LE GOUVERNEMENT DE VICHY
IV. L'Église et la Révolution nationale
LE 14 juillet 1940, rompant avec le laïcisme de règle sous la Troisième République, le maréchal Pétain emmena son gouvernement et le corps diplomatique à l'église Saint-Louis de Vichy, pour assister à la messe. À la consécration, le chef de l'État français s'agenouilla. Baudouin, son ministre des Affaires étrangères, note : « Il y a longtemps qu'un chef de l'État ne s'était pas mis dans cette posture. »
Un mois plus tard, le 15 août, la procession du Vœu de Louis XIII, interdite depuis 1900, parcourait les rues de la capitale provisoire de l'État français. (...)
Le malheur étant venu, le Maréchal voulait rendre à la religion toute sa place dans la société. Le dimanche 2 mars 1941, au Puy, il renouait avec la tradition immémoriale qui fait un devoir aux souverains de monter rendre hommage à la Reine de France en sa cathédrale. Une foule en liesse l'y accompagnait. (...)
Mgr Martin concluait son homélie par ces mots : « Comme Charles VII, vous êtes venu aux jours de peine. Après Jeanne et la prière maternelle [d'Isabelle Romée], il revint en des jours meilleurs. Ah ! puisse votre histoire et la nôtre ressembler à celle de Charles VII, le sauveur de l'unité française, jusqu'au bout ! »
À Lourdes, le dimanche 20 avril 1941, en présence d'une foule de pèlerins, Mgr Choquet accueillait le Maréchal en lui disant que Notre-Dame de Lourdes « le recevait chez elle ». Le 10 février précédent en effet, le domaine de la grotte avait été rétrocédé par l'État à l'Association diocésaine de Tarbes et Lourdes. (...)
On pourrait multiplier les exemples de manifestation publique de la foi du Maréchal et des marques de sa bienveillance envers l'Église. (...) Cette rupture délibérée avec le laïcisme de la Troisième République se concrétisait aussi dans la législation.
ROMPRE AVEC LE LAÏCISME
S'entretenant avec le cardinal archevêque de Lyon de la future loi fondamentale de la France, le chef de l'État déclarait : « Je puis vous donner l'assurance que la Constitution sera conçue dans un esprit véritablement chrétien. (...) »
La France, délivrée des institutions républicaines, était enfin libre de rendre un culte public à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à sa divine Mère.
Les lois anticléricales du début du siècle avaient interdit d'apposer des signes et des emblèmes religieux dans les lieux publics : mairies, écoles, hôpitaux. Rien de nouveau sous le soleil... Sous la Révolution nationale, des élus locaux, encouragés par l'exemple du Maréchal, prirent l'initiative de les y réinstaller. Ces initiatives ayant suscité quelques polémiques, deux circulaires du ministère de l'Intérieur, les 15 et 18 juillet 1941, posèrent en principe que, sur décision du conseil municipal, des emblèmes religieux pouvaient être placés dans les écoles ou dans les mairies. (...)
On comprend que, dans un climat si bienveillant, l'épiscopat français ait accordé dès le début un large soutien au maréchal Pétain.
UN CHEF PROVIDENTIEL
Dans la débâcle de mai-juin 1940, alors que l'administration civile se débandait à l'approche de l'ennemi, le clergé resta à son poste, protégeant les populations et organisant les secours, sous la conduite des évêques, véritables “ défenseurs de la Cité ”.
Ceux-ci se devaient aussi de prêcher la vérité à leurs ouailles, en leur indiquant les voies du salut. Ainsi l'évêque de Grenoble, Mgr Caillot, fut l'un des premiers à saluer l'arrivée au pouvoir du Maréchal. Du haut de la chaire, il s'écriait, le dimanche 23 juin :
« Voici que Dieu nous prend en pitié, en nous donnant à l'heure suprême l'homme providentiel qu'est le maréchal Pétain. »
Dans les semaines et les mois qui suivirent, toutes les voix épiscopales s'élevèrent, les unes après les autres, pour saluer l'avènement pacifique de ce chef humain, chrétien, sûr de sa légitimité, tout appliqué à atténuer le malheur de la Patrie et à relever ses ruines. (…) Pas un sermon ne fut prononcé, pas un mandement ne fut publié sans que les Pasteurs, tirant la leçon des tragiques événements, appellent à l'union et au sursaut national autour du chef providentiel. (...)
