L’ABBÉ DES GENETTES

Serviteur et apôtre de Marie

L'abbé des GenettesN É le 10 août 1778, d’une famille de petite noblesse alençonnaise, Charles-Éléonore du Friche des Genettes reçut des siens l’héritage d’une tradition catholique et royale. L’influence maternelle marqua d’une empreinte indélébile le cœur et l’intelligence de cet enfant vif et volontaire, en l’enracinant dans la solide et tendre religion de nos pères.

La Terreur affermit son ardeur contre-révolutionnaire, d’autant plus que son oncle et parrain, devenu Conventionnel, avait voté la mort du Roi. Charles comprit qu’il lui revenait de laver l’honneur familial d’une si vilaine tache, manifestant ainsi qu’on peut devenir un saint en ayant pour ancêtre un criminel. (...)

En 1794, son père, magistrat “ suspect ”, fut arrêté et jeté en prison. Ses biens furent séquestrés. La pauvreté s’installa au foyer familial. Pendant des semaines, la famille vécut sur des aumônes. (...)

La mère de Charles s’épuisait en démarches inutiles auprès des autorités pour obtenir la délivrance de son mari. Ils étaient plus de cent cinquante pères de famille à croupir dans les prisons de Dreux, sans que nul ne s’inquiétât de leur sort. Un jour, Charles n’y tint plus. C’était le 4 août 1794. Le jeune homme, qui n’avait pas froid aux yeux, décida de se rendre à la réunion du club, sans en parler à personne.

La salle était comble et tumultueuse. Résolument, Charles monta à la tribune et prit la parole : « Citoyens, la ville de Dreux gémit tristement sous la dureté du joug qu’on lui impose au nom de la liberté ; et vous qui êtes ses enfants, comment, dites-moi, pourriez-vous rester sourds à ses plaintes ? (...) Vous êtes le peuple souverain et, en votre présence, on vient arracher à votre amour, votre père, votre époux. Voyez combien de familles sont dans le deuil ! Et quels crimes ont-ils commis, ceux qu’on tient ainsi captifs ? Aucun, ils le savent aussi bien que vous, ceux qui sont leurs ennemis. Levez-vous donc, il est temps ! (...) Oui, c’est l’heure, levez-vous, et la ville entière acclamera votre courage. »

Le silence s’était fait dès les premiers mots et, à la fin, un tonnerre d’applaudissements salua la généreuse harangue. L’orateur n’en revenait pas d’avoir obtenu gain de cause à si bon compte. (...) Charles obtint ainsi la délivrance de son père. (...)

Ce fut alors un retour triomphal par les rues de la ville, et le nom du courageux libérateur –un enfant de seize ans ! – volait de bouche en bouche.

LE PETIT CURÉ DE SAINT-LOMER

Son père le voulait magistrat et sa mère entreprenait de lui faire connaître une jeune cousine, riche et avenante.

Charles tomba subitement malade, terrassé par la fièvre typhoïde. Le médecin, appelé d’urgence, rendit son diagnostic : il était perdu, ses heures étaient comptées. (...)

Charles comprenant que sa fin était proche, reçut alors l’inspiration de faire un vœu. Se tournant péniblement vers la muraille, il se recueillit un instant, puis s’abandonna entre les mains de son Père céleste : « Mon Dieu,dit-il au fond de son cœur,si vous me guérissez, je fais vœu de me consacrer tout entier à vous dans l’état ecclésiastique. »

À peine sa prière d’abandon était-elle achevée, qu’il s’endormit profondément. À son réveil, il était guéri. (...) Le premier mouvement de son âme fut alors un élan de reconnaissance envers son Père des Cieux qui l’avait ramené à la vie pour son service. Premier battement du cœur du futur prêtre dans sa poitrine. Désormais, sa vie serait une continuelle action de grâces. (...)

