La circumincessante charité

Le Cœur et la Croix de Jésus

IV. Jésus Crucifié, notre Rédempteur

JÉSUS manifeste son Cœur, mais ce Cœur Sacré est surmonté de la Croix. C’est par son sacrifice rédempteur sur la Croix, déjà annoncé dans l’Ancien Testament, qu’Il sauve l’humanité de l’enfer, nous rachète et nous rouvre le Ciel.

Christ crucifiéL’abbé de Nantes veut nous aider à entrer dans le Sacré-Cœur de Jésus comme dans le Cœur Immaculé de Marie : il nous les présente comme deux petites entrées, deux portes successives qui nous mènent au plein cœur de la vie trinitaire. Or, dans le Cœur de Jésus, la Croix est plantée et la Vierge Marie est hostie sainte, victime par amour de Jésus. C’est le beau symbole des deux Cœurs dont l’un est surmonté de la Croix : c’est le Cœur de Jésus transpercé par la lance, qui donne tout son Sang dans d’horribles souffrances et c’est le Cœur de la Vierge Marie surmonté d’une hostie car Elle se tient là, très unie au Cœur de Jésus, “ une seule hostie avec le Christ, un seul Cœur ” qui offre tout cela dans un sacrifice d’action de grâces, un sacrifice d’intercession, par amour pour son Fils.

C’est bien la nouvelle et éternelle Alliance dans le Sacrifice de la Croix. O Crux, ave, spes unica, nous fait dire la liturgie. La place de la Croix est centrale : « Ô Croix, je Vous aime comme notre unique espérance ». Si nous n’avons pas l’amour de la Croix, l’amour de notre Sauveur, nous ne sommes pas chrétiens ! La Croix est partout ; aujourd’hui on la supprime partout, car on ne veut plus être chrétien, c’est une apostasie. Redisons avec la sainte Église : « Nous vous adorons, Seigneur Jésus et nous Vous bénissons, parce que Vous nous avez rachetés par Votre sainte Croix ! »

Jésus, le Serviteur souffrant.

Pour pénétrer dans le Sacré-Cœur de Jésus, deux voies se présentent : méditer les paroles, les miracles, les faits évangéliques, toute la course terrestre de Jésus pour nous convaincre qu’Il est un Cœur admirable, dévoué, magnifique, plein de miséricorde.

L’autre voie est d’aller chercher dans l’Ancien Testament tout ce qui préfigure Jésus. Au contraire d’Adam, Jésus a obéi à toutes les volontés de son Père. Il n’avait qu’à ouvrir la Bible où était inscrite toute sa destinée. En se soumettant aux volontés de son Père, Jésus a tenu le rôle que son Père a voulu pour Lui. Il s’est plu à accomplir ce que les prophètes avaient annoncé de Lui (cf psaume 21). Et toutes ces figures de l’Ancien Testament concernant Jésus notre Sauveur donnent de l’épaisseur aux événements racontés dans l’Évangile et nous aident à mieux entrer dans le mystère de la Rédemption. Par exemple, connaître les épreuves du roi David fuyant devant son fils Absalon nous aide à suivre Jésus, fils de David, passant comme lui la vallée du Cédron pour y connaître son agonie, les humiliations de sa Passion. C’est le propre de notre Père d’avoir mis en relief ces figuratifs de l’Ancien Testament avec les personnages du Nouveau Testament, ce qui en enrichit tellement notre connaissance savoureuse. De plus, quelle preuve apologétique extraordinaire de constater dans la vie de Jésus l’accomplissement d’oracles prononcés des milliers d’années auparavant ! C’est vraiment Dieu qui préside à toute cette révélation qui court à travers plusieurs millénaires. Il n’y a pas d’autre religion qui tienne. Bornons-nous, ici, à quelques figures du Messie souffrant.

Le livre de la Sagesse.

