité, application et compétence à l’administration du sacrement de la Réconciliation. À ce sujet, on doit prêter attention à ce que les confessionnaux, dans nos églises, soient bien visibles et expressifs du sens de ce Sacrement. » (n° 21) (...)

« Je demande aux Pasteurs de veiller attentivement à la célébration du sacrement de la Réconciliation, en réservant la pratique de l’absolution générale exclusivement aux cas prévus, la forme personnelle étant la seule forme ordinaire. » (n° 21).

Suit une exhortation à « une pratique sage et équilibrée de l’indulgence, gagnée pour soi-même ou pour les défunts ».

Le Saint-Père nous a déjà largement dispensé les fruits de ce trésor dont il détient les clés. Et voici l’explication de l’indulgence, dévotion de Contre-Réforme par excellence :

« Par l’indulgence, on obtient “ la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée ”. L’usage des indulgences nous aide à comprendre que, par nos seules forces, nous serions incapables de réparer le mal commis et que les péchés de chacun portent tort à toute la communauté ; par ailleurs, la pratique de l’indulgence, impliquant non seulement la doctrine des mérites infinis du Christ, mais aussi celle de la communion des saints, nous dit “ combien intime est le lien qui nous unit entre nous dans le Christ, et combien la vie surnaturelle de chacun peut servir aux autres ”. » (n° 21)

Suivent de magnifiques développements par lesquels le Pape met en relation chacun des sacrements avec l’Eucharistie : “ Onction des malades ”, sacrement de l’Ordre, du mariage. (...)

SACERDOCE.

« Jésus, à la veille de sa mort, a institué l’Eucharistie et fondé en même temps le sacerdoce de la Nouvelle Alliance. Il est prêtre, victime et autel : médiateur entre Dieu le Père et le peuple (cf. He 5, 5-10), victime d’expiation (cf. 1 Jn 2, 2 ; 4, 10) qui s’offre elle-même sur l’autel de la croix. » (n° 23)

Que le Pape soit obligé de rappeler, sans doute à l’intention de son ami Hans Küng, que « la doctrine de l’Église fait de l’ordination sacerdotale la condition indispensable pour la célébration valide de l’Eucharistie », révèle à quel point de désorientation nous sommes rendus ! (...)

La Messe, c’est le Christ qui agit dans son Église. Mais c’est aussi l’Église qui agit dans le sein du Père, unie au Christ dans le sein du Père, comme dans une liturgie d’Avent céleste. Parce qu’elle est animée par le Saint-Esprit, parce que le Saint-Esprit est son âme. Conséquence pratique :

« Il est donc nécessaire que les prêtres aient conscience que, dans tout leur ministère, ils ne doivent jamais se mettre au premier plan, eux-mêmes ou leurs opinions, mais Jésus-Christ. Toute tentative de se poser soi-même comme protagoniste de l’action liturgique contredit l’identité sacerdotale. Le prêtre est plus que jamais serviteur et il doit s’engager continuellement à être le signe qui, en tant qu’instrument docile entre les mains du Christ, renvoie à Lui. Cela se traduit particulièrement dans l’humilité avec laquelle le prêtre guide l’action liturgique, dans l’obéissance au rite, en y adhérant de cœur et d’esprit, en évitant tout ce qui pourrait donner l’impression d’une initiative propre inopportune. Je recommande donc au clergé d’approfondir toujours la conscience de son ministère eucharistique comme humble service rendu au Christ et à son Église. Le sacerdoce, comme le disait saint Augustin, estamoris officium, est l’office du bon pasteur, qui offre sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10, 14-15). » (n° 23)

En vertu de quoi, Benoît XVI fait acte d’autorité : « Je redis la beauté et l’importance d’une vie sacerdotale vécue dans le célibat comme signe exprimant le don de soi total et exclusif au Christ, à l’Église et au Règne de Dieu, et j’en confirme donc le caractère obligatoire pour la tradition latine. Le célibat sacerdotal vécu avec maturité, joie et dévouement est une très grande bénédiction pour l’Église et pour la société elle-même. » (n° 24) (...)

Le Pape enchaîne sur « la situation difficile qui apparaît dans divers diocèses lorsqu’on doit faire face à la pénurie de prêtres » qui sévit « non seulement dans certaines zones de première évangélisation, mais également dans de nombreux pays de longue tradition chrétienne » (n° 25).

Comment est-ce possible ? Le Pape se contente de constater le fait, comme on analyse une situation météorologique, sans doute pour ne pas en venir à l’explication qui s’impose, sachant que les courbes statistiques de la défection des prêtres quittant le ministère, et du tarissement des vocations sacerdotales amorcent leur chute vertigineuse le lendemain du Concile. (...)

L’explication est simple, l’abbé de Nantes n’a cessé de la répéter : la priorité donnée à la “ Mission ” sur la “ Messe ” a détourné les prêtres du culte divin auxquels ils étaient voués, pour les tourner vers le culte de l’homme. La “ promotion du laïcat ”, préoccupation majeure du Concile, après celle de l’ “ épiscopat ”, a conduit à la « désacerdotalisation » et à la « déclergification ». (...)

Quarante ans ont passé. Le résultat est là, désastreux, constaté par le Pape : « pénurie de prêtres ». Le remède ? « Une plus juste répartition des prêtres contribuera certainement à la solution du problème. » (n° 25)

Faudra-t-il donc attendre l’extinction totale du sacerdoce, pour que le Pape ouvre les yeux sur l’erreur commise au concile Vatican II ?

Pourtant, il reste bien vrai qu’ « on ne doit jamais douter du fait que le Christ continue d’appeler des hommes qui, abandonnant toute autre activité, se consacrent totalement à la célébration des saints Mystères, à la prédication de l’Évangile et au ministère pastoral » (n° 26). Alors, d’où vient que la réforme conciliaire a débouché, du moins en France, sur la désorganisation complète des séminaires et leur disparition ?

Réponse de l’abbé de Nantes, que nous ne cesserons de répéter jusqu’à ce que nous soyons entendus : « Oui, oui, oui, c’est le Concile qui est foncièrement coupable de ce crime majeur : la décadence du clergé. Le sacerdoce a été grand, solide et prospère tant qu’il s’est défini par son intime rapport à Dieu dans le culte et dans l’apostolat qui s’y rapporte. Et j’ajoute : les prêtres y ont été heureux. Il s’est dégradé, affaibli, diminué, du jour où il s’est voulu d’abord missionnaire, tourné vers les hommes pour les occuper des choses de la terre et non plus du Ciel. Là est le crime contre l’Ordre sacerdotal. » (CRC n° 54, p. 10)

MARIAGE.

