La circumincessante charité
Le Cœur et la Croix de Jésus
III. L'Évangile, la Romance de Jésus
NOUS avons donné notre foi à Jésus, Fils de Dieu. Il est notre Maître et notre Sauveur. Et maintenant, comment éveiller notre amour pour Lui ? En voyant dans l’Évangile considéré comme sa “ romance ” comment Il était « infiniment bon et infiniment aimable » selon ce que nous disons dans l’acte de charité, de Dieu Lui-même.
En effet, ne disons pas qu'il n’y a pas d’amour dans l’Évangile ! C’est faux, c’est être aveugle, car l’Évangile nous révèle la bonté, l’intelligence, la splendeur et l’exubérance des vertus de Jésus : toutes les pages nous dévoilent le Sacré-Cœur de Jésus si nous les méditons pour comprendre de quel amour Jésus pouvait être l’objet. Jésus aimable, Jésus admirable... Celui que Marie-Madeleine appellera Rabbouni, mon Maître, notre Maître.
Dès les premières pages de l’Évangile, nous voyons comment Jésus apparaissant dans sa vie publique au bord du Jourdain, puis dans l’épopée galiléenne et enfin à Jérusalem, a rencontré une masse de gens. Jésus les a regardés, les a attirés par l’amour. Certains se sont détournés ; d’autres ont répondu à la grâce, se sont tournés vers Lui et ont été sauvés.
Ainsi s'est passé l’appel des apôtres. Jésus regarde Nathanaël, Pierre, André... regard attachant où transparaissait la lumière de la divinité.
Jésus les domine par son regard, Il leur donne la grâce et ils quittent tout pour suivre cet inconnu et s’attacher à Lui pour toujours ! Jésus les conquiert ainsi l’un après l’autre.
Jésus vit un homme nommé Matthieu assis au bureau des impôts et Il lui dit : « Suis-moi », comme Il avait dit aux premiers disciples de Jean-Baptiste : « Venez et voyez. » Événements inoubliables ! Lorsque l’apôtre est en présence de Jésus, Jésus lui parle, retourne son cœur, le saisit et l’apôtre s’attache à Lui. Saint Matthieu suivit Jésus, et les disciples demeurèrent auprès de Lui.
Saint Jérôme explique ainsi leur vocation : « L’éclat et la majesté de la divinité cachée en Jésus se reflétaient jusque sur son visage et pouvaient, dès la première rencontre, attirer à Lui ceux qui le voyaient. Si un aimant attire le fer, combien plus le Seigneur de toute créature pouvait-il attirer à Lui ceux qu’Il appelait ! »
Jésus regarde venir à Lui ses premiers disciples : quel échange de regards ! C’est un cœur à cœur, les disciples sont émus et ont envie de s’attacher à Lui.
L’Évangile nous dit que Jésus avait autorité sur les foules : c’était par son sourire et par son regard. Son regard révèle un cœur immense. Jésus utilisait son regard pour conquérir les âmes à son Cœur !
Lc 7, 9 : Jésus guérit le fils du centurion. Il admire sa foi. Ce païen n’oubliera jamais le visage de Jésus lui sourire et le gagner !
Jn 9 : La guérison de l’aveugle-né qui a bénéficié d’un regard de Jésus formidable. Guéri, persécuté par les pharisiens, il rencontre de nouveau Jésus qui lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » C’est d’une sincérité extraordinaire ! Il lui répondit : « “ Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en Lui ? ” Jésus lui dit : “ Tu le vois ! ” » Je t’ai donné des yeux pour que tu le voies ! Toi qui n’as jamais rien vu jusqu’ici, tu le vois ! C’est lui qui te parle ! « Alors il dit : “ Je crois, Seigneur ! ” et il se prosterna devant Lui. » Quelle rencontre !
Jn 10, 1 : Jésus se dit le Bon Pasteur avec tant d’amour pour ses brebis que chacun se sent pris en son amour.
Jésus avec les saintes femmes. Elles ont un traitement différent des hommes, car l’homme est différent de la femme. Jésus se laisse approcher d’elles, malgré les soupçons. Elles ont aussi droit à la vérité ! Quand Jésus a constitué autour de Lui le groupe des apôtres et des disciples, des saintes femmes aussi l'ont suivi, parmi lesquelles la Vierge Marie apparaît un jour. Elles veillent aux besoins matériels de cette espèce de communauté ambulante, mais elles vivent à part. Elles sont toujours là à quelque distance. C’est là que Notre-Seigneur a donné véritablement figure à l’Église qu’Il était en train de fonder. Les saintes femmes seront toutes proches de Jésus au pied de la Croix.
Quant à la Samaritaine, (Jn 4), Jésus cherche ce cœur, le pénètre par sa prophétie, sa lucidité, surtout à propos de ses crimes anciens ; et de là, la prend au sérieux, la réhabilite à ses propres yeux, fait d’elle une théologienne avec laquelle Il discute. Quand enfin paraît dans cette femme le désir de savoir la vérité, Jésus y répond par cette confession magnifique, la première de son Évangile où Il ose se révéler comme cela : « Oui, je le suis, le Messie, moi qui te parle. » Extraordinaire ! Quel amour en Jésus pour cette femme, de la regarder dans les yeux et de confesser qu’Il est Lui, le grand prophète, le Messie, le Fils de Dieu qui doit venir sauver tous les hommes et qui penche la tête vers elle pour la sauver, d’abord elle. Pourquoi cela ? Elle en est bouleversée ! Que pour nous aussi, ce soit un coup du cœur !
