Per fidem
Conclusion générale
GRÂCE à un texte tiré de l’Épître aux Éphésiens, la doctrine du Chemin de la Perfection que nous venons de parcourir va se trouver encore plus fondée et lumineuse, nous éclairant nous-même dans les moments que nous vivons.
« Que le Christ habite en vos cœurs par la foi, de sorte que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour... » (Éphésiens, 3, 17)
Chacun, à un moment de sa vie passe par des épreuves où seule la Foi est cette flamme qui le dirige vers son but, le sanctuaire où Dieu l’attend. Comment mieux comprendre ce qu’est cette Nuit Obscure de la Foi ?
« Christus habitat per fidem in cordibus vestris. »
Saint Paul console les chrétiens, ses enfants, des persécutions qu’il endure, pour eux : « elles sont votre gloire ». Cette souffrance est un travail à la gloire de ses fils afin qu’ils ne se laissent pas abattre, mais découvrent l’amour de Jésus.
« Dehors, les combats ; à l’intérieur, la crainte ». Voilà le double combat du chrétien, mais en tenant bon saint Paul témoigne de la Foi qu’il transmet à ses enfants. C’est cette vie d’épreuves qui illustre sa Foi. D’où sa prière : « Que Jésus habite en vos cœurs par la Foi ». « Per fidem ».
Quelle est donc cette habitation du Christ en nous par la Foi ?
Selon saint Paul, le mystère de Jésus-Christ atteint et pénètre le chrétien. Cette âme, avant sa conversion, vivait dans le monde d’une vie naturelle et mondaine, aveugle sur sa destinée, sans paternité divine, sans vraie charité, ainsi livrée au combat de la vie. Voici qu’elle découvre un autre monde au-delà des apparences : c’est le mystère du Christ, l’amour divin. Révélation qui transcende tout le reste et repousse la vie mondaine à l’arrière plan. Ainsi, nature, plaisirs, activités, épanouissement, tout cela est repoussé par une volonté supérieure de renoncement qui contrarie la vie naturelle ; une autre vie lui est proposée, l’appel à la sainteté ici-bas et la Gloire dans l’autre monde. Transformation inouïe ! Oui... Mais c’est de nuit ! Per fidem.
C’est-à-dire que cela ne se constate pas par les sens et bientôt, le doute survient, car, ne voyant pas, serai-je l’objet d’une imagination ? Alors seule la voix du Père spirituel affirme. La Foi n’entre que par l’audition (« ex auditu ») même si je ne vois rien. J’y crois parce que mon père me le dit. Tout mon bonheur et mon salut est de croire, de m’attacher au Christ et de ne plus Le lâcher. C’est le Père qui nous le donne, par le Saint-Esprit. Croire est une volonté jaillie du cœur. C’est l’amour de notre cœur qui engendre la Foi. Ce n’est pas un « devoir ». Je crois parce que j’aime ; c’est une grâce de Dieu. C’est dans cet amour que je trouve la force de croire ce que mon Père, c’est-à-dire l’Église, me dit de la part de Dieu.
Puis saint Paul ajoute une autre vérité essentielle : « Qu’il daigne vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur... » Nous sommes engagés dans une grande guerre, un drame, un mystère de mort et de résurrection. C’est un feu consumant qui devient une obligation de perfection avec sa loi et ses commandements. « Tu croyais être ton propre maître et construire ta vie ? Il va falloir te renoncer pour une conversion tragique et douloureuse, une mise à mort de l’être naturel. Ici, l’âme est contrainte d’avancer ou de reculer. C’est ce qui est terrible dans la vie du prêtre qui voit arriver son retraitant à qui il doit prêcher dans toute sa radicalité ce choix entre la Vie ou la damnation. Va-t-il se sauver ou se damner ? Ce Dieu qui t’aime n’est pas bonasse, Il veut ta perfection. Il y faut un miracle, et il y aura miracle parce que l’amour du Christ est certain et « il surpasse toute connaissance ». C’est le Cœur de Jésus qui fera le miracle nécessaire en opérant en nous et non sans nous, selon sa puissance, c’est-à-dire que sa grâce va transformer notre cœur qui dira un « oui » décidé, héroïque, miraculeux, alors que tout annonçait le « non ». La chair tremble et céderait, mais l’esprit d’amour résiste... pensons à tant de martyrs, à sainte Blandine, par exemple : « plutôt mourir qu’être souillée. » C’est une lutte contre l’enfer, mais ensuite, les anges s’approchent, et l’âme, cachée dans le sein du Père qui l’a sauvée, goûte quelque repos. Combien d’âmes « médiocres » ou qui se croyaient telles, ont été transformées par l’amour du Christ qui les a saisies. Cela dépasse nos demandes et nos rêves, nous dit saint Paul.
Au terme de cette retraite où saint Jean de la Croix nous a menés si haut, si haut, beaucoup vont se dire : « ça n’est pas pour moi ! » Et pourtant, il suffit de vouloir dans l’amour et croire, car c’est dans la Foi que nous recevons révélation de notre vocation. C’est une certitude au-delà des évidences naturelles. J’entre dans ce mystère et je ne reculerai plus jusqu’à la mort. Mais dans la vie quotidienne, comment avancer ? Par la force que Dieu donnera à notre amour et que je ne sentirai pas. Demain, le combat reprend et l’âme est là qui ne se connaît que faiblesse en face d’un ennemi tellement plus puissant que ses résolutions, et voici le démon qui trouble tout après le passage du Père spirituel. Il n’y a que la Foi qui libère, grâce à l’inhabitation du Saint-Esprit d’où jaillit cette Foi. Croire et tenir ne font qu’un. « Et nous, nous avons cru à l’Amour », dit saint Jean, « credidimus ! » Croire, c’est entrer dans le mystère de Jésus et s’y tenir quotidiennement. Tant que je tiens, je crois, ça n’est pas sentir ni aimer, mais c’est CROIRE que Jésus m’aime et que j’aime Jésus. Credidimus ! Demain, la vie continue mais il faut croire et tenir.
Abbé Georges de Nantes
S 4 : Saint Jean de la Croix, retraite automne 1966