PÉTAIN, C'EST LA FRANCE !
Le premier à accueillir le chef de l'État en sa cathédrale, fut l'évêque de Clermont-Ferrand, Mgr Piguet, à l'occasion de la cérémonie aux morts du 11 novembre 1940. Comme plus de la moitié de ses collègues, Mgr Piguet était un ancien combattant de la Grande Guerre. C'est donc à son ancien chef qu'il s'adressait :
« Nous demandons à Dieu, monsieur le Maréchal, de bénir votre personne vénérée et respectueusement aimée, et de lui permettre de mener à bien son œuvre courageuse et magnifique de renouveau, pour le bonheur de la France, dotée une fois de plus par la Providence, au milieu de ses infortunes, de l'homme capable d'atténuer son malheur, de reconstruire ses ruines, de préparer l'avenir. »
Huit jours plus tard, le 19 novembre, c'était au tour du cardinal Gerlier d'accueillir le Maréchal à Lyon. (...) Le Primat des Gaulles improvisa ces mots :
« (...) Avez-vous remarqué, monsieur le Maréchal, que les appels vibrants de la foule, d'abord multiples, se sont fondus bientôt en deux seuls cris : “ Vive Pétain ! ” “ Vive la France !” Deux cris ? Mais non : ils n'en font plus qu'un seul. Car Pétain c'est la France, et la France aujourd'hui, c'est Pétain ! Pour relever la patrie blessée, toute la France, monsieur le Maréchal, est derrière vous. » (...)
L'HÉRITAGE EMPOISONNÉ
La hiérarchie catholique voulut tempérer cet enthousiasme. Le 15 janvier 1941, les cardinaux et archevêques de la zone occupée se réunissaient à Paris afin de préciser leur ligne de conduite dans une lettre au pape Pie XII :
« Absolument décidés à nous tenir sur le plan religieux, nous entendons éviter tout agissement politique ou partisan et rester uniquement appliqués au bien spirituel des âmes et au soulagement des infortunes ; nous professons dans le domaine social et civique un loyalisme complet envers le pouvoir établi du gouvernement de la France ; nous demandons à nos fidèles d'entretenir cet esprit. (...) »
Toutes choses excellentes en soi, mais pourquoi avoir émis cette réserve touchant l'engagement “ politique ” ou “ partisan ” – ce n'est pas la même chose, sauf en démocratie ! – et surtout pourquoi parler seulement de “ pouvoir établi ”, ce qui est faible, alors qu'au même moment, les évêques, dans leur diocèse respectif, reconnaissaient la pleine “ légitimité ” du pouvoir du maréchal Pétain ?
Il faut, pour comprendre leur mentalité, se rappeler les consignes données avant-guerre aux évêques français « de ne jamais faire de politique ». Leur jeunesse cléricale avait été certes marquée par les affrontements avec la République et l'inique séparation de l'Église et de l'État en 1905, mais la condamnation de l'Action française en 1926, renouvelant le ralliement à la République de Léon XIII, les avait détournés à jamais du combat politique, pour les enrôler dans le grandiose projet théodémocratique du Pape.
« L'Action catholique de Pie XI, explique l'abbé de Nantes, supposait d'abord l'acquiescement cordial donné aux institutions démocratiques, laïques et même maçonniques. (...) Les institutions politiques n'étaient plus nécessaires au “ Pape des temps modernes ”. (...) »
Après 1926, on vit l'Action catholique commencer à former une hiérarchie parallèle, et sous couvert d'empêcher ses membres de militer sur le terrain de la (bonne) politique, en imposer une mauvaise : pacifiste, neutraliste, républicain et germanophile... tandis que les intellectuels, Maritain, Mauriac, Mounier, Bidault et consorts soutenaient résolument le Front populaire en France et les Brigades internationales en Espagne. Les évêques laissaient faire, par indifférentisme politique ! soucieux avant tout de favoriser leur Action catholique, devenue la prunelle de leurs yeux. En 1940, ils en étaient toujours là. (...)