Écrit peu avant Jésus-Christ, ce livre est une des fleurs de l’Ancien Testament. Jésus-Christ sera la Sagesse Incarnée. Or, qu’arrive-t-il à un homme sage ? Il devient l’objet des persécutions des méchants pour lesquels il est un vivant reproche. « Opprimons le juste qui est pauvre. » Sg 2, 10-12. Les impies se retournent contre le juste pour le traquer « puisqu’il les gêne » : c’est Jésus se dressant contre les pharisiens qui complotent sa mort. « Il se flatte de posséder la connaissance de Dieu et se nomme lui-même fils du Seigneur. Il proclame heureux le sort final des justes et se vante d’avoir Dieu pour Père. » Sg 2, 13. C’est écrit exprès pour Jésus, cent ans avant !

Les poèmes du Serviteur,
dans Isaïe.

Jésus avait reçu de son Père un vade mecum personnel où était écrit tout ce qu’Il devait faire, tout le programme de sa vie cachée, de sa vie publique, de sa Passion et de sa mort. Ce sont les prophéties d’Isaïe dans les quatre poèmes de l’Inconnu de l’Exil, intitulés Les chants du serviteur de Yawheh. C’est un texte unique dans la Bible, qui annonce le mystère du sacrifice expiatoire de Jésus-Christ pour toute l’humanité. L’Évangile est comme la copie de ce texte qui est un modèle. Jésus l’a mis en œuvre, finalement. La sainteté de sa vie y est annoncée ainsi que ses souffrances considérées comme un rachat, une rédemption suivie d’une résurrection. On y voit Jésus comme photographié. Ces chants sont parallèles au Saint Suaire qui nous montre toutes les marques des souffrances de Jésus. Il faut lire ce texte vénérable !

Premier chant (Is 42, 1)

« Voici mon serviteur que je soutiens... J’ai mis sur lui mon esprit... »

C’est un portrait de la douceur de Jésus apportant vérité, lumière, salut à tous les peuples.

Versets 6 et 7 « Moi Yaweh, je t’ai appelé dans la justice, je t’ai pris par la main et je t’ai formé, je t’ai désigné comme alliance du peuple et lumière des nations (...) pour ouvrir les yeux des aveugles » : Jésus sera un thaumaturge. Souvenons-nous qu’Il guérira l’aveugle-né.

Deuxième chant (Is 49, 1-9)

« Yahweh m’a appelé dès le ventre de ma mère, dès le sein, Il a prononcé mon nom » : Jésus est objet de prédestination, dès le sein de sa Mère.

« Il a fait de ma bouche une épée tranchante » : Jésus est un combattant, un athlète dans les controverses avec les pharisiens.

Mais au verset 7, il est annoncé que Jésus devait passer par l’humiliation et l’épreuve : « Ainsi parle Yahweh, le Rédempteur et le Saint d’Israël, à celui dont la vie est méprisée et qu’abominent les nations. » Ce titre de Rédempteur signifie “ celui qui paye rançon pour un prisonnier ”. À qui Dieu va-t-Il payer rançon ? Dieu va racheter son peuple au moyen d’une sanction qui va retomber sur quelqu’un : conservons la richesse de ces paroles qui sont des pierres précieuses. C’est Jésus qui va prendre sur Lui notre châtiment !

Troisième chant (Is 50, 4)

C’est l’annonce de la Passion. « J’ai tendu le dos à ceux qui me frappaient » (v. 6) : c’est la flagellation, « les joues à ceux qui m’arrachaient la barbe, je n’ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats » : nous voyons les traces de ces coups sur le Saint Suaire.

Quatrième chant (Is 52, 13 – 53, 1-11)

Ce poème est d’une richesse incomparable, unique !

En dehors de la Vierge Marie, aucune personne ne s’est élevée à une telle compréhension de la Passion que Jésus devait souffrir pour sauver les hommes. C’est tout le mystère de Jésus, exposé en deux pages. Jésus Lui-même s’est servi de ces paroles pour exprimer sa vocation. C’est tout notre traité de la Rédemption et la photo du Saint Suaire 2000 ans après confirme ce qui avait été prophétisé 500ans avant Jésus : « Il n’avait plus figure humaine... Objet de mépris et rebut de l’humanité, homme de douleur et connu de la souffrance... Il a été transpercé à cause de nos péchés, écrasé à cause de nos crimes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui et c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris. » Jésus expie pour nous, car c’est Adam et Ève et leur descendance qui méritaient le châtiment ! Jésus souffre pour nous. Et par Lui, nous sommes guéris.