Au mariage, le Pape consacre un très beau développement, comparant l’union d’amour procurée par l’Eucharistie, « sacrement d’amour », à l’union d’amour entre l’homme et la femme. Il cite beaucoup Jean-Paul II. Il aurait pu aussi bien citer l’abbé de Nantes, si injustement taxé d’ “ hérésie ” sur ce chapitre :

« L’Eucharistie fortifie d’une manière inépuisable l’unité et l’amour indissoluble de tout mariage chrétien. En lui, en vertu du sacrement, le lien conjugal est intrinsèquement relié à l’unité eucharistique entre le Christ époux et l’Église épouse (cf. Ep 5, 31-32). Le consentement mutuel que mari et femme échangent dans le Christ, et qui fait d’eux une communauté de vie et d’amour, a lui aussi une dimension eucharistique. En effet, dans la théologie paulinienne, l’amour sponsal est le signe sacramentel de l’amour du Christ pour son Église, un amour qui a son point culminant dans la croix, expression de ses “ noces ” avec l’humanité et, en même temps, origine et centre de l’Eucharistie. » (n° 27)

Voilà pourquoi « le Synode des évêques a confirmé la pratique de l’Église, fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10, 2-12), de ne pas admettre aux sacrements les divorcés remariés, parce que leur état et leur condition de vie contredisent objectivement l’union d’amour entre le Christ et l’Église, qui est signifiée et mise en œuvre dans l’Eucharistie » (n° 29).

Ce qui manque ici, c’est la décision de mener une action vigoureuse auprès des autorités politiques et sociales, assortie de menaces d’excommunication, pour venir à bout de l’expansion foudroyante, et lucrative ! de l’érotisme mondial avec tous ses vices. Mais non : nos évêques n’ont rien entrepris dans nos pays catholiques pour que l’État garantisse les engagements du mariage catholique, signés sur les registres paroissiaux, au même titre qu’il garantit, sous menace des peines les plus lourdes, un contrat de vente d’une maison ou d’un troupeau de cochons, passé et signé devant notaire. Voilà plus de cent ans que l’État républicain, auquel Léon XIII nous a ralliés de force, se fait complice avoué et actif des citoyens qui violent leur engagement matrimonial !

Loin de déclarer la guerre à la secte républicaine, laïque et anticléricale qui, sous le masque d’un régime démocratique, est la principale force de corruption - décomposition de nos familles, le Pape se contente de donner des conseils empreints d’une paternelle sollicitude. (...)

Ce qui manque ici, c’est la mention d’ « une blessure » faite au Cœur de Dieu, Créateur et Père, pour sa Gloire et pour celle de son Verbe, de l’homme et de la femme. Le pape Benoît XVI n’a manifestement pas entendu la supplication de Notre-Dame de Fatima : « Que l’on n’offense pas davantage Dieu, Notre-Seigneur, car il est déjà trop offensé ! » (13 octobre 1917) Il en va pourtant de notre salut éternel.

Le Pape en vient à évoquer cette fin ultime :

« S’il est vrai que les sacrements sont une réalité qui appartient à l’Église qui chemine dans l’histoire vers la pleine manifestation de la victoire du Christ ressuscité, il est cependant tout aussi vrai que, spécialement dans la liturgie eucharistique, il nous est donné de goûter l’accomplissement eschatologique vers lequel tout homme et toute la création sont en chemin (cf. Rm 8, 19 sq.). L’homme est créé pour le bonheur véritable et éternel, que seul l’amour de Dieu peut donner. Mais notre liberté blessée s’égarerait s’il n’était pas possible d’expérimenter dès maintenant quelque chose de l’accomplissement à venir. Du reste, tout homme a besoin, pour pouvoir cheminer dans la bonne direction, d’être orienté vers le but final. »

Sinon ? S’il ne prend pas « la bonne direction », mais la mauvaise, où va-t-il ? Il tombe en enfer. Mais le mot “ enfer ” ne paraît pas une seule fois dans cette exhortation. (...)

Il semble que tout le monde doive prendre part finalement au « banquet eschatologique » (n° 31). Benoît XVI n’évoque à aucun moment la nécessité de sauver les âmes de l’enfer ; il se contente de recommander la prière pour les âmes du Purgatoire. (n° 32) (...)

La Vierge Marie vient à la fin de cette première partie, comme au concile Vatican II au dernier chapitre de Lumen gentium :

« Elle est l’Immaculée qui accueille inconditionnellement le don de Dieu et, de cette façon, elle est associée à l’œuvre du salut. Marie de Nazareth, icône de l’Église naissante, nous montre que chacun de nous est appelé à accueillir le don que Jésus fait de lui-même dans l’Eucharistie. » (n° 33)

Benoît XVI marche dans les voies du concile Vatican II : « En Marie, l’Église admire et exalte le fruit le plus excellent de la rédemption et, comme dans une image très pure, elle contemple avec joie ce qu’elle-même désire et espère être tout entière. » (Constitution sur la liturgie, n° 103)

Nous sommes loin, très loin de la claire volonté de Dieu révélée à Fatima : établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Comment cela ? Par la récitation quotidienne du chapelet.

Quel rapport avec l’Eucharistie ? Un rapport très étroit, si on met en relation les apparitions de la Sainte Vierge en 1917 et celles de l’ “ Ange gardien ”, en 1916, qui se sont achevées par la communion des pastoureaux, recevant la Sainte Hostie et le Précieux Sang des mains de l’Ange. Mais pour le comprendre, il faut d’abord considérer “ l’Eucharistie, mystère à célébrer ”. Objet de la deuxième partie de l’Exhortation apostolique.

II. EUCHARISTIE : MYSTÈRE À CÉLÉBRER

Comme saint Pie X, Benoît XVI veut voir son peuple prier sur de la beauté. Après avoir rappelé l’adage selon lequel la loi de la prière règle la loi de la foi, lex orandi, lex credendi(n° 34), le Pape affirme « la valeur théologique et liturgique de la beauté. En effet, la liturgie, comme du reste la Révélation chrétienne, a un lien intrinsèque avec la beauté : elle estveritatis splendor. »

C’est par la beauté que « la vérité de l’amour de Dieu, manifesté dans le Christ, nous rejoint, nous fascine et nous emporte, nous faisant sortir de nous-mêmes et nous attirant ainsi vers notre vocation véritable : l’amour. Déjà dans la création, Dieu se laisse entrevoir dans la beauté et dans l’harmonie du cosmos (cf. Sg 13, 5 ; Rm 1, 19-20). »

C’est un vrai bonheur de retrouver sous la plume du Pape comme un résumé de l’Esthétique mystique de notre Père, qui fait de la beauté la voie pour aller à Dieu, « de la grâce à la grâce, je veux dire, de la gracieuse beauté des êtres à la bonté toute gracieuse et gratuite de Dieu dont elle est le signe, c’est-à-dire la preuve et l’image. » (CRC n° 125, janvier 1978, p. 3) (...)

