XVI. Sermon : Jésus aimable
Mes bien chers frères,
Pourquoi ai-je fait cette retraite sur l’Évangile de saint Marc ? Parce que j’ai rencontré beaucoup de chrétiens dans ma vie qui semblaient froids à la lecture de l’Évangile ou de son commentaire. Jésus ne leur apparaissait pas aimable. Or, durant cette semaine, nous nous sommes trouvés, le voile étant rompu, Face à face avec Jésus. Il nous a semblé que c’est nous qui l’avons rencontré sur les chemins qui bordent le lac de Tibériade, qui avons mangé avec lui, qu’il a multiplié les pains pour nous... C’est une révélation, parce que saint Pierre a parlé et saint Marc a recueilli ses paroles par écrit, et cette Écriture a été proclamée dans l’Église de siècle en siècle jusqu’à nous.
Ce Jésus que nous avons osé dire froid, cachant ses sentiments, nous avons découvert son Cœur. Nous avons été en présence d’un homme avec lequel nous aurions aimé vivre, que nous serions contents d’entretenir de nos problèmes, que nous aurions été bien contents d’adorer en nous prosternant à ses pieds comme les possédés du démon, ou entourant ses jambes et ses genoux de nos bras pour le supplier de nous guérir comme tant de lépreux et d’autres malades. Nous l’aurions suivi si, en nous regardant, il nous avait dit qu’il nous aimait et qu’il nous avait entraînés à sa suite pour faire de nous des disciples. [...]
C’était un bon cœur. Il entre dans la maison de saint Pierre, prend la main de la belle-mère, la relève et la guérit. Tout de suite les gens bons, bienveillants, l’aiment. On ne croirait pas que c’est le Fils de Dieu.
Il est libéral, il veut libérer les gens de toutes les observances qui les emprisonnent, qui les empêchent d’être à l’aise avec Dieu parce qu’ils ont toujours manqué un précepte ou un autre.
Il est compatissant, tellement qu’il fait des choses qu’il ne voulait pas faire. Un jour un lépreux se précipite, le touche ! Jésus doit le repousser, puisque c’est un homme contaminé, et qu’alors il ne pourra plus entrer dans les villes... Mais Jésus était ému, il avait les entrailles qui le torturaient. Il a guéri le lépreux.
Il est très aimant. On découvre son Cœur de plus en plus profond, qui tient à ses Apôtres, aux saintes femmes. Il est infiniment miséricordieux pour tous les misérables qu’il rencontre. Il n’est préoccupé que d’une chose : les guérir de leurs plaies spirituelles, remettre les péchés pour être en bonne union avec eux.
Il est patient : un jour, un jeune homme déjà très parfait le rencontre : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » J’aurais voulu entendre le son de la voix de Jésus qui lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu. » Jésus voulait faire réfléchir cet individu qui, s’il avait compris, se serait prosterné en disant : « Mais Vous êtes le Fils de Dieu ». Ce que les démons reconnaissaient, il l’aurait reconnu lui aussi. Alors Jésus l’aima et voulut qu’il le suivît, mais celui-là se détourna parce qu’il était trop riche. Jésus est triste... pour lui.
J’ai matérialisé mes sentiments, mettant des cœurs dans la marge de mon livre chaque fois qu’il y avait une parole de Jésus qui était visiblement inspirée par son amour. Tenez, chapitre 9 verset 37 : « Il le plaça au milieu d’eux et, l’ayant embrassé, il leur dit : “ Quiconque accueille un des petits enfants tels que lui à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille. Et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. ” » N’importe qui recevra un petit chrétien dans sa famille : c’est comme s’il avait donné à Jésus, et celui qui donne à Jésus, c’est comme s’il donnait à son Père du Ciel. Immense récompense ! Qu’il est bon Jésus ! [...]