Médecin et parents durent constater le miracle ; mais, en 1793, il ne pouvait que commuer son vœu en dévouement aux prêtres vivant dans la clandestinité. Il organisait des réunions de prières, d’explication de la doctrine chrétienne pour les femmes des faubourgs de Dreux... allant jusqu’à les exhorter à reprendre possession de leurs églises pour en refaire des lieux de prière. Pour contenir ce zèle bouillonnant, monsieur et madame des Genettes se retirèrent avec leur fils à Saint-Lomer, leur terre natale, espérant y couler une vie plus calme. Charles s’enquit aussitôt des prêtres réfractaires afin de les rejoindre et de recevoir d’eux leçons et conseils ; en retour il se dépensait à enseigner les enfants, à catéchiser les femmes, et, le dimanche, il réunissait tout son petit monde à l’église où l’on chantait la grand-messe. (...)

Un “ incomparable ami et maître ”, l’abbé Desprez, l’initiait à la vie sacerdotale et à la théologie au cours de longues promenades dans les bois.

En 1803, une grave maladie de poitrine lui permit d’entrer directement au séminaire de Sées, après avoir été exempté du service militaire. (...) Il fut ordonné prêtre le 9 juin 1805. L’Église comptait un ministre et un apôtre de plus, les pécheurs un consolateur et un ami, l’enfer, un ennemi redoutable.

« DIEU VEUT QUE VOUS SOYEZ CURÉ ! »

Avec la Restauration, l’Église recouvrait sa liberté. Charles des Genettes pensa qu’il lui était désormais loisible de répondre à cet attrait secret qu’il ressentait depuis longtemps pour la vie religieuse. Il rencontra le Père de Clorivière, le 7 septembre 1815, mais quelle fut sa déception lorsqu’il s’entendit répondre par le saint Jésuite :

L'abbé des Genettes« Il n’est pas possible, mon cher ami, que nous vous recevions dans notre Société. Il faut absolument que vous renonciez pour toujours à votre projet.

– Et pourquoi, mon Père ?

– Parce que telle est la volonté de Dieu.

– Mais cependant, voilà déjà très longtemps que je suis poursuivi par ce désir : il me semble que ce serait pour moi la voie la plus sûre pour arriver à la perfection et faire mon salut.

– Vous êtes dans l’erreur, mon bon ami, Dieu veut que vous soyez curé, vous ferez ainsi plus de bien...

– Moi, curé ! Oh ! jamais ! Deux fois déjà j’ai refusé cette charge. Lorsque je me suis fait prêtre, j’ai eu pour but d’exercer le saint ministère par la prédication et la confession ; mais je n’ai jamais eu l’intention d’être curé.

– Telle est cependant la volonté de Dieu sur vous. Cette année ne s’écoulera pas sans que vous ayez reçu votre nomination. Vous refuserez, mais la volonté arrêtée de vos supérieurs vous forcera d’accepter. On vous enverra dans une paroisse où vous aurez beaucoup à souffrir, mais où vous ferez beaucoup de bien. Après quelques années, vous serez envoyé dans une autre cité. »

Quoique cette décision contrariât ses désirs les plus intimes, l’abbé des Genettes se soumit à la volonté de Dieu si clairement signifiée. Il s’en retourna dans son diocèse, l’âme en paix et prêt à lutter contre le découragement. Les événements n’allaient pas tarder à vérifier la prophétie de son saint directeur de conscience.

Ses supérieurs l’envoyèrent à la paroisse de Montsort, qui l’accueillit en lui fermant la porte de l’église, et en lui criant mille insultes. Il affronta l’orage avec calme, et entreprit des tournées d’apprivoisement dans la paroisse, faisant face aux visages fermés et hostiles. Injures et menaces n’épargnèrent pas le vaillant curé, mais loin de le désarçonner, elles l’affermirent dans sa résolution. Il aimait à citer la parole de saint Paul : « Peu m’importent les jugements des hommes, pourvu que ceux de Dieu me soient favorables. »

La première partie de la prédiction du Père de Clorivière était accomplie. Monsieur des Genettes était curé et faisait du bien, après en avoir payé le prix, quand une nouvelle tempête de calomnies l’obligea à quitter Montsort.