Marie-Madeleine, Jésus l’aime plus que toutes les autres, à part sa Sainte Mère, parce qu’elle est pécheresse et qu’elle est la personnification même de l’humanité lui rappelant Ève. Il est venu pour sauver ce qui était perdu. Un torrent d’amour sort de son Cœur pour elle.
Et puis, il y a les pauvres gens, la multitude des pauvres, des enfants même auxquels Notre-Seigneur donne accès. « Laissez venir à moi les petits enfants », Mc 10, 14. Il les aime tous, chacun à sa place, chacun selon sa propre nature.
Dans les dernières pages de l’Évangile, considérons comment Jésus agit avec ses intimes. Un exemple, c’est Marthe, Marie et Lazare, de Béthanie. Quand on lit le récit de cette résurrection, la manière dont Marthe et Marie font savoir à Jésus que leur frère est malade, la manière dont Jésus parle à Marthe et Marie, c’est extraordinairement touchant : on pressent là une affection de Jésus très vive, très personnelle. Il aime Marthe, Marie et Lazare, de façons différentes. Chacun se sent pris par Lui, porté dans son Cœur d’une manière tout à fait intime.
Et Jésus est si bon avec les malades ! Nous sommes tellement habitués à lire cela dans l’Évangile, mais nous ne nous rendons pas compte de la bonté qu’il y a chez un homme supérieur de prendre le temps de se pencher vers les malades, de les consoler et de les guérir. Derrière le malade, Jésus voit le pécheur et lui pardonne ses péchés en même temps qu’Il le guérit.
Prenons Zachée : quelle bonté, quelle délicatesse pleine de dignité Notre-Seigneur a pour lui. Jésus l’appelle à la conversion en s’invitant chez lui ! C’est parce que Jésus est si bon que le cœur de Zachée éclate de joie, et en plein repas, il annonce qu’il va rendre tout ce qu’il a volé, et quatre fois ! Il se convertit.
Il fallait que Jésus exerce un charme et en même temps que son amour soit plein d’intelligence. Ce n’est pas du romantisme, c’est une affection qui veut le bien de celui qu’il aime, qui entre dans son mystère pour le réhabiliter à ses propres yeux et par l’amour, le transfigurer.
Une autre manière d’étudier comment Jésus était plein d’amour pour tous et comment il récoltait l’amour, c’est de lire les paraboles dans cet esprit. Par exemple, le pauvre Lazare et le mauvais riche. Jésus n’a que des mots de bonté, de compassion, de tendresse pour le pauvre Lazare, comme Il devait se comporter envers le petit peuple. Mais pour le riche, Jésus n’a que froideur. L’obole de la pauvre veuve : Jésus, en voyant une pauvre personne donner une petite obole s’émeut et en fait une leçon à ses apôtres. C’est beau d’être Jésus et de l’avoir remarqué.
On ne peut tout citer des commentaires très vivants que notre Père nous a faits de l’Évangile, tant dans ses homélies tout au long de l’année que dans ses retraites de Semaine sainte ou de communauté. Citons tout de même ce sermon inattendu sur l’Évangile de la résurrection du fils de la veuve de Naïm, péricope bien courte racontée par saint Luc, mais que notre Père pénètre à l’intime, par un coup du cœur :
Quand Jésus voit passer le cortège d’enterrement de cette veuve portant son fils unique en terre, il a vu d’avance la Vierge Marie conduisant, dans quelques mois, le Corps de son Fils Unique. En voyant pleurer cette femme, Il a vu pleurer sa Mère. C’est insupportable, il faut faire quelque chose ! Il suspend la tragédie. Saint Luc raconte : « À sa vue, le Seigneur eut pitié d’elle et lui dit : “ Cesse de pleurer ”. Puis, s’approchant, Il toucha le cercueil et les porteurs s’arrêtèrent. Alors, Il dit : “ Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ! (...) ” » Jésus rend la vie à l’enfant et l’enfant à sa mère. Ainsi ressuscitera-t-Il et promettra-t-Il à l’humanité la vie éternelle. Et Il nous confiera à la Vierge Marie au pied de la Croix, en la personne de saint Jean qui nous représente tous : « Femme, voici ton fils ! »
Jésus-homme paraît d’une grande convivialité, mais en Lui, c’est Dieu qui se révèle dans ces événements de la vie quotidienne. En le voyant, on voit le Père. Il nous fait entrer dans le mystère de Dieu, car Il est Lui-même tout absorbé dans sa nature, son mystère le plus profond qui est d’être le Fils du Père.
En lisant l’Évangile ainsi, on comprend que Jésus, c’est l’Amour, Jesus Caritas comme écrivait le Père de Foucauld en dessinant un Sacré-Cœur... surmonté de la Croix.