LES DIRECTIVES DU NONCE
« Le nonce apostolique, Mgr Valerio Valeri, entretenait avec le maréchal Pétain et son entourage les meilleures relations personnelles, mais sa conviction profonde était que l'Église devait éviter de trop se compromettre avec ce régime qui n'était pas assuré de la durée. (...) » (J. Duquesne, p. 49)
Mgr Valerio Valeri se conformait aux directives de Pie XII et de quelques hauts prélats de la Curie : Mgr Maglione, secrétaire d'État, ancien nonce à Paris, et Mgr Montini, substitut. De plus, il existait à Rome un clan de Français, autour du cardinal Tisserant, très hostile au Maréchal. (...)
Une telle indifférence doublée d'une telle ingratitude laisse pantois. Comme si rien n'avait changé en 1940 ! (...) Il suffit de se pencher avec un peu d'attention sur ces années de “ Rénovation nationale ”, pour découvrir qu'il y eut alors en France un véritable renouveau de la vie catholique et apostolique, que le gouvernement du Maréchal soutint amplement, avant qu'un mauvais esprit ne le gâte et que la Révolution de 1944 ne le coupe brutalement de ses sources traditionnelles, au risque de le voir dépérir. (...)
LE NOUVEAU STATUT DES CONGRÉGATIONS
Entre les deux guerres, l'État républicain s'était avéré incapable de revenir sur les lois anticongrégationistes de 1901 et 1904, car le Parlement, en particulier le Sénat, gardien farouche des principes laïcs et républicains, s'y était toujours opposé. « La volonté réformatrice de Vichy, l'influence des catholiques dans les institutions et dans l'État, enfin, la suppression de la Chambre des députés et du Sénat offraient l'opportunité d'un nouveau statut des congrégations, qui ferait bénéficier 3 204 établissements des bienfaits du gouvernement de l'État français. » (Michèle Cointet, L'Église sous Vichy, 1998, p. 67)
La Grande Chartreuse entra la première par la brèche. Au mois de juin 1940, les Chartreux, exilés en Italie et obligés de repasser la frontière, (...) se faisaient ouvrir les portes du monastère.
Ce retour des fils de saint Bruno parut aux yeux de tous un signe de bénédiction, et nul ne s'étonna de voir paraître au Journal officiel, le 4 mars 1941, une loi portant reconnaissance légale, en France, de l'ordre des Chartreux. (...)
Le maréchal Pétain et ses ministres voulurent davantage en faveur des religieux : établir une loi générale qui reconnaîtrait l'existence légale de leurs congrégations. Cette loi fut promulguée le 14 avril 1942. (...)
L'ÉCOLE LIBRE ET LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE
Dès le 3 septembre 1940, les lois interdisant l'enseignement aux membres des congrégations religieuses, étaient abrogées. (...)
Au printemps suivant, le chef de l'État (...) accordait de larges subventions aux écoles catholiques. (...)
Le budget de 1942 accorda à l'École libre 386 millions de francs, et celui de 1943 471 millions. « C'est la première fois, remarquait l'évêque d'Angers, que l'État français aide les catholiques à assurer la subsistance de leurs propres écoles. »
Quant aux mouvements de jeunesse contrôlés par l'Église, ils regroupaient 2 560 000 membres sur un total de 5 200 000 en France, (...) et bénéficièrent aussi d'un soutien sans précédent. (...)
Il n'y aurait pas non plus de « Jeunesse unique », comme le réclamaient les collaborationnistes de Paris. Le Maréchal y tenait : « Notre jeunesse doit être nationale, comme notre État lui-même, mais il ne saurait être question de créer une jeunesse d'État. »
En écho, l'Assemblée des cardinaux et archevêques de France du 24 juillet 1941 lançait le mot d'ordre : « Jeunesse unie au service du Pays ? oui ; Jeunesse unique ? non ! » Là encore, il y avait concertation entre l'État français et l'Église catholique. (...)