CURÉ DES MISSIONS ÉTRANGÈRES

Le voici à Paris grâce aux bons offices d’un ami. (...) L’abbé des Genettes avait souvent affaire à une Fille de la Charité qui avait ouvert un bureau de bienfaisance non loin du Séminaire. Il lui confia ses préoccupations touchant les orphelines. Ils se comprirent en un instant : « Mettons notre projet dans le Cœur Immaculé de Marie, lui dit-il: si c’est Elle qui l’inspire, Elle nous fournira les moyens de le réaliser et nous agirons sous sa direction. » Une maison fut bientôt trouvée. Au bout d’un an, la maison était trop petite. L’abbé des Genettes y sacrifia le reste de sa fortune, mais il manquait encore trente mille francs pour l’achat d’une maison plus vaste.

Charles X, mis au courant, lui donna l’argent nécessaire, lui demandant en contrepartie de faire prier ses petites filles à son intention. (...) L’orphelinat fut baptisé en son honneur la “ Providence Saint-Charles ”.

L’entreprise était sainte, aussi fut-elle attaquée par la calomnie. Que ne dit-on pas sur les intentions du fondateur ! Le bien se faisait pourtant, et tout marchait si parfaitement, qu’un jour l’abbé des Genettes confia à sœur Madeleine : « Ma sœur, je crains que nous ayons démérité devant Dieu, notre œuvre marche trop bien, nous n’avons pas de croix ! »

C’était peu avant l’été 1830. La Révolution de juillet surprit l’abbé alors qu’il était en retraite. Sa première pensée fut de voler au secours de ses orphelines. Le quartier était aux mains des émeutiers et ces démons tentaient d’investir la maison de la Providence. Sœur Madeleine rassembla tout son monde devant le Saint-Sacrement. « Nous ne nous laisserons pas enlever Notre-Seigneur, dit-elle, prions-le bien de nous garder et nous le garderons. »

Ne pouvant rejoindre ses orphelines, le curé des Missions s’était porté au secours des gardes suisses assiégés, privés de nourriture et de munitions. Sous une grêle de balles, il parvint, au risque de sa vie et de son avenir, à leur faire passer des vivres et du matériel pour résister à l’assaut.

Charles X tombé, c’était l’autorité même de Jésus-Christ qui cessait sur le pays. Un des amis de l’abbé des Genettes lui proposa de le suivre à Fribourg, où s’étaient retirés quelques fidèles de la famille royale. Le 29 septembre 1830, il prenait le chemin de l’exil.

LE CURÉ DE NOTRE-DAME DES VICTOIRES

Façade de l'église Notre-Dame des Victoires
Façade de l'église
Notre-Dame des Victoires

Le 27 mars 1832, le choléra faisait son entrée dans Paris où il se répandit avec une rapidité foudroyante. L’ayant appris, l’abbé des Genettes ne songea plus qu’à reprendre son ministère actif au milieu de ses confrères français qui risquaient leur vie autour de leur évêque, Mgr de Quelen.

À son retour d’exil, l’abbé des Genettes découvrait avec consternation le visage horrible de Paris gravement atteint par la révolution impie. Il le décrit à son ami l’évêque de Lausanne, le 1er août 1832 : « L’esprit religieux s’y éteint à vue d’œil. (...) La masse de la population est impie et vit tranquillement dans une espèce d’athéisme négatif. Le peuple ne vit que pour les jeux, la bonne chère, la toilette, les plaisirs, les spectacles, voilà le but de ses travaux et de ses désirs ! L’immoralité, la lubricité les plus éhontées, telles sont les mœurs publiques. La jeunesse, l’enfance, se roulent dans le libertinage. (...) Nous allons à la barbarie. Les curés sont découragés. »

C’est dans ce contexte que l’abbé des Genettes apprit sa nomination à la cure de Notre-Dame des Victoires, réalisant la troisième étape de la prophétie du père de Clorivière.

Mais le choc fut rude, accablant. Quel contraste avec le faubourg Saint-Germain bourdonnant de piété et d’active charité ! Après quatre ans d’efforts et de prières, l’église était toujours un désert, au grand désespoir du pauvre pasteur. « Comment ne pas gémir, pensait-il, devant la stérilité de mon ministère ? Les âmes dont le salut nous est confié et dont nous répondrons devant Dieu, se perdent entre nos mains. »

Vint l’heure de Dieu...