C’est vraiment un poème prophétique vérifié mot à mot dans l’Évangile. Jésus s’est tu pendant sa Passion. « Jesus autem tacebat », nous dit l’évangéliste. Et Isaïe, verset 7 : « Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche. » Jésus n’a eu aucun avocat pendant son procès et Il a été enseveli dans un tombeau neuf « avec les riches » versets 8 et 9.

Le verset 10 contient les paroles les plus impressionnantes de l’Ancien Testament : en hébreu « im-tashim acham » « s’il offre sa vie en expiation, il verra une postérité, il prolongera ses jours et ce qui plaît à Yahweh s’accomplira par Lui » : c’est le sacrifice d’une victime en holocauste pour un lépreux qui est prescrit dans le Lévitique (5, 14 ; 14, 32). Pour la lèpre du monde, Jésus doit poser un sacrifice : c’est sa propre vie en expiation du crime d’Adam, pour la multitude, suppléant à son impuissance. Peu de textes de l’Ancien Testament parlent ainsi de rachat suivi de résurrection, sauf ici : S’il consent, ce malheureux innocent, à poser sa vie en expiation pour les pécheurs, alors, il connaîtra une postérité nombreuse, c’est magnifique ! C’est le Cœur de Jésus tout entier révélé ! C’est le mystère de la souffrance rédemptrice.

Le psaume 21

Il faut parler du psaume 21, le psaume le plus clairement et directement messianique du psautier, au point que ce qui est prophétisé là ne visait que Jésus et n’a convenu qu’à Lui. On peut l’appeler un cinquième récit de la Passion, comme un cinquième Évangile.

Disons tout d’abord que c’est le psaume que Jésus a entonné sur la Croix : Il en a prononcé le premier verset : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné » pour indiquer à la Vierge Marie, à saint Jean et aux saintes femmes qui se tenaient tout près de la croix, quelle était sa prière et comment prier avec Lui.

La première partie du psaume (v. 1 à 22) est une description des souffrances du Messie qui fait monter vers Dieu « la clameur de ses cris angoissés » (et non “ la voix de ses péchés ”, comme dit une mauvaise traduction). C’est un innocent qui souffre et que Dieu livre à ses bourreaux. Pourtant, il a avec Dieu des rapports très spéciaux ; il le proclame : « Dès le sein de ma mère, vous êtes mon Père. »

Cependant, le psalmiste inspiré prophétise que Dieu semble le traiter plus durement que tous. Versets 6 à 8 : « Mais moi, je suis un ver et non un homme, l’opprobre des hommes et le rebut du peuple. Tous ceux qui me voient se moquent de moi ; ils ouvrent les lèvres et branlent la tête en disant : “ Il a mis sa confiance dans le Seigneur, qu’Il le sauve puisqu’Il l’aime. ” » Et nous lisons dans saint Marc (15, 29) : « Ceux qui passaient insultaient Jésus en branlant la tête » et dans saint Matthieu (27, 41) : « Les grands prêtres aussi disaient en se moquant, avec les scribes et les anciens (...) Il a mis sa confiance en Dieu ; qu’Il le sauve maintenant, s’Il tient à Lui ; car Il a dit : je suis le Fils de Dieu. »

Jésus crucifié sera entouré d’ennemis comme de bêtes sauvages ainsi qu’il est dit au verset 12 du psaume : « Autour de moi sont des taureaux nombreux ».