Vichy s'occupa de promouvoir un théâtre de qualité, propre à développer le goût, à élever la pensée dans la « communion des fidèles ». Le Secrétariat général à la jeunesse subventionna l'association “ Jeune France ”, dont l'objectif était « d'unir les artistes au pays et de participer à une véritable renaissance de la civilisation française ». (...)
RÉVEIL DE LA CHARITÉ APOSTOLIQUE
« L'Église de France, libérée des soucis matériels par les bienfaits de l'État à l'égard de l'école et des mouvements de jeunesse, peut se consacrer à son œuvre sociale. La vocation sociale des catholiques français va enfin pouvoir s'épanouir », écrit Michèle Cointet (p. 278).
C'est un fait que, durant les quatre années de souffrance et de ferveur que connut alors la France, se produisit un réveil étonnant de la charité sous toutes ses formes : Secours national, Assistance sociale, Entraide familiale... Le salut vint souvent des sacrifices nés dans le malheur et des vocations généreuses qui s'y éveillèrent. (...)
L'Église faisait preuve d'une vitalité étonnante dans l'union étroite de tous ses membres. La division ne viendra qu'ensuite, à partir de 1944.
À l'appel du Maréchal, l'Église réelle, l'Église populaire répondit magnifiquement. Et l'Église officielle, l'Église des bureaux et ses hiérarchies parallèles ? « Elle se courba très bas, certes ! Mais aucune doctrine, aucun mysticisme, aucun apostolat, aucune force créatrice ne vint apporter à l'État nouveau le “ supplément d'âme ” qu'il requérait. » (CRC n° 106, p. 12) (...)
DU DÉSENGAGEMENT AU RENIEMENT
Une certaine désaffection pour le Maréchal commença à se faire sentir dans l'Église de France à partir de l'été 1941. Pour quelles hautes raisons ? Hélas ! c'est triste à dire, mais il semble que la principale raison ait été un refroidissement de l'opinion publique... Au lieu de la guider, la redresser et au besoin la réchauffer, plusieurs évêques préférèrent la suivre ou la flatter. Ainsi on note qu'au moment de l'invasion de la Syrie par les troupes anglo-gaullistes, seulement neuf archevêques ou évêques sur quatre-vingt-huit apportèrent un soutien franc et sans réserve à l'autorité du Maréchal.
SE GARDER DE TOUTE INFÉODATION...
Le cardinal Liénart, évêque de Lille, s'en excusait auprès de Du Moulin de Labarthète : « Les temps sont trop lourds pour que nous puissions engager notre troupeau (sic !) » Et, le 18 septembre 1941, le cardinal Suhard, archevêque de Paris, donnait comme consigne à ses prêtres réunis en retraite pastorale :
« Il ne s'agit pas de s'inféoder à un régime ni de se répandre en éloges démesurés sur les personnes ou sur leurs actes, mais purement de reconnaître, dans les dépositaires du pouvoir, l'Autorité. »
C'est alors qu'un sulpicien de Paris, M. Lesaunier, directeur au séminaire des carmes, publia un livret intitulé“ La conscience catholique en face du devoir civique actuel ”. C'était la réfutation de la thèse de René Cassin, conseiller juridique du général de Gaulle :
« Je reconnais sans réticence l'autorité et le gouvernement du maréchal Pétain, je ne suis ni gaulliste ni anglophile, je me soumets sans récriminer aux autorités occupantes : tout cela vous choque... Vous serez encore plus surpris quand je vous dirai que, chez moi, cette attitude est commandée par la plus pure doctrine catholique. Je devine votre trouble en m'entendant faire appel à la doctrine catholique en cette affaire. Eh oui ! mon cher ami, tous nos actes, quels qu'ils soient, sont soumis à la morale catholique, et il n'y a pas un seul instant de la vie du catholique qui puisse lui être soustrait : on ne peut agir d'un côté comme catholique et d'une autre côté comme citoyen ; on agit comme “ citoyen catholique ” ou comme “ citoyen non catholique ”. (...) »
En l'occurrence, un “ citoyen catholique ” devait obéir sans restriction au gouvernement légitime du maréchal Pétain et se garder de toute dissidence.