Le titre même du premier chapitre de l’Esthétique mystique de l’abbé de Nantes :Jésus-Christ, splendeur du Père (CRC n° 125), exprime la même pensée : « C’est sur ce chemin (de la beauté) que nous devons rencontrer le Christ, Parole de Dieu dans la chair, beauté humaine et Splendeur du Père, visage corporel de la Divinité. »

Mais voici l’Esthétique dramatique, développée par notre Père sous le titre “ La misère de Dieu ” en deux chapitres : “ L’histoire dramatique d’un Dieu humilié, crucifié ”, et la “ Divine tragédie ” d’un amour offensé par le péché irrémissible que sanctionne la damnation éternelle. Le Pape ne retient que la “ dramatique chrétienne ”. (...)

Encore une fois, ce n’est pas sans étonnement, mêlé d’une vive déception, que l’on découvre cette impasse sur la tragédie du péché définitif, du péché sans rémission, du péché sans mélange de miséricorde, du péché enfin dressé contre Dieu et lui faisant obstacle, lui portant ombrage, le défiant éternellement, qui paraît en la personne de Judas. Le Pape passe directement à l’Esthétique hyperbolique, ainsi appelée par l’abbé de Nantes « parce que toute figure de beauté créée élève l’âme à la vision de la splendeur de Dieu, mais la splendeur de Dieu à son tour se plie aux contours des figures créées pour se révéler davantage et nous faire entrer réellement dans le mystère de sa propre figure... » (CRC n° 133, septembre 1978, p. 14)

Lisons le Pape :

« Jésus-Christ nous montre que la vérité de l’amour sait transfigurer aussi le mystère obscur de la mort dans la lumière rayonnante de la résurrection. Ici, la splendeur de la gloire de Dieu dépasse toute beauté présente dans le monde. La beauté véritable est l’amour de Dieu, qui s’est définitivement révélé à nous dans le mystère pascal.

« La beauté de la liturgie fait partie de ce mystère ; elle est expression très haute de la gloire de Dieu et elle constitue, en un sens, le Ciel qui vient sur la terre. Le mémorial du sacrifice rédempteur porte en lui-même les traits de la beauté de Jésus dont Pierre, Jacques et Jean ont donné témoignage quand le Maître, en marche vers Jérusalem, voulut être transfiguré devant eux (cf. Mc 9, 2). Par conséquent, la beauté n’est pas un facteur décoratif de l’action liturgique ; elle en est plutôt un élément constitutif, en tant qu’elle est un attribut de Dieu lui-même et de sa révélation. Tout cela doit nous rendre conscients de l’attention que nous devons avoir afin que l’action liturgique resplendisse selon sa nature propre. » (n° 35) (...)

Application pratique, de “ Contre-Réforme ” :

« Puisque la liturgie eucharistique est essentiellement actio Dei dont nous sommes participants en Jésus par l’Esprit, son fondement n’est pas à la disposition de notre arbitraire et il ne peut subir la pression des modes du moment. » (...) (n° 37).

La sainte Messe est une action dont les acteurs sont le Christ-Jésus, notre Rédempteur, médiateur entre Dieu son Père et les hommes, l’assemblée des fidèles constituée en communauté des rachetés, et le prêtre célébrant tenant la place du Christ en ce qui concerne l’accomplissement du rit prescrit.

Il en résulte « la nécessité de dépasser toute séparation possible entre l’ars celebrandi, à savoir l’art de bien célébrer, et la participation pleine, active et fructueuse de tous les fidèles. En effet, le premier moyen de favoriser la participation du peuple de Dieu au rite sacré est la célébration appropriée du rite lui-même. L’ars celebrandi [...] découle de l’obéissance fidèle aux normes liturgiques dans leur totalité, puisque c’est justement cette façon de célébrer qui a assuré, depuis deux mille ans, la vie de foi de tous les croyants, qui sont appelés à vivre la célébration en tant que peuple de Dieu, sacerdoce royal, nation sainte (cf. 1 P 2, 4-5. 9). » (n° 38)

Voilà plus de trente ans que l’abbé de Nantes réclame ce retour à la Vérité de l’œuvre divine, seule nécessaire :

« La préoccupation pastorale et didactique, sans être exclue, devra être subordonnée, toujours relative et jamais indiscrète. Œuvre sacrée, la liturgie sera toujours et nécessairement mystérieuse, “ mystère de foi ”, et donc inaccessible au peuple, et aux prêtres, et aux experts ! Ce qui explique déjà et justifie l’usage de lieux sacrés, d’une langue, d’une musique, de vêtements et de signes sacrés, de rites hiératiques et de prières immuables. » (Georges de Nantes, La sainte liturgie, CRC n° 53, février 1972, p. 10)

Chacun de ces points est l’objet des recommandations du Pape. (...) (nos 39-40).

Benoît XVI sera-t-il entendu et obéi ? Il le faudrait, de toute nécessité, si l’on veut restaurer le magnifique édifice de la sainte liturgie sans rompre avec la liturgie actuelle, ce qui fut toujours le vœu de l’abbé de Nantes, afin de ne pas causer une nouvelle rupture dont l’Église ne se relèverait pas. (...)

Cela n’empêche pas la “ créativité ”, dans tous les domaines : architecture, peinture, sculpture... (...) (n° 41)

Surtout le chant liturgique : « L’Église, dans son histoire bimillénaire, a créé et continue de créer des musiques et des chants qui constituent un patrimoine de foi et d’amour qui ne doit pas être perdu. » Nous en sommes donc là ? À craindre de “ perdre ” ce patrimoine ? Eh oui ! tel est le plus clair résultat de quarante ans de “ renouveau conciliaire ”...

« Je désire que, comme les Pères synodaux l’ont demandé, le chant grégorien, en tant que chant propre de la liturgie romaine, soit mis en valeur de manière appropriée. » (n° 42)

Ainsi soit-il ! Car pour l’heure, il est vraiment trop déprécié. Le Concile faisait pourtant la même recommandation, il y a quarante ans !

ORDO ANCIEN ET NOUVEAU,
ORDO DE TOUJOURS...

Le Saint-Père en vient à expliquer l’ordonnance de la Messe. Et d’abord, il nous rappelle que les deux liturgies, “ de la parole ” et “ eucharistique ”, dont on nous rebat les oreilles depuis Vatican II, avec les deux “ tables de la parole et du Pain ”, constituent un seul acte de culte :

« (...) Par conséquent, on doit constamment garder à l’esprit que la Parole de Dieu, lue par l’Église et annoncée dans la liturgie, conduit à l’Eucharistie comme à sa fin naturelle. » (n° 44)

Autant pour les protestants !

La première partie de la Messe, d’instruction, est destinée à faire de l’assemblée le Peuple de Dieu capable de comprendre la voie du salut qui lui est ouverte. (...)

