3 JUIN 2016 - SACRÉ-CŒUR

Le double amour du Cœur de Jésus

Sacré-Cœur

JE ne vais pas vous raconter la vie de Jésus, vous la connaissez très bien ! Mais je voudrais vous montrer quel est le double ressort le plus profond de cette vie. Je pense que si vous comprenez bien ce que je vais vous dire maintenant, vous relirez l’Évangile comme avec une compréhension nouvelle.

Cette vie de Jésus résulte toute du mouvement, de l’initiative, des volontés, de la force de son Amour (...). Or, c’est d’abord un amour divin pour les hommes, et c’est un amour d’homme pour Dieu (...). On comprend toutes les paroles, tous les gestes, toutes les décisions du Christ selon ce double mouvement. C’est la clef de tout l’Évangile.

Pour aller plus profond, pour entrer dans le Mystère trinitaire, nous pourrions dire que le Cœur de Jésus a un amour d’homme pour son Père. Un homme aime son père, son père est plus que lui, est au-dessus de lui ; un amour filial, un amour d’homme pour son père. D’autre part, c’est un amour d’Époux, de divin Époux, d’Époux qui est Dieu, d’Époux-Dieu, pour son épouse, l’humanité. Ce qui fait une trilogie, une trinité – nous le dirons bientôt – : il y a le Père dans les Cieux, il y a le Fils qui sur terre l’aime comme son Père bien-aimé et il y a le Fils qui, par amour du Père et en conformité avec sa volonté, aime l’humanité comme son épouse. Père, Fils et épouse.

Tout cela résulte d’un mouvement.

  • Étudions d’abord l’amour de l’homme pour son Père. Surtout si nous lisons l’Évangile de saint Jean, nous découvrons comment ce Fils est docile, fidèle, dévoué à son Père. Vous me direz : Jésus en face de son Père dans l’Évangile de saint Jean, ne fait que ce que son Père lui dit de faire. Alors, quelle différence y a-t-il entre cette obéissance, cette soumission, cette passivité, avec l’obéissance, la soumission, la passivité du Cœur de Marie ? La différence est celle-ci, qu’on voit très bien dans saint Jean : Marie ne sait pas d’avance, et elle ne décide pas par elle-même de ce qu’elle a à faire, tandis que ce Cœur de Jésus, ce Fils de Dieu, sait d’avance et à tout instant ce que son Père lui demande de dire et de faire (...).
  • Parallèlement, mais comme en sens inverse, dans le Cœur Sacré de Jésus, nous découvrons un Dieu qui aime l’homme. C’est quelque chose ! Là, vous allez être beaucoup plus touchés, ce sera moins une démonstration théologique qu’une observation psychologique, je dirais.

En Jésus, voyons comment Dieu peut aimer l’homme ou les hommes. L’Évangile devient extrêmement parlant dans cette lumière. Jésus aime chacun des siens, aime chacun de ses contemporains et nous tous, mais Il aime comme jamais personne n’a aimé (...), car il nous aime divinement. Saint Jean nous le dit : « Ipse prior dilexit nos », « Il nous a aimés le premier ». Alors que nous autres, nous aimons lorsque nous sommes ébranlés par un amour semblable au nôtre et qui vient à notre recherche. Dans l’épître aux Romains, saint Paul nous explique comment le Christ nous a aimés alors que nous étions pécheurs. Donc, Il aime d’abord, Il aime gratuitement, Il aime inépuisablement ! Allez donc me chercher un homme qui soit capable de cela ! (...).

Vous voulez quelques preuves qui vous rappelleront tel ou tel passage de l’Évangile qui vous permettront ensuite de méditer sur le Cœur de Jésus, sur les infinies richesses et merveilles du Cœur de Jésus ? Pensez à ceci :

– C’est un amour qui pourrait être fort et qui veut aussi se faire faible. Il pleure ; c’est une faiblesse de pleurer, mais Il veut être faible avec les faibles.

– Ce pourrait être un amour seigneurial, mais nous le voyons préférer se faire notre serviteur. Là encore, ce n’est pas dit d’avance, ce n’est pas logique presque, c’est stupéfiant ! « Familiaritas stupenda nimis », familiarité vraiment stupéfiante ! Certains d’entre nous, dès que nous avons un peu d’autorité dans l’Église, dès que notre amour nous donne un peu de prestige, nous aurions envie de manifester notre amour d’une manière seigneuriale ; Lui, Il pouvait, et Il a préféré se ceindre d’un linge et laver les pieds de ses disciples.