Les démocrates-chrétiens, qui relevaient la tête en cet automne 1941, dépêchèrent l'un d'entre eux, le Père Fessard, auprès de l'archevêque de Paris, dont les services avaient accordé l'imprimatur au livre de Lesaunier. Le cardinal Suhard chargea son visiteur de rédiger une étude contradictoire. Ce qui nous valut la théorie fumeuse du Prince-esclave, qui justifiera la rébellion et l'entrée en “ résistance ” des mouvements d'Action catholique : « Dans la mesure où il est Prince, c'est-à-dire qu'il défend l'être social de la nation et l'esprit de celle-ci, le gouvernement de Vichy dirige légitimement ; dans la mesure où il est Esclave et qu'il sacrifie l'esprit de la nation à une collaboration indigne, il devient illégitime. En conséquence, le peuple (!) devient le juge suprême de l'obéissance à accorder ou à retirer au Prince. »
La passion démocratique se réveillait, étouffant le beau souci de l'ordre et la soumission salutaire, empêchant d'adhérer au “ mystère ” du Maréchal.
...TOUT EN COUVRANT LES CONTESTATAIRES
Quand, en décembre 1941, Gaston Tessier et Marcel Poimbœuf, anciens dirigeants de la Confédération française des travailleurs chrétiens, contestèrent les principes de la nouvelle Charte du travail, il était visible qu'ils n'avaient pas pardonné à Vichy d'avoir dissous leurs centrales syndicales ! Mgr Saliège de Toulouse les encouragea et le cardinal Liénart se fit leur défenseur, au cours de l'Assemblée des cardinaux et archevêques du 23 décembre 1941, réclamant « que le droit de libre association soit sauvegardé ». (…)
Au moment où le gouvernement s'évertuait à créer un cadre nouveau et pacifique, corporatif, inspiré de la doctrine des catholiques sociaux, et que le peuple au travail dans les usines résistait silencieusement à l'occupant, les “ sociaux-chrétiens ”, eux, ne songeaient qu'à la liberté ouvrière et au soulèvement des masses !
Le cardinal Suhard, de son côté, se laissait séduire par l'abbé Godin, de la J.O.C., qui prétendait que la paroisse constituait un obstacle pour le prolétariat. (...)
Ces novateurs se mettaient à l'école des jésuites de Fourvière, à Lyon, et des dominicains du Saulchoir, à Paris. (...)
Quant à Emmanuel Mounier, un des chefs de file de la démocratie-chrétienne des années trente, il tenta dans un premier temps d'infiltrer les institutions de Vichy, (...) mais il rejoignit rapidement les rangs de la résistance qu'il devait parer de ses chimères personnalistes.
Ce qui fut détestable dans la conduite de ces contestataires, c'est qu'ils firent flèche de tout bois : les juifs, le S.T.O., pour assimiler le régime de Vichy à l'occupant nazi et justifier leur rébellion sous les meilleurs prétextes : « France, prends garde de perdre ton âme ! » (premier cahier de Témoignage chrétien).
COMMENT SAUVER LES JUIFS ?
L'Église de France n'a pas de repentance à faire pour son attitude vis-à-vis des juifs durant l'occupation. Elle n'a fait preuve ni de lâcheté, ni de complicité active avec les crimes nazis. Quand le gouvernement de Vichy publia sa première législation restrictive, le 3 octobre 1940, nul n'était en droit de lui reprocher cette révision du statut des juifs dans la société française. De même pour la loi du 2 juin 1941, plus sévère encore, dont Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives et bon catholique, voulut s'assurer qu'elle n'était pas en contradiction avec la doctrine de l'Église. (...)
