SAINTE MARGUERITE-MARIE

XII. L'oeuvre contrariée, inachevée

NOTRE sainte arrive à la fin de sa vie. Nommée assistante, elle rayonne sur son entourage.

Une petite sœur converse, s’étant blessée gravement « pensa qu’en touchant seulement le bas de sa robe, elle guérirait. » Sa foi fut récompensée par un miracle : « Dès ce moment, elle alla beaucoup mieux, et fut entièrement guérie en peu de temps. »

Sainte Marguerite-Marie manifeste en communauté comme au parloir, un esprit de discernement, accompagné d’un don de prophétie assez remarquable et « la vénération générale lui faisait malgré elle, comme un cortège d’honneur », ce qui lui fait dire : « Je mourrai cette année parce que je ne souffre plus rien. »

Le 8 octobre 1690, elle tombe malade et s’alite : « Une des sœurs s’aperçut qu’elle souffrait beaucoup, et elle voulut s’empresser de lui donner quelque soulagement. La courageuse mourante la remercia de ses bons offices en lui disant que “ tous les moments qui lui restaient à vivre étaient trop précieux pour n’en pas profiter ”. »

Elle eut une grande attention durant sa maladie à faire de tout ce qu’elle pouvait, un sacrifice : « Elle était toujours contente de ce qu’on lui ordonnait, de ce qu’on lui présentait. Les remèdes, quelquefois plus à charge à un malade que la maladie même, n’arrachèrent d’elle ni aucune plainte ni aucune marque de répugnance ni de dégoût ». Aussi chacun pensait qu’elle parviendrait à vaincre son mal.

Mort de sainte Marguerite-Marie« Elle n’eut d’empressement que pour recevoir le saint viatique ; elle le demanda avec insistance ». Mais « on crut devoir différer ». Et elle reçut la Sainte communion, sachant que « c’était pour la dernière fois. »

La servante de Dieu consola aussi son infirmière avec qui elle avait été très liée et, persuadée que sa propre indignité était un obstacle à l’extension de cette dévotion, elle répétait que « sa mort était nécessaire à la gloire du Cœur de Jésus-Christ », sans se douter que ses paroles avaient un autre sens et qu’elles étaient une prédiction de l’avenir car sa mort « donna occasion au Père Croiset d’ajouter au livre qu’il faisait imprimer l’abrégé de la vie de la servante de Dieu » et « ce fut par le récit des merveilles que Dieu a opérées en elle et par elle que cette dévotion se répandit. »

À plusieurs reprises, la mourante demanda que l’on brûle ses écrits : « elle désirait de rester inconnue dans le tombeau comme elle avait voulu l’être pendant sa vie. Mais comment aurait-on pu cacher ce que Dieu veut manifester pour sa gloire et pour l’édification des saints ? »

Souvent, elle répétait : « Misericordias Domini in aeternum cantabo ! ». À la fin, « elle ne pouvait plus prononcer que les noms de Jésus et de Marie, parce que l’ardeur de sa poitrine étouffait sa respiration. Ce fut en prononçant ces sacrés noms et dans le temps qu’on faisait sur son corps la quatrième onction qu’elle expira doucement, selon sa prédiction, entre les bras de sœur Françoise-Rosalie Verchère et de sœur Péronne-Rosalie de Farges, dont elle avait été maîtresse au noviciat et à chacune desquelles elle avait prédit séparément (…) qu’elle lui rendraient ce charitable office ».

C’était le 17 octobre 1690, entre 7 et 8 heures du soir.

« Toutes les sœurs étaient unies dans un singulier sentiment de douceur et de paix. Une religieuse dont la vie intérieure n’avait été jusqu’alors faite que de sécheresses et de désolations, éprouva une pause de consolations célestes. Une de ses novices qui, dans sa cellule, la pleurait désespérément fut soudain pénétrée de l’impression que Marguerite lui disait de remercier Dieu de toutes les humiliations qu’elle avait souffertes puisqu’elles l’avaient amenée à une si grande gloire. »

Et bientôt, la foule envahit la chapelle du monastère, les enfants ayant clamé partout la nouvelle : « La sainte des Sainte-Marie est morte ! ». Chacun réclame des reliques et de nombreuses guérisons sont obtenues par son intercession.

Mais si l’épouse chérie du Cœur de Jésus jouit enfin de ses délices dans le Ciel, les offres du Sacré-Cœur transmises par elle aux grands de ce monde sont toujours dédaignées… Cette vie est tellement surprenante, folie pour les hommes, scandale pour les dévots ! Ce sont donc des années d’incurie, d’inertie des Pères Jésuites et de la hiérarchie : le Pape Benoît XIV se moque de cette dévotion à « un cœur de chair », un cœur physique dont pourtant saint Jean, sainte Gertrude avaient « senti le charme de ces battements d’amour », après avoir reposé réellement sur son sein béni !

Sainte Marguerite-Marie (Amiens)Les rois se succèdent sur le trône de France sans répondre aux demandes pressantes de leur Seigneur et Maître et Louis XVI attendra d’être emprisonné au temple pour se consacrer enfin à ce Cœur Royal et tout divin. Mais il est déjà bien tard… Les jansénistes et les francs-maçons ont répandu leurs erreurs à travers tout le Royaume, provoquant des émeutes et des persécutions contre la Monarchie et contre l’Église : cette Révolution éclate cent ans jour pour jour après la grande Révélation du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie !

Les bons sont martyrisés : les monastères de la Visitation et la Compagnie de Jésus sont sévèrement châtiés de leur infidélité, Louis XVI est guillotiné et le petit roi Louis XVII, après avoir gravi la montagne escarpée du Calvaire, mourra au Temple, victime expiatrice pour le salut de la France.

Cette dévotion, sous le coup de la Révolution, va renaître dans le peuple mais sans entraîner les élites et le Sacré-Cœur n’a toujours pas recouvré cette royauté à laquelle Il a droit sur la France en même temps que sur l’Église, par un culte vraiment public.

Alors en ces derniers temps, Il met en avant “ avec une certaine crainte ” le Cœur de sa Mère. Ne confiait-Il pas à sœur Lucie : « Je désire très ardemment la propagation du culte et de la dévotion au Cœur Immaculé, parce que ce Cœur est l’aimant qui attire les âmes à moi, le foyer qui irradie sur la terre les rayons de ma lumière et de mon amour, la source intarissable qui fait jaillir sur la terre l’eau vive de ma Miséricorde » ?

Prions afin de hâter le triomphe du Sacré-Cœur de Jésus par le règne du Cœur Immaculé de Marie et par l’intercession du cœur très humble et tout aimable de sainte Marguerite-Marie, disciple bien-aimée du Christ et héritière de Ses trésors divins, fille chérie de Marie Immaculée « la conductrice de mes pas… l’Étoile de ma navigation, le port assuré de mon salut et de mon éternité. »

Ainsi soit-il !