SAINTE MARGUERITE-MARIE
VII. Communion à la sainteté de Miséricorde
PAR une prédisposition divine, la vie spirituelle de sainte Marguerite-Marie change de tonalité en même temps que ses supérieurs se succèdent. De 1678 à 1684, sous le supériorat de Mère Greyfié, notre sainte entre dans une nouvelle étape, plus douce.
La sainteté de justice s’était révélée à l’âme de la sainte religieuse de manière implacable, exigeant le châtiment des pécheurs ou, du moins, une victime de substitution pour expier leurs fautes : « Si tu ne veux supporter le poids de ma sainteté de justice, je suis prêt de l’appesantir sur cette personne. »
Cette sainteté fait barrage à nos illusions d’une religion facile, d’un Dieu accommodant et mou. Elle exige la purification de l’âme et une réparation pour les péchés que la sainteté de Dieu ne peut tolérer.
Après avoir été une hostie d’immolation avec Jésus, s’offrant sur le calvaire pour le salut des pécheurs, cette fidèle épouse va maintenant connaître la consolation de souffrir afin de prouver son amour à Celui qu’elle aime, « toutes mes délices n’étaient que de me voir conforme à mon Jésus souffrant. »
Cette étape de sa vie correspond à la Communion dans le Saint-Sacrifice de la Messe, c’est-à-dire l’union au Bien-Aimé dans un amour exclusif : « Époux jaloux, Il ne veut pas d’un cœur partagé ». « Notre cœur ne se repose pleinement que dans cet amour. »
Sainte Marguerite-Marie est prête à tous les sacrifices, pourvu que la volonté de Dieu se fasse : « Vous m’êtes suffisant, ô mon Dieu ! Contentez-vous et cela me suffit ! »
Et Jésus ne se laisse pas vaincre en générosité. Il lui montre que cette union mystique, dans la souffrance, est enviable…des anges mêmes !
« Comme l’on travaillait à l’ouvrage commun du chanvre, je me retirai dans une petite cour – proche du Saint-Sacrement – où, faisant mon ouvrage à genoux, je me sentis d’abord toute recueillie intérieurement et extérieurement, et me fut en même temps représenté l’aimable Cœur de mon adorable Jésus plus brillant qu’un soleil.
« Il était au milieu des flammes de son pur amour, environné de Séraphins, qui chantaient d’un concert admirable : “ L’amour triomphe, l’amour jouit, l’amour du saint Cœur réjouit ! ” »
Ces esprits bienheureux lui dirent qu’ « ils tiendraient ma place devant le saint Sacrement, afin que je le puisse aimer sans discontinuation par leur entremise, et que, de même, ils participeraient à mon amour : souffrant en ma personne comme je jouirais en la leur. »
Les anges, ses “ divins associés ”, éprouvent toute la douceur et la jouissance d’un amour brûlant pour le Sacré-Cœur de Jésus et sont remplis d’une sainte jalousie pour la disciple bien-aimée de Jésus qui, elle, manifeste une communion dans l’amour plus parfaite, plus pure, plus généreuse, par sa fidélité à accepter toutes les souffrances qu’il plaît à Dieu de lui envoyer.
« Notre-Seigneur, comme Souverain Sacrificateur, lui commanda de faire en sa faveur un TESTAMENT ou DONATION sans réserve et par écrit de tout ce qu’elle pourrait faire et souffrir, de toutes les prières et biens spirituels que l’on ferait pour elle pendant sa vie et après sa mort. »
« Comme je te l’ai promis, tu possèdera les trésors de mon Cœur en échange et je te permets d’en disposer à ton gré en faveur des sujets disposés. N’en sois pas chiche car ils sont infinis. »
En fait, notre sainte appartient, comme toute religieuse, à sa supérieure par son vœu de pauvreté, et non plus à elle-même. C’est donc Mère Greyfié, la propriétaire, qui va faire donation de cette âme héroïque au Sacré-Cœur de l’adorable Jésus « afin que la volonté de ce Cœur divin en dispose à son gré et selon son bon plaisir, et en faveur de quiconque il lui plaira, soit vivant ou trépassé. »
Mère Greyfié ne perd pas de vue son intérêt et spécifie, en se désignant elle-même « de laquelle ma sœur Marguerite-Marie demandera tous les jours la conversion à ce Cœur divin et adorable avec la grâce de la pénitence finale. » ! Elle mourra en odeur de sainteté…
Notre-Seigneur « témoigna un grand agrément » de cet écrit : « Je te constitue héritière de mon Cœur et de tous ses trésors pour le temps et pour l’éternité, te permettant d’en user selon ton désir et te promets que tu ne manqueras de secours que lorsque mon Cœur manquera de puissance. Tu en seras pour toujours la disciple bien-aimée, le jouet de son bon plaisir et l’holocauste de ses désirs… »
Sainte Marguerite-Marie est ainsi établie dispensatrice des trésors du Cœur de Jésus et nous n’avons qu’à y puiser à notre tour, nous étant bien mis en état de grâce. C’est la communion des saints…
« Ayant tout donné au Sacré-Cœur sans rien me réserver, je ne puis vous faire part que de ses trésors infinis », écrit-elle au père Croiset.
À ces grandes consolations sont mêlées de grandes épreuves, peines et combats, ainsi que de terribles tentations du démon. Mais Jésus soutient sa petite épouse et lui montre un amour de prédilection : « Ma fille, j’ai choisi ton âme pour m’être un ciel de repos sur la terre et ton cœur sera un trône de délice à mon divin Amour. »