La politique de Vichy, qui rencontrait un large assentiment dans l'opinion, n'était en rien inspiré par l'antisémitisme allemand. Aussi, quand les Allemands organisèrent des rafles de juifs durant l'été 1942, le Maréchal approuva, en confidence, les protestations publiques des évêques de la zone sud (Saliège, Théas, Gerlier, Delay), protestations que Radio-Londres tenta d'exploiter en parlant de « la révolte épiscopale contre le régime de Vichy ».
« Il semble, indique Jean-Louis Clément, que la hiérarchie catholique ait conçu la protestation contre les déportations comme un moyen d'aider le gouvernement français à résister aux exigences allemandes. Le primat des Gaules eut la confirmation de l'effet positif de ces interventions de la bouche même du Maréchal : “ Votre lettre m'a rendu un grand service. Je ne vous dis pas de publier ce que je vous dis là, mais vous pouvez le dire de bouche à oreille. ” »
Toutefois, ni Rome ni l'épiscopat français ne voulurent soutenir le Maréchal dans ce moment difficile. (...)
En août 1943, sous la pression des Allemands, Laval prépara un projet de loi qui aurait retiré la nationalité française aux juifs naturalisés depuis 1927, entraînant la déportation de cinquante mille juifs. Aidé de Mgr Chappoulie, le Maréchal réussit à s'y opposer.
En réalité, l'Église agit plus qu'elle ne parla, c'était plus efficace ! Les actes de charité se multiplièrent dans le secret des évêchés et des couvents. On ne compte plus le nombre d'évêques, de curés, de religieux et de religieuses, même parmi les plus attachés au Maréchal, qui cachèrent, secoururent et sauvèrent des juifs, surtout les enfants dont les parents étaient déportés.
En zone nord, l'action la plus notable vint de la Congrégation de Notre-Dame-de-Sion, qui recueillit 443 enfants et réussit à les placer dans différents diocèses de l'Ouest. (...)
L'HEURE DU PLUS GRAND DANGER
En novembre 1942, après l'occupation de la zone sud par les troupes allemandes, le maréchal Pétain décida héroïquement de rester à son poste, afin de remplir sa mission jusqu'au bout. C'est le moment que choisit le cardinal Suhard, qui jamais ne voulait donner d'avis “ politique ”, pour lui conseiller de renoncer à l'exercice de ses fonctions et de se constituer prisonnier ! Le 1er décembre, il notait : « S'abstenir de toute déclaration sensationnelle d'attachement.Éviter de compromettre l'Église en l'inféodant à un tel pouvoir. » Quand bien même ce pouvoir légitime serait en péril ?
Lors de sa visite ad limina, en janvier 1943, il fut conforté dans ses réserves par Pie XII. Le Pape lui dit son estime pour le Maréchal, mais aussi son souhait d'éviter « toute compromission ».
Au sein d'un épiscopat de plus en plus attentiste, quelques voix s'élevèrent. Mgr Du Bois de La Villerabel par exemple, qui tint à témoigner de sa sympathie ardente envers le Maréchal et dont le message fut publié le 21 novembre 1942 dans La Croix. (...)
LE S.T.O. OU LE MAQUIS
La loi instituant le Service du travail obligatoire fut promulguée par le gouvernement français, sous la pression de l'occupant, le 16 février 1943. Elle imposait à tous les jeunes français d'aller travailler en Allemagne.
Les responsables des mouvements catholiques se divisèrent sur l'attitude à prendre vis-à-vis de cette loi. Ceux de la J.O.C., préoccupés de l'encadrement et du soutien à apporter aux jeunes travailleurs réquisitionnés, y virent là une bonne occasion d'apostolat. (...)
En revanche, les intellectuels de l'A.C.J.F. et de la J.E.C., conseillés par des “ théologiens anonymes ”, prônèrent la désobéissance par objection de conscience. (...)
Et la hiérarchie ? Par ses prises de position successives, le cardinal Liénart alimenta la controverse, en mars 1943. Après avoir déclaré que « le devoir de charité peut inciter à partir », il affirmait la semaine suivante : « Je ne dis pas que ce soit un devoir de conscience d'accepter le Service obligatoire du travail. Il s'agit d'exigences qui dépassent la limite de nos justes obligations. On peut donc s'y dérober sans péché. » (...)