D’où les recommandations du Pape sur la manière

1° de proclamer la Parole, qui n’est autre que le Verbe fait chair auquel on se prépare à communier (n° 45),

2° « d’améliorer la qualité de l’homélie » en la préparant avec soin. (...)

3° de présenter les dons sans « complications inopportunes » (n° 47). L’offrande du pain et du vin qui seront l’objet de la consécration et, pour le reste, des dons en nature ou en argent pour l’Église, pour ses ministres et pour ses pauvres, est le préambule obligé du sacrifice eucharistique, car chaque assistant doit y marquer son dévouement à Dieu et son désir de purification et de salut ; faute de quoi, le Seigneur n’accordera rien à celui qui ne lui offre rien : « Il n’aura pas de part avec Lui »... (...)

4° La prière eucharistique, « centre et sommet de toute la célébration », peut revêtir des formes diverses, qui nous sont proposées dans le trésor inépuisable de l’Église (n° 48). (...)

5° Le « geste de paix » devra éviter de « prendre des expressions excessives, suscitant un peu de confusion dans l’assemblée juste avant la Communion » (n° 49).

6° La distribution et la réception de la Communion doivent être suivies d’un « temps précieux d’action de grâces » (n° 50). (...)

7° Après un rappel du sens de « la salutation du renvoi », Ite missa est, qui est un envoi en mission (n° 51), le Saint-Père revient sur la question de la « participation active, pleine et fructueuse du peuple de Dieu tout entier à la célébration eucharistique », voulue par le Concile.

C’est à peine si l’on remarque, dans cette présentation, l’absence d’un élément capital : avant la “ liturgie de la Parole ”, la foule se rassemble en procession, avance dans l’église et se livre à des prières d’adoration, de supplication et de purification, que l’antique messe romaine met en valeur. D’une part, le prêtre prend la direction de la prière, par l’aspersion, et tandis que la foule chante le Kyrie eleison, il demande lui-même pitié pour sa propre indignité, il absout le peuple et monte à l’autel pour un premier encensement.

Tout cet ensemble de prières d’adoration, de contrition et de supplication à Dieu est parfaitement significatif de la nécessité de célébrer le Saint-Sacrifice pour en recevoir la grâce qui découle de la “ grâce capitale ” acquise par Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la Croix pour notre salut à tous, Lui qui était sans péché.

La cause profonde de cette omission et ses conséquences nous apparaîtront dans la troisième partie de l’Exhortation apostolique.

Le Pape en vient à la « participation » requise de la part du « peuple de Dieu ».

« PARTICIPATION »

L’expression de “ participation active ” avait déjà été employé par Pie X tout d’abord, puis par Pie XII, signifiant la nécessité d’être en état de grâce pour pouvoir communier, précisément.

Tandis que, depuis le Concile, état de grâce ou pas, il faut “ participer ”. Qu’est-ce à dire ? Que le peuple parle, bouge, chante et danse, comme on a vu l’usage s’en répandre ? Le Saint-Père reconnaît enfin qu’ « une certaine incompréhension, précisément sur le sens de cette participation, s’est parfois manifestée [...]. En réalité, la participation active souhaitée par le Concile doit être comprise en termes plus substantiels, à partir d’une plus grande conscience du mystère qui est célébré et de sa relation avec l’existence quotidienne. » (n° 52)

Encore faut-il que chacun reste à sa place :

« L’incapacité de distinguer, dans la communion ecclésiale, les diverses tâches qui reviennent à chacun, ne sert pas la cause de la participation active des fidèles. » Ce timide rappel de l’existence d’une hiérarchie sacerdotale suffira-t-il à mettre fin à l’omnipotence des laïcs ?

« En relation avec ces ministères, liés au sacrement de l’Ordre, on trouve aussi d’autres ministères liés au service liturgique, accomplis de manière appréciable par des religieux et par des laïcs formés. » (n° 53)

L’abbé de Nantes suggère de lier ces ministères subalternes au sacrement de Confirmation plutôt qu’à celui de l’Ordre :

« (...) Chaque fonction des laïcs dans la communauté serait à reconnaître par les évêques comme des charismes développant la grâce de militance active de ce Sacrement.

« Ce qu’on appelait les “ Ordres mineurs ” pourrait être restauré non plus comme des degrés inférieurs du Sacerdoce mais des développements supérieurs de la Confirmation. Pour leur donner une valeur pratique, il suffirait de les tenir pour des fonctions accordées par l’évêque à titre local et temporaire,mettant en exercice la puissance de la Confirmation et accompagnés d’un rite, sacramental,de reconnaissance officielle et de simple bénédiction.

« Ces ministères inférieurs constitueraient les cadres de sous officiers de l’Église. Ainsi rétablis, on verrait refleurir les charismes,selon le souhait universel aujourd’hui, de catéchiste, de garde-malades, aumônier, quêteur, sacristes, éducateurs, sonneurs, pourquoi pas ? fossoyeurs, etc., aussi divers que sont diverses les fonctions subalternes d’une grande Cité, de notre Cité sainte, Jérusalem nouvelle ! » (Le sacerdoce catholique, CRC n° 117, mai 1977, p. 14)

« INCULTURATION »

« Pour une participation plus efficace des fidèles aux saints Mystères », le Pape recommande ensuite « la poursuite du processus d’inculturation » (n° 54)

Qu’est-ce à dire ? Ceci :

« Envoyé par son évêque, l’homme de Dieu arrive en un lieu, il y édifie sa case ou son igloo, puis tout à côté la case ou l’igloo-chapelle, et il convoque les pygmées ou les esquimaux comme ses nouveaux paroissiens pour l’instruction et la prière. L’Église se trouve plantée quand la paroisse est fondée. » (CRC n° 121, septembre 1977, p. 14) Et tout le reste est littérature. (...)

Le Pape poursuit sa remise en ordre : « On ne peut attendre une participation active à la liturgie eucharistique si l’on s’en approche de manière superficielle, sans s’interroger auparavant sur sa propre vie. Le recueillement et le silence, au moins quelques minutes avant le début de la liturgie, le jeûne et, lorsque cela est nécessaire, la Confession sacramentelle, favorisent, par exemple, cette disposition intérieure. »

Toutefois, on ne trouvera, dans cette Exhortation apostolique, aucune mention de confession “ obligatoire ”, pas même une fois l’an, en vue de la communion pascale. D’ailleurs, la nécessité de “ faire ses Pâques ” est absente. Pourtant :

« Sans aucun doute, la pleine participation à l’Eucharistie se réalise quand on s’approche aussi personnellement de l’autel pour recevoir la Communion. » (n° 55)

C’était précisément la raison du “ commandement de l’Église ” : « Tu communieras chaque année au temps pascal. »