– Ce pourrait être un amour désintéressé, chose curieuse, et c’était un amour profondément désintéressé, mais Jésus s’est tellement incarné, Il est tellement devenu humain, semblable à nous, de notre pâte, que cela a été un amour besogneux. Il a besoin d’être consolé, il a besoin d’être réconforté. Dans sa sainte Agonie, Il est là, Il a besoin que les Apôtres viennent le consoler, le réconforter, et puisqu’Il ne trouve pas de réconfort dans les Apôtres, c’est un Ange de Dieu qui viendra réconforter le Fils de Dieu. Tout cela, c’est pour nous toucher. Quand Il a dit : « J’ai soif ! », c’est pour que, à travers les siècles, nous sentions qu’il a besoin que nous lui tenions compagnie et que nous le réconfortions. C’est une merveille de son Amour, une invention de son Amour.

Vous retiendrez que c’est un amour de Dieu pour l’homme, mais dans un Cœur qui s’est fait chair, tellement que ce Cœur est devenu humain, chaleureux, affectueux, sensible, émotif, plus qu’aucun autre (...).

Jésus, lui, est tellement, tellement au-dessus de nous qu’Il se permet d’être l’un d’entre nous, jusqu’à être ému et se laisser émouvoir : Il pleure Lazare, Il pleure devant Jérusalem qui va être détruite. Ah ! Il mérite bien d’être dit un amour d’époux ! Un époux amoureux de son épouse ! Il n’y a pas de doute, nous ne pouvons pas avoir de doute sur la force et la vérité de l’Amour du Christ pour nous, de Dieu pour nous. Il nous aime comme un époux aime son épouse. Il tient à elle, il a besoin d’elle. Or, remarquez bien, qu’est-ce que cette épouse qu’il aime ?

Un homme qui aime son épouse tellement, tellement qu’il en parle avec admiration, un fiancé de sa fiancée... Alors on l’imagine, et puis un jour, on la voit, on dit : « Si ce n’est que ça ! »

Regardons un peu celle qu’il aime, tout le Cantique des cantiques est le chant de l’Amour du Bien-aimé pour sa bien-aimée, c’est-à-dire de Jésus pour Israël, pour l’Église ! Regardons-la donc ! C’est l’humanité pécheresse, sans beauté corporelle, sans intelligence spirituelle, sans innocence ni vertu ni mérite du cœur... Comment peut-il aimer ça ? Ça, c’est nous !

Il ne faut pas dire que notre beauté corporelle soit capable de ravir le plus beau des enfants des hommes ! Cette beauté corporelle qui en nous est détruite par le péché ; les stigmates du péché, de la corruption sont en nous.

Sans intelligence spirituelle : si vous croyez que nous ne sommes pas des ignorants en face de la Sagesse même de Dieu, du Verbe de Dieu ! Nous sommes d’une ignorance crasse et épaisse ! Les Apôtres ne comprenaient rien à ce que disait Jésus, Il en aurait été impatient, s’Il ne les avait pas tant aimés !

Sans innocence, sans vertu, au contraire, pécheurs dès la naissance !

Et pourtant, c’est cette épouse qu’Il aime avec un amour amoureux. Cri d’admiration à la pensée de l’Amour de Dieu pour nous, du Cœur divin pour nous !

Conclusion sur ce double amour du Cœur de Jésus qui nous a fait pénétrer dans ces profondeurs : Union, fusion entre nous et Dieu. Pourquoi ? Parce que c’est un cœur humain qui est tout en union, en fusion avec le Dieu qu’il aime. Le Cœur de Jésus, le Cœur de l’homme Jésus, dans tout son être, dans toutes ses pensées, dans tous ses élans, dans tous ses désirs, plonge dans le Cœur de Dieu son Père. Fusion d’un cœur d’homme dans le brasier du Cœur de Dieu, dans l’amour subsistant qui est Dieu. Mais d’autre part, mouvement contraire, afin que le lien conjugal, le lien nuptial entre Dieu et la créature soit parfait, c’est un Cœur divin qui est tout attiré en tout moment de son existence vers nous, pauvres pécheurs, tout avide de plonger en nous, de vivre en notre cœur, de fusionner avec nous, avec l’humanité.

Ardeurs extrêmes d’un double amour de ce Cœur, Verbe incarné qui procure la fusion de la créature épouse dans le sein de la Trinité avec son Créateur. En tant qu’Époux, Il ne fait qu’un avec son épouse, et ses élans vers Son Père entraînent son épouse dans le Sein du Père. En tant que Fils du Père, Il ne fait qu’un avec son Père et dans ses ardeurs d’amour amoureuses pour son épouse, amoureuse, Il entraîne le Père dans le cœur de son épouse. Voilà comment le Père, le Fils et son épouse ne font qu’un par l’Amour du Fils médiateur. C’est le Cœur de Jésus, notre médiateur.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de La dévotion aux saints Cœurs de Jésus et Marie, en audio : S 21