La circumincessante charité
Le Cœur et la Croix de Jésus
II. Révélation du mystère de Jésus, Fils de Dieu
LE Prologue de saint Jean nous révèle que Jésus est né de Dieu. Jésus confirmera son origine divine ; il tournera vers Lui les cœurs pour les attirer à son Père.
Dans les débuts de son ministère, Jésus se nomme d’un nom mystérieux : « Fils de l’homme », simple hébraïsme pour signifier « un homme parmi d’autres ». C’est l’acception vulgaire, populaire. Ce nom n’a pas étonné le peuple. Mais pour ceux qui savaient, c’était pourtant une énigme pour faire réfléchir : c’est le mot employé par Daniel quand il prophétise que le Messie viendra des nuées du Ciel et sera hors des normes ordinaires. Il sera de Dieu et accomplira son œuvre. Il remontera au Ciel et jugera le monde avec son Père. Ce mot ouvrira donc une perspective nouvelle que bien des paraboles et sentences de Notre-Seigneur éclaireront où, incontestablement, Jésus paraîtra venu d’ailleurs, d’une autre origine, d’une autre relation avec Dieu que la naissance qu’on croit lui connaître, Joseph le charpentier. Il dépasse tellement tout être humain, même des plus grands de la Bible, qu’un jour on lui pose la question : « D’où es-tu ? » Jésus répond sans artifice, en disant la vérité toute simple : « Je suis de Dieu ! » C’est extraordinaire ! Je viens du Ciel ! C’est impensable ! Plus Il est clair, moins ses auditeurs le croient. Jésus vient du séjour de Dieu ? Du Ciel ! Mais personne n’était encore venu du Ciel. D’où, scandale : Jésus voulait ce scandale pour humilier les orgueilleux et les faire revenir de leur orgueil pour l’écouter et adhérer à l’aveugle. Par ses miracles, Jésus a donné toutes les preuves qu’Il dit vrai, pour qu’ils acceptent même s’ils ne comprenaient pas et pour conforter la foi des simples. Il faudra un miracle en chaque âme pour croire en la filiation divine de Jésus. Dès le début, Jésus se dit Fils de Dieu, mais d’une manière telle que seules les âmes de bonne volonté pouvaient le comprendre et on ne pourra jamais dire que Jésus s’est inventé un personnage. Ainsi, dans l’Évangile de saint Marc, dès les premiers mots, tout est dit : Jésus est Fils de Dieu. Mais il lui reste une grande tâche à accomplir : révéler son propre et ultime mystère. Il a une nature commune avec tous. Il se fait voir doux, humble, faible comme tout le monde. Ainsi, au puits de Jacob, Jésus « fatigué par la marche » s’assied. (Jn 4, 6). Il est homme dans toute la simplicité d’un homme ordinaire, il n’est pas un surhomme, et pourtant Il est Dieu, rempli de la puissance de Dieu. Il agit comme Dieu tout naturellement. Jésus se dit Fils de Dieu comme un homme naît de la semence. Il est de la semence de Dieu, Dieu de Dieu, d’une génération spirituelle éternelle. Jésus n’explique pas : Il exprime la Vérité de son être dans la lumière du Père. Il est le Fils de Dieu, tout ce qu’Il veut, Il le fait.
Les synoptiques prouvent tout cela dans leur Évangile avec force, dans un langage ordinaire. Leur récit est frappant, il a une force incroyable. Mais c’est saint Jean qui a un langage théologique. Lui, le disciple bien-aimé cite les paroles de son Maître et les commente tellement il est pénétré de la pensée de son Sauveur. Inspiré par l’Esprit-Saint pour donner son témoignage, il expose dans son Évangile le mystère dans toute son amplitude. Jésus est Fils de Dieu de toute éternité, dans la procession de sa divinité, « Dieu de Dieu, lumière de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. »
Si nous voulons entrer un peu dans le mystère de l’Incarnation, lisons le Prologue de saint Jean, capital.
Saint Jean s’élève dans les hauteurs : « Au commencement était le Verbe » (c’est bien le Nom qu’il faut donner à Jésus-Christ, « la Parole ») « et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » Jn 1,1. « Il était au commencement avec Dieu, auprès de Dieu. Toutes choses ont été faites par Lui », Jn 1, 2-3. Dès le début, avant la création du monde, il y a Jésus. C’est Lui le premier Adam ! Il est auprès de Dieu depuis toujours et pour toujours, tourné vers Dieu, en tout égal à Lui et pour tout dire, Lui-même, Lui aussi, Dieu !
Le Prologue continue aux versets 3 à 5 :
La création est faite par Dieu avec le concours du Verbe. Cette création est lumière, mais les hommes sont ténèbres et il y a un combat : les ténèbres cherchent à étouffer cette lumière. Mais celle-ci est la plus forte. Le Verbe règne dans le Ciel et écrasera les ténèbres.
Verset 6 : Paraît Jean-Baptiste le Précurseur. Il affirme que Jésus est la vraie Lumière. Mais il n’a pas été reçu. De là, saint Jean en vient à montrer comment le Verbe, cette Lumière, est venu chez les siens qui ne l’accueillirent pas.
« Mais à tous ceux qui L’ont reçu, Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » Jn 1, 12. Non comme Lui, mais par grâce d’adoption. Il leur donne sa propre nature filiale pour qu’ils soient en Lui, avec Lui, “ fils de Dieu ” ! filiation réelle. Ceux qui croient en Jésus ne font qu’un avec Lui. Jésus partage sa vie divine avec eux. Saint Jean nous avoue le but de l’œuvre de Jésus : nous unir à Lui pour nous unir à son Père !
Soyons attentifs à la suite du Prologue, car il faut nous attacher à Jésus pour être enfants de Dieu et pour ne pas perdre la vie éternelle.
