Il est ressuscité !

N° 257 – Juillet-Août

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Médiatrice universelle

TROIS fois par jour, nous méditons, nous évoquons le mystère de l’Annonciation : Angelus Domini nuntiavit Mariæ.

« L’ange annonça à Marie qu’elle porterait Dieu », écrit saint Irénée (Adversus hæreses, 5, 19, 1), pour mettre les points sur les “ i ” contre les gnostiques, en affirmant la naissance « véritable » de Jésus, Fils de Dieu, Dieu lui-même né d’une femme, du nom de Marie. Il n’y aurait pas de Rédemption si Jésus n’était pas né de Marie, une femme de notre race, de race humaine.

Jésus n’est pas une sorte d’esprit :

« Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis. »

Le Verbe incarné est vraiment homme, sans cesser d’être Dieu.

Le Christ né de la Vierge, de sa chair, est l’Emmanuel, annoncé par le prophète Isaïe, « Dieu avec nous ». Donc, l’ange annonça à Marie qu’elle porterait Dieu. C’est pourquoi saint Irénée attachait la plus grande importance à la virginité perpétuelle de Marie, c’est-à-dire avant, pendant et après la naissance de Jésus. Par ce privilège d’une virginité perpétuelle, sa Maternité divine s’étend ainsi à tous les hommes qu’elle enfante non à la mort, comme Ève, mais au salut, c’est-à-dire à l’innocence retrouvée : maternité universelle.

C’est pourquoi la doctrine de Marie Médiatrice, ébauchée par les premiers apologistes, a son docteur dans saint Irénée. Il exprime cette doctrine avec une telle clarté, une telle vigueur, que les siècles suivants n’ont pu que l’enrichir. Tout tient à ce parallèle entre « Adam, tiré de la terre vierge et le Christ né de la Vierge Marie :

« Si le premier Adam avait eu lui-même un père autre que Dieu même, on pourrait prétendre que le nouvel Adam a été engendré par Joseph », explique saint Irénée. « Mais si le premier Adam a été tiré de la terre et formé par le Verbe de Dieu, il importait que le Verbe lui-même, récapitulant en lui la formation d’Adam, fût formé aussi d’une manière semblable. Mais alors, pourquoi Dieu n’a-t-il pas pris une seconde fois du limon, mais a-t-il voulu former le corps du Christ de Marie ? Pour que la chair qui devait naître d’elle ne fût pas différente de la chair qui devait être sauvée, mais que la chair du Christ fût la chair reprise en conservant la ressemblance d’origine » (Adversus hæreses, 3, 2-3), et donc qu’il fut né d’une femme.

Ainsi la conception virginale du Christ est le principe de la régénération du genre humain tout entier : « Comment l’homme sera-t-il délivré de la génération de mort, s’il ne passe pas à une nouvelle génération donnée par Dieu de façon merveilleuse et surprenante en signe de salut, à une régénération qui procède d’une Vierge par la foi ? »

Comme Jésus le disait à Nicodème : cette régénération est « in Deum », elle vaut au pécheur de rentrer dans le sein de Dieu et de s’y purifier par la pureté de « celui qui est pur, ouvrant purement un sein [de femme] qui régénère les hommes en Dieu » et qui est le sein de la Vierge Marie.

Ce texte est si fort que certains ont voulu l’appliquer à l’Église. En vérité, il concerne la Vierge Marie et c’est par sa « médiation », par la médiation de la Vierge Marie qu’on ose l’appliquer à l’Église où s’opère sacramentellement la régénération, par le baptême et les sacrements de la “ réconciliation ” et du banquet eucharistique.

Mais alors, la Vierge Marie passe avant l’Église ?

Bien sûr ! Parce qu’elle est d’avant, et parce qu’elle est plus !

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, saint Maximilien-Marie Kolbe, notre Père à leur suite, nous ont enseigné que dans le Cœur de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, la personne chérie entre toutes, tellement que c’est pour Elle que toutes les autres créatures ont été appelées à l’existence, c’est cette femme, cette Vierge Marie qui a vécu à Nazareth, qui a enfanté Jésus, qui était au pied de la croix, compatissante, mourant de compassion, son Cœur transpercé d’un glaive de douleur, pour participer à son agonie. C’est Elle que le Père du Ciel aime comme une fille unique, c’est elle que le Verbe de Dieu a dans la pensée, dans le regard, dans le cœur, de toute éternité comme son tout. Comme sa Mère, mais aussi comme sa créature qu’il sauve par son Sang, comme son Époux. C’est elle que le Saint-Esprit a choisie comme sa colombe, son sanctuaire.

L’Église est l’image de la Vierge Marie.

Si nous aimons beaucoup la Sainte Vierge, nous voulons qu’Elle nous prenne dans ses bras ; elle est, à elle seule, un Ciel avec ses bras, avec son Cœur battant, bien vivant, avec la douceur, la tendresse d’une mère universelle.