« La Communion est la conclusion nécessaire de la célébration de l’Alliance entre Dieu et son peuple [...]. C’est l’Église Épouse du Christ qui fait être le Sacrement afin de s’en nourrir, c’est l’Église qui se donne son Époux et le prie de ré-agir à ses péchés de nouveau par le Sacrifice de son Corps et de son Sang, auquel elle communiera pour se retrouver en Lui Épouse sans tache ni ride, présentée par Lui au Père, en tout honneur et toute gloire, anticipant le banquet des noces éternelles. » (G. de Nantes, CRC n° 120 p. 12)

« L’Eucharistie, en effet, ne manifeste pas seulement notre communion personnelle avec Jésus-Christ, mais elle implique aussi la pleine communion avec l’Église. » (n° 56)

C’est pourquoi les chrétiens non catholiques ne peuvent y accéder. En revanche, le Pape recommande les malades et handicapés mentaux à la sollicitude de la communauté afin qu’ils puissent s’approcher fréquemment de la communion sacramentelle. (...) (n° 58)

Mêmes recommandations concernant les prisonniers (n° 59) et les migrants (n° 60).

Le Pape rappelle ensuite que les concélébrations gardent un caractère exceptionnel et limité à des situations extraordinaires (n° 61). En ces circonstances, « pour mieux exprimer l’unité et l’universalité de l’Église, je voudrais recommander ce qui a été suggéré par le Synode des Évêques, en harmonie avec les directives du concile Vatican II : excepté les lectures, l’homélie et la prière des fidèles, il est bon que ces célébrations soient en langue latine ; et donc que soient récitées en latin les prières les plus connues de la tradition de l’Église et éventuellement que soient exécutés des pièces de chant grégorien. De façon plus générale, je demande que les futurs prêtres, dès le temps du séminaire, soient préparés à comprendre et à célébrer la Messe en latin, ainsi qu’à utiliser des textes latins et à utiliser le chant grégorien ; on ne négligera pas la possibilité d’éduquer les fidèles eux-mêmes à la connaissance des prières les plus communes en latin, ainsi qu’au chant en grégorien de certaines parties de la liturgie. » (n° 62)

Concrètement, comment appliquer ces directives ?

Par le “ bilinguisme pédagogique ” préconisé par l’abbé de Nantes, afin de restaurer le latin non seulement comme langue internationale, mais encore comme langue plus sûre doctrinalement. Après avoir récité l’office divin en français, afin de donner la compréhension des textes de l’Écriture sainte, revenir au texte latin, pour une “ participation ” active, intelligente et consciente.

Mais il ne suffit pas d’apprendre le latin.

MYSTAGOGIE

Le Saint-Père recommande en effet une “ catéchèse mystagogique ”. Il ne s’agit pas d’une étude scientifique, ni dogmatique, mais d’un exercice, d’un entraînement à vivre pieusement l’Action de grâces qu’est l’Eucharistie, en entrant dans son mystère par :

a) l’interprétation des rites à la lumière des événements de l’histoire sainte : « Dans le Christ crucifié et ressuscité, il nous est donné de célébrer vraiment le centre qui récapitule toute la réalité (cf. Ep 1, 10) » ;

b) l’explication du symbolisme des rites et des paroles qui les accompagnent ; ils sont les voiles sous lesquels Dieu descend vers sa créature, afin de la ramener à Lui.

c) « Enfin, la catéchèse mystagogique doit se préoccuper de montrer la signification des rites en relation avec la vie chrétienne dans toutes ses dimensions. » (n° 64)

L’abbé de Nantes nous a particulièrement préparés à répondre à ces volontés de Benoît XVI, lui qui nous prêcha, en 1975, une retraite sur le Saint-Sacrifice de la messe sous le titre “ Mystagogie eucharistique ”. Aussi ces lignes du Pape nous comblent-elles de joie parce qu’elles expriment notre propre expérience :

« En notre temps aussi, l’Esprit-Saint répand largement ses dons pour soutenir la mission apostolique de l’Église, à laquelle il revient de diffuser la foi et de l’éduquer jusqu’à sa pleine maturité. »

La Sainte Messe

La disposition de l’âme, proportionnée à cette participation au « mystère de Dieu présent parmi nous », est non seulement le respect qui s’exprime par « des gestes et des postures, comme le fait de s’agenouiller pendant les moments centraux de la prière eucharistique » (n° 65), mais encore l’ « adoration » du Saint-Sacrement. Le Saint-Père ne cache pas que, au temps où la réforme voulue par le Concile « accomplissait ses premiers pas, le rapport intrinsèque entre la Messe et l’adoration du Saint-Sacrement ne fut parfois pas assez clairement perçu.(...)

« Dans l’Eucharistie, en effet, le Fils de Dieu vient à notre rencontre et désire s’unir à nous ; l’adoration eucharistique n’est rien d’autre que le développement explicite de la célébration eucharistique, qui est en elle-même le plus grand acte d’adoration de l’Église. Recevoir l’Eucharistie signifie se mettre en attitude d’adoration envers Celui que nous recevons. C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous devenons un seul être avec Lui et que nous goûtons par avance, d’une certaine façon, la beauté de la liturgie céleste.(...) » (n° 66)

Avant de le montrer dans une troisième partie, le Pape recommande, afin de pratiquer l’adoration eucharistique, tant personnelle que communautaire (nos 67-68), de conférer sa dignité au tabernacle, en le laissant trôner sur l’autel majeur, « en évitant que le siège du célébrant ne soit placé devant » (n° 69).

Quelqu’un manque, dans cette deuxième partie : la Bienheureuse Vierge Marie. Son Nom béni ne figure pas une seule fois dans ces considérations sur “ L’Eucharistie, mystère à célébrer ”. C’est une lacune très grave pour une raison exprimée par sœur Lucie dans une lettre écrite en 1970 à mère Martins : « J’ai une grande espérance que le jour où la prière du saint Rosaire et du chapelet sera déclarée prière liturgique n’est pas loin. Oui, parce qu’elle fait, tout entière, partie de la liturgie de l’Eucharistie. »

L’abbé de Nantes fait remarquer que cette parole est extraordinaire ; elle laisse entendre que sœur Lucie a des vues personnelles très hardies, qui reflètent évidemment celles de la Sainte Vierge et de son Divin Fils. (...)

Ce que l’abbé de Nantes explique ainsi : « La messe est le mémorial de la Passion du Christ, mais alors, n’oubliez pas de dire que c’est le mémorial de la compassion de la Vierge Marie parce qu’elle était au pied de la Croix. »

« Ainsi, dit encore sœur Lucie, Marie a été le premier tabernacle où le Père a enfermé son Verbe, le premier ostensoir et le premier autel où le Seigneur est resté exposé à notre adoration et à notre amour. »

Or, ce que Dieu veut aujourd’hui, c’est remettre au centre de l’Église ce « tabernacle » où le Père enferma jadis son Verbe, cet « ostensoir », cet « autel », à savoir le Cœur Immaculé de Marie, afin que le Seigneur y reste « exposé à notre adoration et à notre amour ». C’est le sens de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie que Dieu veut établir dans le monde. Faute de quoi tous les efforts de Benoît XVI pour restaurer la divine liturgie sont vains, comme le montre sa troisième partie.