« CONSACRE TA PAROISSE AU TRÈS SAINT ET IMMACULÉ CŒUR DE MARIE. »

Notre-Dame des VictoiresL’abbé des Genettes a raconté lui-même comment la Sainte Vierge est alors intervenue : « L’archiconfrérie a pris naissance le 3 décembre 1836. Ce jour-là, à 9 heures du matin, je commençai la sainte messe au pied de l’autel de la Sainte Vierge, quand une pensée vint saisir mon esprit. C’était la pensée de l’inutilité de mon ministère dans cette paroisse : “ Tu ne fais rien, ton ministère est nul ; vois, depuis plus de quatre ans que tu es ici, qu’as-tu gagné ? Tout est perdu, ce peuple n’a plus de foi. Tu devrais par prudence te retirer.” ». Effrayé de ne pouvoir chasser cette pensée, il se disait : « “ Mon Dieu, dans quel état suis-je ? Comment vais-je offrir le Saint-Sacrifice ? Je n’ai pas assez de liberté d’esprit pour consacrer. Ô mon Dieu, délivrez-moi de cette malheureuse distraction ! ” À peine eus-je achevé ces paroles, que j’entendis très distinctement ces paroles, prononcées d’une manière solennelle : “ Consacre ta paroisse au Très Saint et Immaculé Cœur de Marie ”. » Aussitôt cette voix intérieure lui rendit calme et liberté de l’esprit, lui permettant de poursuivre la sainte messe.

Nous allons voir comment la joie intime d’une simple parole descendue du Ciel dans le cœur d’un pauvre prêtre va bientôt se faire événement paroissial dont le rayonnement mondial ne cessera plus de croître.

Après avoir rédigé sans effort les statuts de l’association, l’abbé des Genettes les fit approuver par l’archevêque de Paris. Celui-ci lui permit de commencer les exercices au plus tôt. Le dimanche 11 décembre 1836, l’abbé des Genettes exhorta donc le petit nombre de ses paroissiens à venir, le soir, à un office de dévotion pour implorer de la miséricorde divine, par la protection du Cœur de Marie, la grâce de la conversion des pécheurs. Il pensait réunir tout au plus une soixantaine de personnes. Or, à 7 heures du soir, il trouva dans l’église une réunion de quatre cents à cinq cents personnes. Qui les avait amenées ? La plupart ne savaient même pas de quoi il s’agissait, et pourtant cette foule de fidèles participa avec effusion de cœur aux prières de la cérémonie.

Le 16 décembre 1837, l’Association de Notre-Dame des Victoires était érigée canoniquement. Elle devait prendre par la suite une extension subite et prodigieuse des plus surprenantes. Malgré une tempête d’opposition, la confrérie initiale fut élevée à la dignité d’archiconfrérie par Grégoire XVI, en 1838, avec le privilège de pouvoir s’affilier toutes les confréries établies canoniquement sous le même titre et avec le même but, non seulement en France mais dans tout l’univers.

« Ce miracle, explique l’abbé de Nantes, a été obtenu dans la simple obéissance à cette voix céleste qui avait prescrit à l’abbé des Genettes ce qu’il devait faire... La Vierge Marie s’est montrée capable, d’un matin à un soir, de se rendre victorieuse de Satan dans ce quartier épouvantable, d’attirer les gens par centaines de milliers. »

Désormais, l’abbé des Genettes a compris sa mission et trouvé sa place dans l’Église : il entraînerait les pauvres pécheurs aux pieds de Marie et combattrait ainsi l’œuvre de Satan, dans les âmes et dans une société impie.

UNE PAROISSE COMBLÉE DE GRÂCES

Notre-Dame des Victoires devint la vitrine de ce que la Sainte Vierge voulait faire dans son Royaume et dans le monde entier au moyen de l’archiconfrérie. L’esprit de cette association pourrait se résumer ainsi : honorer le Saint et Immaculé Cœur de Marie, implorer la puissance de sa protection, mais surtout, implorer la clémence divine par les mérites de ce Cœur pour la conversion des pécheurs.