La phrase suivante est le joyau de ce Prologue pourvu qu’on corrige le contresens généralisé dans l’Église depuis des siècles, par une meilleure traduction du texte grec. Voici cette vérité merveilleuse et capitale : « Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à ceux qui croient en son Nom, à Lui qui n’est pas né du mélange des sangs ni d’un vouloir de la chair ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu ». Il y a une condition pour recevoir la grâce de l’adoption filiale, un changement radical de l’être qui nous rend fils de Dieu, c’est de croire que Jésus, l’homme, n’est pas né d’une naissance ordinaire, pas du mélange des sangs, pas de l’instinct charnel ni de la décision d’un homme... mais de Dieu !
« Le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’un tel Fils unique tient d’un tel Père, plein de grâce et de vérité » Jn 1, 14. Paroles merveilleuses qui expliquent, sans que ce soit accessible à notre raison cette double naissance du Fils : sa naissance éternelle du sein du Père de toute éternité et sa naissance du sein de la Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit et non par l’opération d’un homme. Jésus n’a pas d’autre Père que Dieu dans sa paternité éternelle, ce Dieu étant évidemment à l’origine de cette maternité virginale de la Vierge Marie. Dieu seul a voulu cette maternité et c’est Lui qui a fécondé le sang de la Vierge Marie. Jésus est né de Dieu. Jésus l’a affirmé jusqu’à la mort et cette attestation en sera la cause. Saint Jean s’agenouille devant le Christ, le Fils de Dieu, disant comme saint Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ».
Puis, tout son Évangile développe cette première affirmation. Jésus s’est déclaré Fils de Dieu ouvertement, face à ses ennemis, dans une polémique de plus en plus serrée : c’était vital pour qu’on n’accuse pas ses disciples après sa mort, d’avoir raconté des histoires sans preuves. Il fallait que les juifs eux-mêmes comprennent et ils ont très bien compris. Jésus les poursuit pour les convaincre qu’Il a donné toutes les preuves de sa divinité et que Dieu dans le Ciel témoigne pour Lui, Jean-Baptiste témoigne pour Lui et ses prophéties témoignent pour Lui. Et Il dit : Je n’ai même pas besoin de tout cela ! Ma parole devrait vous suffire parce qu’elle est tellement divine en elle-même !
Il faut lire les textes de saint Jean (le discours sur le Pain de vie, la polémique terrible contre les pharisiens). Aucun homme n’aurait pu écrire cela ! La prière sacerdotale développe cette unité de Dieu entre Dieu le Père et son Fils. Ils sont Un, donc, Jésus baigne dans la divinité. Il la reçoit, Il se l’approprie, Jésus EST DIEU !
Nous ne pouvons tout citer mais on se reportera avec fruit au commentaire littéral que notre Père a fait de tout l’Évangile de saint Jean, avec un enthousiasme communicatif.
Et ne disons pas que c’est saint Jean qui a inventé. Relisons les autres Évangiles dans cet esprit. Dans les discours très simples de Jésus, rapportés par saint Luc, saint Matthieu et saint Marc, il y a toute la vérité de son mystère, comme des semences de réflexion future.
Ainsi ce merveilleux passage (Mt 11, 25-27) montre Jésus vivant dans une union stupéfiante avec son Père.
« En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : “ Je vous loue, Seigneur du ciel et de la terre, pour avoir caché ces choses-là aux habiles et les avoir révélées aux petits ! Oui, Père, car tel est votre bon plaisir !... Tout m’a été transmis par mon Père. [Cela veut dire que tout ce qu’Il dit, tout ce qu’Il fait, vient de son Père.] Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père [Cela veut dire : vous croyez me connaître, mais vous ne me connaissez pas ! Mes paroles, mes gestes, ce sont des choses d’un homme, mais ce n’est pas le tout de ma personne. Vous ne savez pas qui je suis. Dieu seul connaît parfaitement son Fils : c’est toute une sphère divine, supérieure, où les hommes n’ont pas accès] Comme personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils ” ». Mais Abraham et Moïse n'ont-ils pas connu le Père ? Oui... et non... Ils ont su des choses sur lui, comment Il se comportait comme un père avec ses enfants ; ils ont entendu ses paroles mais personne, jusqu’à Jésus n’a su ce qu’était la paternité de Dieu, avant même la création des hommes « et celui à qui le Fils voudrait le révéler ». Cela dépend absolument de la bonne grâce de Jésus que nous soyons éclairés sur son mystère à Lui et sur celui de son Père.
D’autres textes montrent Jésus s’affirmant le Fils de Dieu, comme dans la parabole des vignerons homicides, dans saint Marc et saint Matthieu.
Il s’agit d’une vigne confiée à des vignerons qui tuent les serviteurs envoyés par le maître. Alors, ce dernier se dit : « Il me reste encore quelqu’un : un fils bien-aimé. Ils respecteront mon fils. » Mais ces vignerons-là se dirent entre eux : « C’est l’héritier ; venez, tuons-le et l’héritage sera à nous. » C’est prodigieux ! On ne peut pas dire que Jésus ignorait son mystère et son destin !
Enfin, Jésus confesse sa divinité devant le Sanhédrin, en invoquant Daniel (Lc 22, 66). Il sait qu’Il en mourra, mais Il a voulu ce témoignage sur la vérité de son être. « Si tu es le Christ, dis-le-nous. Il leur répondit : “ Si je vous le dis, vous ne croirez pas et si je vous interroge, vous ne répondrez pas. Mais à l’avenir, le Fils de l’homme aura son siège à la droite de la Puissance de Dieu. ” Tous dirent alors : “ Tu es donc le Fils de Dieu ? ” Il leur déclara : “ Vous le dites bien, JE le SUIS. ” »