III. EUCHARISTIE : MYSTÈRE À VIVRE

« Le mystère, “ auquel on croit ” et “ qui est célébré ”, possède en lui-même un dynamisme qui en fait le germe » de la « vie éternelle » promise par le Seigneur Jésus à qui « mange de ce pain », « principe de la vie nouvelle en nous et forme de l’existence chrétienne » dès ici-bas (n° 70). (...)

Le Saint-Père insiste sur le « sacrifice » qui donne toute sa « densité existentielle » à « la transformation de notre réalité humaine saisie par le Christ ».

La communauté humaine ne peut pas vivre sans cet esprit de sacrifice qui doit l’emporter sur l’esprit de jouissance. Et non seulement l’esprit de sacrifice, mais sa pratique. Malheureusement, on ne peut pas dire que le Saint-Père en vienne à prendre en compte ce que l’abbé de Nantes appelle la « modification évangélique », qui consiste à « chercher le bonheur dans l’épreuve, la richesse dans la pauvreté, la vie dans le sacrifice et la mort ». (...)

« Le culte agréable à Dieu devient ainsi une nouvelle façon de vivre toutes les circonstances de l’existence où toute particularité est exaltée en tant qu’elle est vécue dans la relation avec le Christ et offerte à Dieu. “ La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu ”. » (n° 71)

Même s’il tend à envahir tous les jours de l’existence humaine, le culte de Dieu consiste à « vivre selon le dimanche » (n° 72). Cette formule de saint Ignace d’Antioche signifie non seulement que les chrétiens se réunissent « le premier jour après le sabbat pour célébrer la résurrection du Christ », mais encore souligne « la valeur paradigmatique que possède ce jour saint » (n° 72). Tous les autres jours de la semaine sont “ fériés ”, c’est-à-dire jours de fête, pour un chrétien, à la ressemblance du dimanche.

N’en demeure pas moins un « précepte dominical » rappelé par le Saint-Père aux chrétiens. (...) (n° 73).

Plutôt que d’en rappeler le caractère “ obligatoire ”, le Pape fait de l’observance du précepte dominical l’acte “ libre ” par excellence : « Perdre le sens du dimanche comme Jour du Seigneur à sanctifier est le symptôme d’une perte du sens authentique de la liberté chrétienne, la liberté des fils de Dieu. »

À considérer l’état présent de nos assemblées dominicales, cette présentation des choses a l’avantage de nous faire mesurer combien peu nombreuses sont les “ personnes humaines ” vraiment “ libres ” dans notre société laïque et démocratique ! Mais l’inconvénient de prêcher un « précepte dominical » sans obligation ni sanction est de le rendre inopérant. (...)

CULTE DE L’HOMME

Cette argumentation, qui substitue la considération de la « dignité humaine » à la volonté de Dieu clairement exprimée dans les “ commandements de l’Église ”, révèle à quel point le culte de l’homme remplace le culte de Dieu, dès lors que l’on demeure dans l’esprit de Vatican II.

Il est donc certain que cette Exhortation apostolique ne portera aucun fruit de restauration. Certes, le Pape déplore que s’efface « la différence entre la Messe et les assemblées dominicales en absence de prêtre », et s’installe la « confusion sur le rôle central du prêtre et sur l’aspect sacramentel dans la vie de l’Église ».

Mais comment maintenir le sens de l’Église, et son existence visible, dans une société entièrement « sécularisée » (n° 76), à vrai dire : agressivement laïque (...) (n° 77) ? Le Pape se contente de considérer que « l’échec de la manière de vivre“ comme si Dieu n’existait pas ” est maintenant devant les yeux de tous », sans se préoccuper d’ouvrir « les yeux de tous » sur l’outrage fait ainsi à Dieu qui n’en existe pas moins, même dans une société organisée comme s’il n’existait pas.

« Il est significatif que saint Paul, dans le passage de la Lettre aux Romains où il invite à vivre le nouveau culte spirituel, rappelle en même temps la nécessité du changement dans la manière de vivre et de penser : “ Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait” (12, 2). » (ibid.)

Alors, il nous faut rétracter le concile Vatican II et son “ ouverture ” au « monde présent » et à ses “ exigences ” !

Or, loin de rejeter le Concile, le Pape persévère dans la voie nouvelle d’ « évangélisation des cultures » ouverte par lui : « L’Eucharistie devient critère de valorisation de tout ce que le christianisme rencontre dans les différentes expressions culturelles. » (n° 78)

Benoît XVI reprend donc à son compte la grande pensée de Jean-Paul II : c’est à la « culture » que la religion propose la Bonne Nouvelle du Christ, mais en sachant que ladite « culture » est par définition une valeur autonome, un enrichissement de l’homme, par l’homme et pour l’homme. Et donc, la parole de saint Paul citée par Benoît XVI : « Discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le »(1 Th 5, 21), ne s’applique pas ici, car saint Paul entendait que l’on fît ce discernement en fonction de Dieu et non pas en fonction de l’homme et de sa liberté !

Du fait que le Pape pose en principe que « dans le Christ, Tête de l’Église qui est son Corps, tous les chrétiens forment“ la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu pour annoncer ses merveilles ”(1 P 2, 9) », la distinction tend à s’effacer entre laïcs, prêtres et religieux. D’autant plus qu’au laïc, le Pape recommande de « devenir un culte agréable à Dieu en vivant sa vie comme une vocation » (n° 79). Il ne faut donc pas nous attendre à un réveil des “ vocations ” sacerdotales et religieuses. Malgré l’affirmation de « la valeur objectivement infinie de chaque célébration eucharistique » (n° 80). Et malgré « l’importance du témoignage de la virginité spécialement en relation avec le mystère de l’Eucharistie » (n° 81). (...)

Il ne s’agit plus d’adorer un Dieu “ tout-puissant ”. Cet attribut divin est absent de l’Exhortation apostolique.

Il ne s’agit plus de “ sacrifice propitiatoire ” pour obtenir le pardon des péchés et la grâce d’être digne de communier.

Il ne s’agit plus de craindre l’enfer promis à qui violerait les lois de la réception du sacrement par le sacrilège.

Que reste-t-il ? Un « culte agréable à Dieu », non sans « cohérence eucharistique » avec « les valeurs fondées sur la nature humaine », dont les hommes politiques et les législateurs catholiques doivent se sentir particulièrement responsables (n° 83).