Les mois passaient, les miracles se faisaient, les conversions se multipliaient. L’abbé des Genettes, docile instrument de la Vierge Marie, passait ses journées au confessionnal et prêchait avec alacrité le salut par la dévotion au Cœur Immaculé. Ainsi le curé de Notre-Dame des Victoires était-il le curé le plus heureux de la catholicité.

Polémiste, il bataillait contre les chimères de son temps et pourfendait impitoyablement les erreurs assassines de la jeunesse. Mystique, il s’enflammait et embrasait les cœurs, lorsqu’en chaire il faisait l’éloge des gloires de Marie Immaculée. Il séduisait, attirait la confiance et exerçait le plus fructueux rayonnement sur la jeunesse. Son influence s’étendait sur le monde entier.

Notre-Dame des Victoires était véritablement le théâtre privilégié des gloires de Marie. Tous les mouvements de dévotion et de conversion du XIXe siècle, magnifique en ses saints, prirent leur source à Notre-Dame des Victoires ou en reçurent leur impulsion. Grand nombre de prélats étrangers visitèrent Notre-Dame des Victoires pour lui consacrer leur lointain diocèse, tel Mgr Bourget de Montréal. La nouvelle congrégation du Saint et Immaculé Cœur de Marie fondée par l’abbé Libermann, apôtre de l’Afrique noire, prit naissance au pied de l’autel de Notre-Dame des Victoires. C’est encore aux prières de l’archiconfrérie que l’on doit l’extraordinaire conversion d’Alphonse Ratisbonne qui fondera quelques années plus tard l’Œuvre de Sion, consacrée à la conversion des Juifs.

Les progrès et l’extension de l’archiconfrérie prenant de l’ampleur, l’abbé des Genettes fut inspiré d’aller à Rome, au pied du Père commun des chrétiens, chercher dans leur source, par les bénédictions du successeur de saint Pierre, la force et les grâces dont il se sentait dépourvu.

L’audience avec le Souverain Pontife fut fixée au 3 juillet 1842. Elle fut un moment de consolation céleste pour le curé de Notre-Dame des Victoires. En donnant sa bénédiction, le pape Grégoire XVI prononça ces paroles d’encouragement : « L’archiconfrérie ! je suis reconnaissant, très reconnaissant de tout le bien qu’elle fait en France et dans toute l’Église ; je la bénis, je la bénis, dites-le. » Paroles qui s’imprimèrent à jamais dans l’âme romaine de l’abbé.

L'autel de Notre-Dame des VictoiresNotre-Dame des Victoires était sans conteste le centre attirant et rayonnant que son curé avait désiré, mais par le fait même, ce dernier devenait un homme mangé. Outre le confessionnal, les conseils, la correspondance, c’était des œuvres innombrables qui devaient leur impulsion à ce brasier de grâces, selon le vœu du curé, qui voulait constituer sa paroisse en foyer d’œuvres, sous le patronage du Saint et Immaculé Cœur de Marie.

Les conquêtes de Marie passaient en Angleterre où l’archiconfrérie progressait en entraînant un torrent de grâces. Ce mouvement de conversions faisait dire à l’abbé : « Marie reprend possession de son Royaume. » Le Cœur Immaculé de Marie semblait ne plus mettre de borne à son élan de reconquête des peuples égarés, pour les mettre au service du Règne du Cœur de Jésus.

Après Ratisbonne, c’était au tour d'Hermann Cohen de se convertir à la prière de l’archiconfrérie. Aussi, lorsqu’à la fin de 1848, ses compagnons et lui décidèrent d’inaugurer sans tarder l’adoration nocturne, l’abbé des Genettes proposa spontanément la basilique de Notre-Dame des Victoires. Une fois de plus, le Ciel avait choisi le sanctuaire dédié au Cœur Immaculé de Marie pour cette nouvelle œuvre à la gloire du Saint-Sacrement.

L’essor de l’archiconfrérie ne fut pas freiné par la révolution de 1848, ni en France ni à Rome. Dès qu’il apprit l’exil de Pie IX à Gaète, l’abbé des Genettes engagea ses fidèles à prier sans relâche pour la sainte Église et pour son chef. En 1854, Notre-Dame des Victoires était l’église la plus fréquentée de Paris. Les grâces continuaient à s’y multiplier et se répandaient par toute la terre. La cause en était dans la miséricorde de Marie envers son peuple. Et notre abbé espérait en une renaissance de l’Église délivrée du joug de l’impiété.

