13 juillet 1917 : troisième apparition

Le chagrin de Notre-Dame

LUCIE avait décidé qu’elle n’irait pas au rendez-  vous donné par Notre-Dame à la Cova da Iria, parce que M. le Curé avait dit que c’était peut-être le démon. François et Jacinthe avaient répondu à Lucie : « Comment peux-tu penser que c’est le démon ! On dit qu’il est très laid. Cette Dame est si belle ! »

Le 13 juillet 1917, après la terrifiante vision de l’Enfer, les visages des voyants expriment l’horreur.

Et puis on dit aussi que le démon est sous la terre. « N’as-tu pas vu Notre-Dame et Dieu dans cette lumière si grande. »

Eh bien ! le 13 juillet, Notre-Dame va répondre elle-même à Monsieur le Curé en montrant le démon aux enfants.

Et d’abord, le matin du vendredi 13 juillet, « quand approcha l’heure à laquelle je devais partir, rapporte Lucie, je me sentis soudainement poussée à y aller par une force étrange à laquelle il m’était très difficile de résister. Je me mis alors en chemin et je passai par la maison de mon oncle pour voir si Jacinthe était encore là. Je la trouvai dans sa chambre avec son frère François, à genoux au pied du lit et pleurant.

– Vous n’y allez pas ? ” demandai-je.

 Sans toi, nous n’osons pas y aller. Allons, viens !

 Eh bien ! j’y vais ”, leur répondis-je.

« Alors, le visage joyeux, ils partirent avec moi. »

Ils étaient si pressés de revoir Notre-Dame qu’ils se dirigèrent vers la Cova da Iria à toute vitesse, presque en courant. Ceux qui les accompagnaient les suppliaient d’aller moins vite.

À la Cova da Iria, ils trouvèrent une foule d’environ quatre mille personnes. La chaleur était torride, et l’on se protégeait du soleil avec des parapluies. « Lucie, un peu en avant, récitait le chapelet, raconte Manuel Marto, et tous répondaient à haute voix. Le chapelet terminé, Lucie se leva si rapidement qu’elle ne sembla pas agir d’elle-même. Elle se leva du côté du levant et s’écria : “ Fermez les parapluies ! Fermez les parapluies ! Notre-Dame arrive ! ” »

L’Apparition posa directement son regard sur ses trois confidents, particulièrement sur Lucie qui se trouva ravie, comme en extase. Alors Jacinthe intervint : « Allons Lucie, parle ! Ne vois-tu pas qu’elle est déjà là et qu’elle veut te parler ? »

Soudain, les voyants furent saisis d’effroi. « Lucie manifesta une vive émotion, rapporte Ti Marto. Elle devint livide, et nous l’entendîmes crier : “ Aïe, Notre-Dame ! Aïe, Notre-Dame ! ” »

Que s’était-il passé ?

Lucie avait demandé :

« Que veut de moi Votre Grâce ?

 Je veux que vous veniez ici le 13 du mois qui vient, que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours en l’honneur de Notre-Dame du Rosaire, pour obtenir la paix du monde et la fin de la guerre, parce qu’elle seule pourra vous secourir.

– Je voudrais vous demander de nous dire qui Vous êtes, et de faire un miracle afin que tous croient que Votre Grâce nous apparaît.

 Continuez à venir ici tous les mois. En octobre, je dirai qui je suis, ce que je veux, et je ferai un miracle que tous verront pour croire. »

Comme Lucie lui demandait plusieurs conversions et guérisons, Notre-Dame lui répondit qu’il était nécessaire de réciter le chapelet afin d’obtenir ces grâces dans l’année.

« Ensuite, écrit la voyante, afin de ranimer ma ferveur refroidie, Notre-Dame nous dit :

 Sacrifiez-vous pour les pécheurs, et dites souvent à Jésus, spécialement lorsque vous ferez un sacrifice :

 Ô Jésus, c’est pour votre amour, pour la conversion des pécheurs, et en réparation des péchés commis contre le Cœur Immaculé de Marie. 

« En disant ces dernières paroles, elle ouvrit de nouveau les mains, comme les deux derniers mois. Le reflet de la lumière parut pénétrer la terre et nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu nous voyions les démons et les âmes des damnés.

« Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri : Aïe ! que l’on dit avoir entendu de moi. Les démons se distinguaient des âmes des damnés par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme de noirs charbons embrasés.

« Ce que je dis ici de cette vision, ajoute sœur Lucie, n’en donne qu’une faible idée. »

Elle précisera au Père Umberto Pasquale : « Ce qui m’est resté le plus gravé dans l’esprit et le cœur, ce fut la tristesse de cette Dame lorsqu’elle nous montra l’enfer ! Si la vision de l’enfer avait duré un instant de plus, nous serions morts de peur et d’épouvante. Cependant, une chose m’a encore plus impressionnée, ce fut l’expression douloureuse du regard de Notre-Dame ! Si je vivais mille ans, je la conserverais toujours gravée dans mon cœur. »

François avait déjà remarqué, retenu, compris cette tristesse de Dieu. Dès les apparitions de mai et juin. Et il disait à Lucie pour la convaincre de venir au rendez-vous promis du 13 juillet : « Dieu est déjà si triste à cause de tant de péchés ! Si maintenant tu ne viens pas, il sera encore plus triste ! »

Bienheureux François ! La tristesse de Dieu fut en effet sa part, son chemin de perfection, ce qui impressionna le plus son âme si pure et si sensible dans la vision de Dieu et de sa lumière, le 13 mai. Sa courte vie ne connut d’autre ambition que de « consoler Dieu Notre-Seigneur si triste à cause de tant de péchés », c’est le testament qu’il laissa à Lucie, et ce serait son Ciel, il le voulait.

C’est l’héritage qu’il laisse à ceux qui veulent embrasser la dévotion au Cœur Immaculé de Marie.

Frère Bruno de Jésus-Marie