Après, ça change ! « Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient, il serait mieux pour lui de se voir passer autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être jeté à la mer. » C’est justement méchant pour ceux qui envoient les enfants en enfer en les souillant, qui empoisonnent les âmes innocentes en leur enseignant des hérésies et des schismes. Jésus aime tellement les enfants, les pauvres gens, les âmes de bonne volonté, que cela lui est horrible de penser à cette sorte de pouvoir que l’homme a sur l’homme pour lui rendre difficile le salut et l’entraîner à la damnation. Celui-là, il vaudrait mieux qu’on le jette à la mer avec une meule au cou. Colère de Jésus qui n’est simplement que le revers de l’amour.
Le Cœur de Jésus nous apprend à aimer, mais en portant sa croix. « Dès l’origine de la création, Il les fit homme et femme. Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère, et les deux ne feront qu’une seule chair. Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer » (Mc 10, 6-9) Jésus embrasse dans son Cœur pour ainsi dire, à travers les siècles, les millions d’époux chrétiens. Ils ne sont plus qu’une seule chair, c’est la volonté de Dieu. Mais qu’ils s’aiment ! et qu’ils s’aiment donc tant si purement, si grandement, que jamais évidemment ils ne se séparent puisque Dieu les tient unis. Un cœur dans la marge ! [...]
Notre-Seigneur a guéri les malades. Il séduisait par milliers les foules qui le suivaient dans le désert, cinq mille hommes la première fois ! Jésus a pitié de la foule et bénit les pains et les leur donne, il les nourrit.
Douceur à l’égard de ses Apôtres. Il est venu pour épouser l’humanité, sauver le genre humain. Ses Apôtres, qui sont là autour de lui, sont les compagnons de noce de l’Époux et ils sont bienheureux. C’est la fête messianique. Un jour, ils seront tristes, et ils auront bien le temps de jeûner dans les siècles suivants.
Ardeur à prendre la défense du peuple contre les fausses autorités. Tous ces pharisiens, ces scribes, qui passent leur temps à mépriser le peuple, à lui voler son argent sous le prétexte de la loi, ce sont des autorités inexistantes, des oppresseurs du peuple. Jésus parle contre eux pour libérer le peuple de leur emprise.
Juste avant sa Passion, dans la cour du Temple de Jérusalem, il voit une pauvre femme qui vient et qui verse une petite monnaie dans le trésor. Elle n’a plus rien et ce rien qu’elle a, elle vient le verser au trésor. Jésus le sait de sa science divine et il le fait remarquer aux Apôtres en disant : « Celle-là a donné plus que les autres ». C’est le Cœur de Dieu attentif au moindre de nos sacrifices pour les récompenser tous. Il a aussi un cœur caché, il a un double secret qui va se dévoiler en partie durant sa Passion, dans son amour pour Marie-Madeleine. Puis il va laisser filtrer un secret encore plus intime au moment de son agonie : ce Cœur de Jésus est tout absorbé par son amour du Père, sa confiance dans le Père, sa soumission au Père. « Abba ! dit-il, dans son agonie, Père, que votre volonté soit faite et non la mienne. » On ne peut pas aimer davantage quelqu’un que de se sacrifier jusqu’au sang pour lui obéir, pour lui être fidèle.Mais il aime les pratiquants, les disciples. Il nous aime encore. Il dit que nous sommes sa mère et ses frères si nous faisons ce que Dieu veut. À ceux qui ont tout quitté, il promet le centuple en ce monde, avec des persécutions et la vie éternelle. Il est tellement reconnaissant à ceux qui ont fait du bien à chacun de ses disciples. Il a une prédilection pour les enfants.
Et d’autre part, on ne peut pas aimer son prochain autant que Jésus a fait, ce prochain personnifié par Marie-Madeleine qui nous personnifie tous, jusqu’à donner son Sang pour qu’elle puisse revivre, sortir de son péché, et connaître la joie de l’amour divin ici-bas et dans le Ciel. Elle verse son parfum en reconnaissance, Jésus verse tout le Sang de son Cœur, il veut que nous aimions ce Cœur immensément amoureux de l’humanité. Il veut que nous l’aimions comme il aime le Père, afin que nous ne fassions plus qu’un avec lui, comme le Père ne fait plus qu’un avec lui. C’est un mystère d’amour. Ainsi soit-il.
Abbé Georges de Nantes
S 90 : L'Évangile selon saint Marc, retraite automne 1986