SAINTE MARGUERITE-MARIE

I. Une enfance de grâce prédestinée

MARGUERITE Alacoque naît au territoire de Verosvres en Charolais (où son père est notaire royal), le 22 juillet 1647. À maintes reprises Notre-Seigneur lui rappellera comment Il l’a prédestinée, comment Il s’est occupé d’elle dès le berceau. Il l’a purifiée et sanctifiée en vue de l’œuvre qu’elle aurait à accomplir : revivre la Passion du Christ.

Verosvres
à Verosvres

« [Mon Amour] a tant eu de patience et de peine à te cultiver et ajuster à ma mode dès ta plus tendre jeunesse : t’attendant doucement sans me rebuter parmi toutes tes résistances. »

L’enfant de quatre ans, touchée de tant de miséricorde, conçoit une sainte horreur du péché et un attrait instinctif, surnaturel vers la chasteté :

« Ô mon unique Amour, combien vous suis-je redevable de m’avoir prévenue dès ma plus tendre jeunesse, en vous rendant le Maître et le possesseur de mon cœur, quoique vous connussiez bien les résistances qu’il vous ferait. »

Dans l’âme de cette enfant, la grâce est déjà victorieuse des répugnances naturelles :

« Aussitôt que je me sus connaître, vous fîtes voir à mon âme la laideur du péché, qui en imprima tant d’horreur dans mon cœur, que la moindre tache m’était un tourment insupportable. (…) Et sans savoir ce que c’était, je me sentais continuellement pressée de dire ces paroles : “ Ô mon Dieu, je vous consacre ma pureté, et je vous fais vœu de perpétuelle chasteté. ” »

On ne peut s’empêcher, en lisant de tels textes, de penser à la Sainte Vierge dans sa prime enfance. D’ailleurs, la petite Marguerite constate que ces grâces tissent une alliance particulière entre elle et la Mère de Dieu :

« La Très Sainte Vierge a toujours pris un très grand soin de moi qui y avais mon recours en tous mes besoins. »

Ces paroles sont d’une fraîcheur étonnante. Elles nous la font voir, nous font aimer cette petite fille se mettant à genoux à chaque Je vous salue Marie et baisant la terre. Tout cela ne peut être que l’œuvre du Saint-Esprit.

Les mystères douloureux commencent en 1655 par la mort de son père. Sa mère est obligée de la mettre chez les Clarisses de Charolles où elle fait sa première Communion, « et cette communion répandit tant d’amertume pour moi sur tous les petits plaisirs et divertissements que je n’en pouvais goûter aucun, encore que je les cherchais avec empressement. »

Elle a 11 ans lorsqu’elle tombe gravement malade :

« On ne put jamais trouver aucun remède à mes maux que de me vouer à la Sainte Vierge, lui promettant que, si elle me guérissait, je serais un jour une de ses filles. »

Après ce vœu, elle guérit et la Sainte Vierge la regarde comme sienne et se rend la maîtresse de son cœur « me reprenant de mes fautes et m’enseignant à faire la volonté de mon Dieu. Et il m’arriva une fois que, m’étant assise en disant notre rosaire, elle se présenta devant moi, et me fit cette réprimande qui ne s’est jamais effacée de mon esprit, quoique je fusse encore bien jeune : “ Je m’étonne, ma fille, que tu me serves si négligemment ! ” Ces paroles laissèrent une telle impression en mon âme, qu’elles m’ont servi toute ma vie. »

En 1661, la maison brûle. Madame Alacoque et sa fille sont alors contraintes de loger à la ferme familiale où elles subissent une véritable servitude de la part de la grand-mère et de deux tantes. Soumises au caprice de ces trois femmes dont elles dépendent absolument en tout, elles en viennent à travailler avec les domestiques, n’osant même plus prendre de pain sur la table, ou sortir sans leur consentement.

« Du moment que j’entrais à la maison, la batterie recommençait plus fort, sur ce que je n’avais pas pris soin du ménage et des enfants. »

Marguerite à son rocherOn empêche même notre sainte d’aller à la messe, et sa seule consolation est de pouvoir se cacher sous un rocher d’où elle aperçoit l’église, pour prier. L’enfant qui commençait à se laisser aller à des mouvements de coquetterie et vanité, voit en cette croix, une volonté du Bon Dieu :

« Je passais les nuits comme j’avais passé le jour, à verser des larmes au pied de mon Crucifix, lequel me fit voir, sans que j’y comprisse rien, qu’il voulait se rendre le Maître absolu de mon cœur et qu’il voulait me rendre conforme en tout à sa vie souffrante. »

Et il la configure si bien à lui, se rendant présent à son âme « sous la figure du Crucifix ou d’un Ecce Homo portant sa Croix », qu’elle en vient non seulement à pardonner à ses persécutrices, qu’elle appelle désormais « les chères bienfaitrices de mon âme », mais à désirer leurs coups, voulant par ses souffrances, sauver leurs âmes et ressembler davantage à Jésus.

Aimer Jésus, pour cette enfant, c’est le recevoir dans la Sainte Communion et souffrir pour se conformer à lui. Cependant, Notre-Seigneur devra user encore d’une miséricordieuse et divine persévérance dans la poursuite de cette âme qu’il s’est choisie et qui résiste à son Amour.