En effet, tous sont missionnaires. (...) (n° 86)

Partout où sont passés les missionnaires, ils ont apporté la « promotion humaine », c’est-à-dire la civilisation. Mais cet inestimable bienfait historique n’est lui-même que l’effet secondaire, dérivé, extérieur, d’un mystère de charité, de grâce, tout intérieur, essentiellement religieux, bref tout divin dans sa cause, dans ses effets, dans sa fin : le Saint-Sacrifice de la messe, principe de toute notre vie chrétienne, ressource de toute sainteté, centre et sommet du catholicisme. Si c’est là ce que veut dire le Pape, comment peut-il inviter les évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées et fidèles laïcs auxquels s’adresse l’Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis, à prier « pour que s’élargissent les espaces de la liberté religieuse dans tous les États, afin que les chrétiens,de même que les membres des autres religions, puissent vivre librement leurs convictions, individuellement et en communauté » (n° 87).

À l’exemple de ses “ vénérés prédécesseurs ”, Paul VI et Jean-Paul II, Benoît XVI ne discerne plus le Corps du Christ qui est l’Église, seule dépositaire de la seule religion de salut !

C’est l’erreur que condamna déjà saint Pie X lorsque “ le plus grand Sillon ” « appela à la construction de la cité future tous les ouvriers de toutes les religions et de toutes les sectes » (Lettre sur le Sillon, n° 33).

À partir du moment où l’objectif n’est plus d’arracher les âmes à l’enfer pour les conduire au Ciel, mais de « s’engager pour un monde plus juste et plus fraternel » (n° 88), l’Eucharistie est mise au service de ce grand dessein d’animation de la démocratie universelle. (...)

Et voilà comment le culte de Jésus-Hostie se transforme en culte de l’homme : « C’est précisément en vertu du Mystère que nous célébrons qu’il nous faut dénoncer les situations qui sont en opposition avec la dignité de l’homme, pour lequel le Christ a versé son sang, affirmant ainsi la haute valeur de toute personne. » (n° 89)

Comment entrer dans ce « Sacramentum Caritatis », dans ce délire d’amour des Cœurs de Jésus et Marie, bienfaiteurs, sauveurs de nos âmes qui étaient perdues, si Jésus a versé son Sang pour « affirmer la haute valeur de toute personne » ? C’est véritablement renverser les rôles : ce qui apparaît “ précieux ”, aux yeux de Benoît XVI, ce n’est plus le Sang de Jésus, mais la “ personne humaine ”, qui doit être l’objet de tous nos égards, de notre culte. Comment dire encore, au moment de communier : « Domine, non sum dignus ut intres sub tectum meum... » Au contraire : « Entrez donc, Seigneur, je suis digne de vous recevoir, en raison de la haute valeur de ma personne. » (...)

Pour que « la prière que nous reprenons à chaque Messe :“ Donne-nous notre pain de ce jour ” » soit exaucée, le Pape veut faire connaître et promouvoir la doctrine sociale de l’Église :

« Dans ce patrimoine précieux, provenant de la plus antique tradition ecclésiale, nous trouvons les éléments qui orientent, de manière très sage, le comportement des chrétiens face aux questions sociales brûlantes. Cette doctrine, mûrie tout au long de l’histoire bimillénaire de l’Église, se caractérise par son réalisme et son équilibre, aidant ainsi à éviter les compromis erronés ou les vagues utopies. » (n° 91)

À lire cette condamnation des « compromis erronés » et des « vagues utopies », on croit lire saint Pie X ! Car, en appeler à « la plus antique tradition ecclésiale », c’est remonter à Jésus lui-même. Or, « Jésus nous a aimés d’un amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l’amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais, à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel, il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l’on fasse partie de son troupeau, que l’on accepte sa doctrine, que l’on pratique la vertu et qu’on se laisse enseigner et guider par Pierre et ses successeurs.

« Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n’a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu’elles parussent ; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. S’il a appelé à lui, pour les soulager, ceux qui peinent et qui souffrent, ce n’a pas été pour leur prêcher la jalousie d’une égalité chimérique. S’il a relevé les humbles, ce n’a pas été pour leur inspirer le sentiment d’une dignité indépendante et rebelle à l’obéissance. Si son cœur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, il a su également s’armer d’une sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi fort que doux ; il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu’il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps.

« Enfin, il n’a pas annoncé pour la société future le règne d’une félicité idéale, d’où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au Ciel : la voie royale de la croix. Ce sont là des enseignements qu’on aurait tort d’appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu’un humanitarisme sans consistance et sans autorité. » (Lettre sur le Sillon du 25 août 1910, n° 42).

Nous sommes loin de compte ! Benoît XVI a beau achever par un acte de foi en la puissance de l’Eucharistie capable de changer le monde (n° 92), il est loin d’en poser les conditions rappelées par saint Pie X. Cette Exhortation apostolique, destinée à restaurer la divine liturgie, ne montre pas la moindre trace de « sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu » qui sont légion.

Le Pape termine par une invocation à « Marie très sainte, Vierge immaculée, arche de l’alliance nouvelle et éternelle » (nos 96-97). En citant le Canon romain : “ N ous voulons nommer en premier lieu la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur, Jésus-Christ”, il ne fait que souligner un fait : lui, la nomme en dernier lieu... C’est un peu tard. Marie n’intervient dans l’exhortation Sacramentum Caritatis qu’à titre de « modèle irremplaçable de vie eucharistique », selon les enseignements du concile Vatican II et de Jean-Paul II, mais non pas comme universelle Médiatrice de toutes les grâces dispensées par ce saint Sacrement.

Les révélations de Fatima nous enseignent bien autre chose.

TRÈS UNIQUE ET ADMIRABLE
CŒUR EUCHARISTIQUE DE JÉSUS - MARIE

La Bienheureuse Vierge Marie accepta au jour de l’Annonciation, d’être la Mère du Sauveur. Aussitôt, le miracle de cette fécondité virginale commença de réaliser le mystère sublime de l’Incarnation du Verbe. On aurait pu penser que cela étant fait, l’Enfant vivrait et grandirait de Lui-même et que la tige de Jessé, sur laquelle ce bourgeon puis cette fleur et ce fruit s’étaient formés, se trouverait reléguée comme inutile, encombrante même, dans la poursuite d’une carrière à nulle autre pareille. Et ce fut vrai de la séparation inévitable de sa vie publique, lorsque Jésus quitta Nazareth pour s’y engager. Mais ce n’était que de convenance sociale.

En fait, non seulement cette douce Vierge a conçu, porté, enfanté Jésus, mais elle l’a allaité, elle l’a élevé. Il s’est complu dans son intimité, il s’est beaucoup appliqué à la satisfaire et il s’est fait un devoir de la conduire à partager tout son mystère de mort et de résurrection, enfin d’ascension.