LA MORT D’UN SAINT

Le curé de Notre-Dame des Victoires célébra le cinquantième anniversaire de son sacerdoce en 1856. Il pensait qu’il avait atteint, sinon le terme, du moins la dernière étape de sa vie. Il rédigea donc son testament : « Je désire être enterré dans l’église Notre-Dame des Victoires, au pied de l’autel de la Sainte Vierge, sous les yeux de celle qui m’a béni pendant toute ma vie et que je me reproche de n’avoir pas assez aimé, honoré. »

Il lui faudra encore peiner trois ans, offrir le sacrifice de ne plus pouvoir dire sa messe et de ne plus pouvoir quitter son logement. Sa chambre devint pendant les six derniers mois de sa vie un lieu de pèlerinage où toutes sortes gens braves et pieux venaient lui manifester leur reconnaissance. Dès qu’on lui parlait de Marie, un sourire céleste éclairait sa physionomie, comme si, déjà, il La voyait. À un ecclésiastique, venu lui demander de bénir une nouvelle association affiliée à l’archiconfrérie, il répondit : « Priez, persévérez et vous triompherez. La dévotion au Saint et Immaculé Cœur de Marie est le principe et le centre de toute dévotion. » Ses dernières paroles furent : « Merci, priez, priez ! » Puis, il s’endormit paisiblement dans les bras de sa divine et tendre Mère. C’était le 25 avril 1860.

L’archiconfrérie comptait 825 326 associés et 13 265 confrères affiliés.

Qu’est devenue Notre-Dame des Victoires aujourd’hui ? Serait-elle enterrée avec son disciple ? A-t-elle définitivement quitté Paris et son beau Royaume après y avoir livré tant de combats au moyen d’instruments si fidèles ?

Grâce à l’abbé de Nantes, nous savons qu’Elle a de toute éternité la mission et la destinée grandiose de vaincre le démon. Sa présence combattante traverse toute l’histoire humaine jusqu’à nous. « À l’Heure de Dieu, pour écraser le démon, le petit pied virginal de Marie suffira ». L’abbé des Genettes écrivait : « Dieu nous a réunis sous l’étendard du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie, comme une armée rangée en bataille, pour résister au démon. Il nous a donné pour armes la charité, le zèle ardent pour le salut de nos frères, la prière pour le demander et l’obtenir. Accomplissons la sainte mission que la divine Miséricorde nous a confiée, prions, prions sans cesse pour la conversion des pécheurs ! »

Extraits de L’Abbé des Genettes, serviteur et apôtre de Marie CRC tome 32, n° 364, février 2000, p. 23-26

Références complémentaires :

Présentation du livre de Sœur Marie-Angélique de la Croix :
  • Le XIXe siècle, siècle de Marie (II) : L'abbé des Genettes, serviteur et apôtre de Marie, CRC tome 32, n° 364, février 2000, p. 23-26
    (audio/vidéo : PC 60-16 : Le curé de Notre-Dame des Victoires, 1 h)
  • De Notre-Dame des Victoires à Fatima, Lettre à la Phalange, n° 55, in CRC tome 28, n° 319, janvier 1996, p. 1-4
Quelques sermons de l'abbé de Nantes :
  • LOGIA 96, n° 4-5 : Histoire de l'archiconfrérie Notre-Dame des Victoires (61 min)
  • LOGIA 96, n° 5 : L'abbé Des Genettes, notre modèle. (6 min)
  • LOGIA 96, n° 6 : Aperçu de la vie de l'abbé des Genettes. (21 min)
  • LOGIA 96, n° 8 : Les saints se rencontrent : l'abbé des Genettes et le Père Emmanuel. ( 12 min)
L'archiconfrérie au Canada français :
  • L'oeuvre du Coeur Immaculé de Marie et de Mgr Bourget, RC n° 194, janvier 2012.