La lettre des cardinaux et archevêques de France n'apporta pas l'apaisement souhaité. Il faut dire que la question était complexe. Il appartenait à chaque évêque de la résoudre au mieux. Mgr Piguet sut trouver, une fois de plus, les mots qui convenaient. Dans son sermon du 28 mars 1943, jour de la consécration de son diocèse au Cœur Immaculé de Marie, il déclarait :
« Notre chère classe ouvrière a été la première atteinte par la réquisition. Aujourd'hui c'est l'ensemble du pays qui est lui-même appelé. Cette contrainte, au regard de la conscience chrétienne, ne saurait prendre par elle-même un caractère de devoir ; mais au regard de l'union sociale et nationale, se dérober constituerait une surcharge évidente pour le prochain. C'est dans cet esprit d'union qu'au jour venu, nous demandons aux étudiants et parmi eux, à nos chers séminaristes, de comprendre le rôle fraternel qu'ils ont à remplir auprès des jeunes gens de toutes conditions sociales avec qui ils auront à travailler. » (...)
Certes, la loi imposant le S. T. O. était injuste. Mais le gouvernement français pouvait seul évaluer la limite de la résistance aux sollicitations du vainqueur. En prendre prétexte pour se révolter contre lui était criminel. « On ne jette pas un peuple entier dans l'aventure, déclarait le Père Forestier, aumônier général des Chantiers de jeunesse. Je ne sais s'ils y ont réfléchi ceux qui préconisent la dissidence ou le maquis. Ce qu'ils mettent en cause, c'est la souveraineté de l'État. S'ils étaient suivis, ce serait le retour aux grandes compagnies, ce serait la substitution d'une puissance étrangère à notre administration. »
Toujours est-il que le refus du S.T.O. jeta de nombreux catholiques dans la clandestinité et la résistance armée (Armée secrète), et ce fut un mal pire que celui qu'on prétendait éviter. (...)
LES PRÉMICES D'UNE RÉVOLUTION
Un vent mauvais soufflait sur la France. Des flammèches s'allumaient ici et là de manière alarmante. On aurait aimé voir alors l'ensemble de l'épiscopat faire bloc autour du Maréchal, comme certains le comprenaient, tel Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc, qui déclarait dans sa lettre pastorale du 23 octobre 1943 : « Non, je ne renie pas ce que j'ai écrit en 1940 : j'en maintiens, au contraire, intégralement les termes. (...) »
Pendant ce temps, à Alger, le gouvernement provisoire de la République française, dirigé par de Gaulle, assisté des démocrates-chrétiens de Menthon et Teitgen, tenait à jour des listes d'ecclésiastiques à épurer et des évêques à “ bazarder ”.
C'est ainsi que l'abbé Sorel, curé de la Grâce-de-Dieu, fut abattu au revolver, le 20 décembre 1943, à la sortie de la cathédrale de Toulouse, où il venait de célébrer la messe. Membre du Conseil national, propagandiste de Radio-Toulouse, il était un conférencier redouté. À Périgueux, l'abbé Bonnet, chef local de la Légion, était assassiné le 15 mars 1944. C'étaient les premiers martyrs de la Révolution qui allait bientôt tout emporter, pire que celle de 1789. Nous vivons encore aujourd'hui sur son mensonge et ses crimes, comme nous le montrerons dans un prochain article.
Les hommes d'Église se rallièrent tous, ou presque, à l'Usurpateur et au Rebelle. Pas un n'osa s'élever publiquement contre l'inique condamnation du 15 août 1945. Cela rappelle le « Je ne connais pas cet homme. » Pourquoi ? Par manque d'imagination ou d'énergie, par lâcheté ou ignorance ? Non, par trahison pour les uns, plus démocrates que chrétiens, et pour l'immense majorité ,par péché de ralliement. (...)
frère Thomas de Notre-Dame du Perpétuel Secours
Extraits de Il est ressuscité ! n° 32, mars 2005, p. 23-34