Ainsi en va-t-il de notre enfantement au salut, acquis par Lui, par Elle auprès de Lui, dans l’Acte sublime, unique, achevé, de la mort sur la Croix et de la compassion de Marie. Jésus ne s’est pas contenté de remonter au Ciel, suivi par Marie, et de nous laisser croire ce salut acquis pour nous une fois pour toutes, quitte à en faire l’objet de commémoraisons encourageantes, émouvantes, “ charismatiques ”...

Non ! Jésus a prévu de continuer à s’occuper de nous, avec sa Mère, évidemment ! Et de nous faire donc un devoir de nous rassembler auprès de lui souvent, très souvent, le plus souvent possible, dans notre propre intérêt... pour recevoir de lui à chaque fois quelque chose de bon pour nous, à notre choix, selon nos demandes, et aussi un bon baiser de Lui et de sa Mère... cela presque pris de force à notre nonchalance, parce qu’ils veulent en arriver à ce que nous les aimions beaucoup et, par suite heureuse, que nous nous aimions beaucoup entre nous.

C’est la raison pour laquelle la paix du monde dépend de la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois annoncés par la Sainte Vierge à Fatima en 1917, en pleine Première Guerre mondiale, et demandée à Pontevedra en 1925 dans le but très explicite d’éviter la Seconde : « Si l’on fait ce que je demande, on aura la paix. »

C’est ainsi que la “ dévotion réparatrice ” des cinq premiers samedis, par la confession et la communion, nous ramène au Sacramentum Caritatis, au sacrement d’amour, au mystère d’amour, au secret d’amour ; la Messe est précisément le déroulement des œuvres de Dieu voulant manifester aux hommes son amour.

Sœur Lucie en a eu la révélation le 13 juin 1929 à Tuy. (...)

Notre Père tient cette théophanie eucharistique et trinitaire pour comparable à l’apparition de Notre-Seigneur à Saul de Tarse sur le chemin de Damas.

« On peut dire que ce 13 juin 1929, sœur Lucie a vu la cascade rebondissante de toutes les médiations disposées par notre Père du Ciel pour nous dispenser sa Grâce et sa Miséricorde ; médiation du Christ notre Sauveur crucifié pour notre salut ; médiation eucharistique de son Corps et de son Sang, offerts en sacrifice expiatoire et proposés en nourriture et en breuvage de communion salutaire ; médiation de cette Eau cristalline de l’Esprit-Saint répandue par le baptême et par la pénitence, pour nous donner la Vie, nous sanctifier et nous laver des souillures du péché. Et donc, médiation de l’Église qui nous prodigue ces biens par le ministère de ses prêtres, agissant au nom du Christ et exerçant ses pouvoirs.

« Enfin, achèvement et plénitude de l’économie rédemptrice, médiation universelle de Marie, personnification de l’Église, Mère de Grâce et de Miséricorde : “ Sous le bras droit de la Croix ”, la Vierge Marie nous offre son Cœur, Cœur incomparable de l’Immaculée Conception, Cœur transpercé de la Vierge des douleurs, Épouse du divin Crucifié, corédemptrice et “ réparatrice de l’humanité déchue ” (saint Pie X), Cœur de la Mère de Dieu et de la Mère des hommes, médiatrice de la Grâce et dispensatrice universelle de la Miséricorde sur toute l’humanité rachetée au Calvaire.

« De cette révélation de la Maternité spirituelle de Marie, il résulte que “ les blasphèmes contre sa Maternité divine, en refusant en même temps de la reconnaître comme Mère des hommes ”, sont parmi ceux qui offensent le plus gravement son Cœur Immaculé. » (Fatima, salut du monde, p. 225)

L’Enfant-Jésus est venu demander réparation de ces blasphèmes à Pontevedra le 10 décembre 1925. (...)

Il ne s’agit pas seulement d’une affection particulière, mais d’une relation d’origine qui unit des enfants à leur Mère véritable, selon la doctrine parfaitement exprimée par Saint Pie X dans son encyclique Ad diem illum. (...)

Cette seule pensée suffit à raviver notre espérance dans une Contre-Réforme victorieuse par la toute-puissante médiation du Cœur Immaculé de Marie, capable de produire de nouveaux trésors de sainteté, d’art, de vertu, de charité, une civilisation magnifique, selon l’intention du Seigneur instituant le Saint-Sacrifice de la messe pour que nous l’aimions comme il nous aime. Il nous donne son Corps, son Sang, son Cœur, et nous lui donnons notre cœur. C’est la communion, mystère central et secret ultime de l’histoire universelle, ferment perpétuel d’héroïsme, de sagesse, de sainteté.

frère Bruno de Jésus
Extraits de Il est ressuscité ! n° 57, mai 2007, p. 5-20

  • Dans le tome 7 de Il est ressuscité ! :
    • « Sacramentum Caritatis », n° 56, avril 2007, p. 1-8
    • La restauration de la messe, œuvre de contre-réforme, n° 57, p. 5-20
Audio/Vidéo :
  • A 109 : L'exhortation apostolique, « Sacramentum Caritatis », par frère Bruno de Jésus, 5-6 Avril 2007, 2 h

Références complémentaires :

En audio, sur la mystagogie eucharistique :
  • S 28 : LA MESSE. Maison Saint-Joseph, Retraite de l’automne 1975. 16 h
Articles cités :
  • Dans le tome 4 des Lettres à mes amis :
    • Le célibat ecclésiastique, n° 232, août 1966, p. 1-4
    • « Seul à seul avec un Dieu caché », n° 234, août 1966, p. 1-4
  • Dans le tome 4 de La Contre-réforme Catholique au XXe siècle :
    • Préparer Vatican III : La sainte liturgie, n° 53, février 1972, p. 3-15
    • La hiérarchie sacerdotale, n° 54, mars 1972, p. 6-12
  • Dans le tome 6 de La Contre-réforme Catholique au XXe siècle :
    • Au cœur de l'Église le Saint-Sacrifice de la messe, n° 82, juil 1974, p. 3-16
  • Dans le tome 8 de La Contre-réforme Catholique au XXe siècle :
    • La réforme de la messe, chimère ou réalité, n° 101, janvier 1976, p. 3-14
  • Dans le tome 9 de La Contre-réforme Catholique au XXe siècle :
    • Les mystères chrétiens : L'Eucharistie, n° 116, avril 1977, p. 3-14
    • Le sacerdoce catholique, n° 117, mai 1977, p. 3-14
    • Les sept sources de la vie, n° 120, août 1977, p. 3-14
    • Utopie d'Église, n° 121, septembre 1977, p. 3-16
  • Dans le tome 10 de La Contre-réforme Catholique au XXe siècle :
    • Une mystique pour notre temps. Le règne de la grâce, n° 125, p. 3-12
    • Le triomphe de la mystique, n° 133, septembre 1978, p. 5-14