Elle est au Ciel. Mais pour nous qui sommes sur la terre, il y a les bras de l’Église qui nous accueille. L’Église lui ressemble. Notre Père prenait l’exemple des pauvres petits soldats, engagés dans la première guerre du Golfe, loin de la Vierge Marie, à moins de bien dire son chapelet et d’avoir la dévotion à la Vierge. Si, par hasard, ils sont trois ou quatre et qu’ils s’entendent pour se retrouver le soir dans cet horrible désert musulman, et qu’ils disent ensemble le chapelet, alors la chaleur qu’ils vont se donner les uns aux autres, la chaleur humaine de cette rencontre, ce sera la chaleur du sein maternel de la Vierge Marie. Cette communauté, cette congrégation, comme un troupeau qui se rassemble, sera empreinte de la douceur de la Vierge Marie, de la force de la Vierge Marie pour chacun d’entre eux. Par la médiation de votre prière et de votre sacrifice, nous disait notre Père, à nous les Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur.

C’est par là que nous sommes en toute vérité moines et moniales missionnaires, en toute circonstance.

Car, pour nous autres, la communauté est déjà le sein maternel de la Vierge Marie, c’est-à-dire que le bonheur que nous goûtons à nous retrouver après une séparation ; l’accord qui règne entre nous, c’est véritablement le refuge du sein maternel de l’Église. C’est un bien, un trésor, un réconfort, une consolation pour nous parce qu’il ressemble au sein maternel de la Vierge Marie. Notre communauté en est comme la reproduction, l’image. Particulièrement par vous, mes chères sœurs.

Au pied de la croix se tenait la Vierge Marie, et se tenait un pauvre Apôtre qui se sentait très orphelin dans la vie puisqu’il était le bien-aimé du Seigneur, et que le ­Seigneur était en train de mourir sur la croix. Saint Jean était un homme fort... oui, tant que Jésus était là. Mais en perdant Jésus, il perd tout.

LE SANG ET L’EAU DU SALUT.

Cependant, Jésus en mourant, remet l’Esprit, ayant mérité, par sa mort salvatrice, de nous donner son Esprit divin. L’Église ne vit que par l’Esprit-Saint dont la Vierge est la colombe et le sanctuaire, bref : la Médiatrice.

En effet, Jean raconte comment le soldat transperce d’un coup de lance le côté de Jésus, qui laisse échapper du sang et de l’eau. D’abord du sang, parce que Jésus a d’abord fait le sacrifice qui a mérité cette eau surabondante. C’est le temps de l’Église qui commence. Cette eau, c’est l’eau baptismale, l’eau vivifiante, l’eau purifiante, porteuse de l’Esprit-Saint.

Les mystiques ont appelé longtemps cette eau « aqua rosacea », une eau rosée. Cette eau est réellement mélangée au Sang du Christ, de telle manière qu’elle est porteuse des mérites de la Passion, elle est fécondée par le Sang du Christ.

Que le symbole soit conjugal, qu’il soit nuptial, c’est absolument indubitable, car nous savons maintenant que nous sommes venus à la vie par la semence du Christ et par l’eau féconde du sein maternel de l’Église. Dès lors, toutes les œuvres de la création sont les figures de ce grand mystère que Jésus, même mort, nous donne encore de tout notre destin d’enfants de Marie. Après le mystère de l’Incarnation du Verbe dans le sein de la Vierge Marie, et celui de la Rédemption auquel Marie s’associe en s’offrant en victime au glaive d’Amour miséricordieux de son Amour divin, en offrant son Cœur Immaculé à être transpercé par Jésus, l’unique et souverain Prêtre au moment où il s’offrait lui-même pour l’humanité, la Vierge Marie fut remplie de l’Esprit-Saint comme d’une semence divine qui allait lui faire concevoir cette même humanité nouvelle en son sein maternel.

Jésus a donc tenu sa promesse : « Je ne vous laisserai pas orphelins. » Près de Jésus est sa compagne d’éternité qui l’a engendré, qui compatit et qui demeurera en union intime avec son Fils. Elle est forte. Jésus se tourne vers sa Mère : « Femme, voici votre fils. » Cette “ Femme ” n’est pas l’Église, c’est la Vierge Marie. C’est cette femme, cette personne humaine, immaculée, suprêmement aimée, remplie de ­l’Esprit-Saint, qui est l’objet de l’amour du Père et du Fils, véritablement plongée dans le brasier d’amour, de sagesse, de force, de dévotion de la Sainte Trinité.

Jean représente tous les hommes, tous les hommes faibles qui se tiennent au pied de la Croix et qui cherchent dans la vie un soutien, une consolation puisque Jésus est maintenant monté aux Cieux, et qu’ils se sentent seuls. La Vierge Marie aussi est finalement montée aux Cieux et il reste sur la terre ce qui lui ressemble le plus : la communauté, la communion de charité que forme l’Église.

Jésus aime l’Église.

Jésus aime la Vierge Marie.

Il aime l’Église du fait que l’Église est la Vierge répandue et communiquée par ses filles, moniales missionnaires, vouées à établir dans le monde le règne de son Cœur Immaculé qui ne fait qu’un avec le Cœur Sacré de son Fils. N’est-ce pas là une merveilleuse vocation ! Que saint Charles de Foucauld soit notre modèle en l’accomplissement de cette vocation de “ frères universels ”, à l’école de notre Père fondateur, frère Georges de Jésus-Marie !

Frère Bruno de Jésus-Marie