SAINTE MARGUERITE-MARIE

V. Consécration à la sainteté de Justice

TOUTE la vie de sainte Marguerite-Marie, à l’imitation de celle de son Époux Jésus, a été orientée vers la Croix. Même les mystères joyeux paraissent perpétuellement troublés par les annonces du sacrifice qui doit venir. Ainsi, durant sa Retraite de profession, Notre-Seigneur « m’a donné tant d’amour pour la croix, que je ne peux vivre un moment sans souffrir. Mais souffrir en silence, sans consolation, soulagement ni compassion, et mourir avec ce Souverain de mon âme, accablée sous la croix de toute sorte d’opprobres… »

Durant son noviciat, elle entend cet appel de son divin Maître :

« Je cherche une victime pour mon Cœur, laquelle se veuille sacrifier comme une hostie d’immolation à l’accomplissement de mes desseins. »

Puis, de 1673 à 1675, une suite de visions prémonitoires la prépare encore à gravir la montagne escarpée du Calvaire. La Révélation de la Majesté infinie de Dieu s’impose à elle :

Agonie de Marguerite-Marie« Il me fit voir en Lui deux saintetés : l’une d’amour et l’autre de justice ». Cette sainteté de justice «  s’imprime dans l’âme d’une manière si terrible, qu’elle voudrait se précipiter dans toutes les peines imaginables et s’immoler à souffrir celles des damnés plutôt que de paraître devant la sainteté de Dieu avec un seul péché. »

Jésus lui fait entendre, au sujet de Son Agonie au jardin des olives : « C’est ici où j’ai plus souffert qu’en tout le reste de ma Passion… ». Et la mystique comprend que « C’est cette même douleur que l’âme criminelle ressent lorsque, étant présentée devant le tribunal de la Sainteté divine qui s’appesantit sur elle, la froisse et l’opprime et l’abîme en sa juste rigueur. »

Le Sauveur demande à son épouse de se mettre « comme un rempart et un fort assuré entre sa justice et les pécheurs, afin d’obtenir miséricorde… ».

Sainte Marguerite-Marie va revivre l’agonie de Notre-Seigneur et sera comme écrasée sous le poids de la justice de Dieu. Elle va d’abord souffrir pour ses propres péchés : « Je confesse que ce m’est un tourment insupportable de paraître devant cette sainteté, lorsque je me suis laissée aller à quelque infidélité ».

Puis, Notre-Seigneur lui fait connaître qu’Il est prêt d’appesantir sa justice sur une personne, en voie de damnation. « Aussitôt je me jetai à ses pieds, disant : “ Consommez-moi plutôt jusques à la moelle des os que de perdre cette âme qui vous a coûté si cher… ” ». Elle souffre alors pour expier les fautes de cette âme, et bientôt pour le salut de toutes les âmes, par compassion pour Jésus : « … tant de pécheurs l’offensent et l’abandonnent ».

« Je ne peux voir ni goûter que mon Jésus souffrant et délaissé, en compatissant à ses douleurs ».

Enfin le Cœur de Jésus lui demande de s’immoler pour l’Ordre de la Visitation, infidèle à l’esprit de son fondateur. Saint François de Sales lui-même apparait à notre sainte et lui révèle les désordres et fautes de ses sœurs, principalement contre les vertus de charité et d’humilité : « C’est ce qui me fait beaucoup de peine [dit saint François de Sales] voyant qu’elles résistent à la grâce et aux moyens que Dieu leur donne pour un parfait amendement ».

En 1676, à l’occasion d’un jubilé, les religieuses reçoivent les sacrements avec abondance, afin de remplir toutes les conditions pour obtenir l’indulgence plénière ; et Jésus se plaint à la confidente de Son Cœur :

« Pleure et soupire sans cesse mon Sang répandu inutilement sur tant d’âmes qui en font un si grand abus dans ces indulgences ; qui se contentent de couper les mauvaises herbes qui sont crûes dans leurs cœurs sans jamais en vouloir ôter la racine. Mais malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la source des eaux vives, puisqu’elles ne seront jamais ni purgées ni désaltérées ! ».

Pourtant, les plus fidèles, celles que saint François de Sales reconnaît comme ses “ vraies filles ”, peuvent « suppléer aux imparfaites » : 

« Une âme juste peut obtenir le pardon pour mille criminelles »

Jésus demande à l’élue de son Cœur de « satisfaire à la tiédeur de tant d’âmes lâches » de son peuple choisi, c’est-à-dire de la Visitation. Elle devra être corédemptrice, présentant les mérites de l’Agonie et de la Passion du Christ à Dieu son Père, et y unissant son propre sacrifice pour la conversion de ses sœurs.