Verset 14 : « Je suis comme l’eau qui s’écoule » et saint Luc dit : « Étant entré en agonie, Il priait de façon plus instante et sa sueur devint comme des grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. »

Verset 15 : « Ma gorge s’est desséchée comme un tesson d’argile et ma langue s’attache à mon palais. » Sur la Croix, Jésus dit : « J’ai soif ! »

Verset 18 : « Ils ont percé mes pieds et mes mains. Une à une, je compte mes blessures. » Cette parole du psaume s’est réalisée à la lettre. Jésus a été cloué à la Croix. Les plaies sont visibles sur le Saint Suaire. Toutes les blessures dues à la flagellation, au couronnement d’épines et aux autres tourments subis au long de sa Passion s’y voient aussi, innombrables !

Verset 19 : « Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. » Dans la Passion, s’est produite la même chose : « Ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort. » Mt 27, 35 b.

Jusqu’à la fin, le malheureux garde confiance en Dieu :

Verset 20 : « Mais Vous, Yahweh, ne soyez pas loin, ô ma force, vite à mon aide ! » Le Christ a souffert l’épreuve jusqu’à la mort, toujours fidèle à son Père. « Père, je remets mon esprit entre tes mains. » Lc 23, 46 a.

Alors, tout se redresse. La deuxième partie du psaume chante la victoire et l’action de grâces du Christ ressuscité : verset 23 « J’annoncerai à mes frères votre salut. En pleine assemblée, je vous louerai. » Jésus est ressuscité et Il va conquérir le monde. Il convoque la grande assemblée pour raconter les merveilles que Dieu a faites pour Lui. On fera un banquet d’action de grâces, c’est le banquet eucharistique.

Verset 28 : « Les pauvres mangeront et seront rassasiés ; ceux qui cherchent le Seigneur chanteront ses louanges ; leur âme vivra éternellement. » C’est l’extension de l’Église à toute la terre qui est annoncée à la fin du psaume : « Toutes les familles de la terre se prosterneront devant Lui (...) Devant Lui seul se prosterneront tous les puissants de la terre. » C’est la gloire du Christ qui par sa mort et sa résurrection a opéré la rédemption du monde.

La dévotion au Sacré-Cœur.

Jésus est l’Agneau de Dieu qui, par son sacrifice a donné la vie éternelle à une multitude innombrable de frères. Et donc, la dévotion au Cœur de Jésus découle du Calvaire. À ce Cœur qui nous a tant aimés, nous voulons rendre amour pour amour. Cette dévotion se fait pleine de reconnaissance mais en même temps, pleine de tendresse. Nous savons qu’en L’aimant, nous répondons à son désir d’être aimé, désir qu’Il a tellement clamé auprès des saints.

Et comme notre Père est un fervent admirateur de saint Jean de la Croix,particulièrement dans ses poèmes, il nous fait savourer l’un d’eux, Le Pastoureau, comme une évocation extrêmement touchante de l’amour infini du Sacré-Cœur. En cinq strophes, c’est toute la vie de Jésus qui nous est donnée à méditer avec ce refrain qui termine chaque strophe : « Le Cœur d’amour tout navré. » À Bethléem, à Nazareth, durant sa vie publique et durant sa Passion, enfin au Mont Calvaire, on voit Jésus, ce Pastoureau esseulé, s’en aller dans la plaine avec ses moutons mais sans aucune liesse car Il pense sans cesse à sa pastourelle qu’Il aime et qui L’oublie.

Il ne pleure pas que l’amour l’ait blessé
D’être ainsi dolent, là n’est pas sa douleur
Bien que sa douleur lui poigne le cœur.
Mais Il pleure en pensant qu’Il est oublié.

Alors que va-t-Il faire ? Se venger, l’abandonner ? Jamais de la vie ! Il lui pardonne, se laisse même outrager par elle qui le maltraite, tellement Il a compassion de son malheur à elle.

Puis, longtemps après, lentement Il monta
sur un arbre où Il étendit ses beaux bras
Et Il mourut, par eux toujours attaché
Le Cœur d’amour tout navré.

Mort d’amour sur la Croix pour sauver les pécheurs, en essayant de toucher leurs cœurs par cette ostension de son Cœur ouvert, transpercé, les bras étendus pour être jusqu’à la fin du monde un appel, un signe de miséricorde.