22 AOÛT 2021

Jésus fort et vainqueur

JÉSUS, que vous êtes méconnu ! Le portrait qu’on trace maintenant de vous est décevant, malgré les beaux récits évangéliques dont il semble que beaucoup aient perdu l’intelligence, n’allant y chercher de-ci de-là que des mots piégés ou des instruments de propagande. Ils font de vous un rêveur, un faible, un « non-violent » comme ils disent, qui passa sans trop de bruit et d’ennuis à l’écart des grands de ce monde, et de la politique et de la guerre. Ils disent que vous étiez doux et humble, bon, compatissant. À les entendre vous avez fui l’adversaire, vous avez refusé le combat, vous ne vouliez faire de peine ni contrarier personne, vous avez été vaincu sans bataille. Il semblerait que tout votre Évangile veuille nous résigner au mal, nous apprendre à consentir au triomphe de l’injustice et souffrir la mort ; oui, Jésus, vous seriez le premier d’une humanité de vaincus, dont la morbide passion serait de capituler devant l’ennemi et de le flatter, d’être écrasé et se rouler dans la poussière à ses pieds.

Comment vous aimerait-on alors ? Sur la croix, de plus en plus, vous faites pitié mais à cette pitié se mêle un horrible mépris de la part des hommes fiers et courageux. Eux du moins meurent les armes à la main, en défendant leurs frères et faisant payer cher leur vie. Mais vous ? bien tranquilles, loin du danger, des apôtres enseignent en votre nom et sur votre exemple qu’un chrétien doit laisser triompher l’adversaire et rallier son pouvoir au plus vite ou mourir avec les siens sans un cri.

Mais le Jésus que nous aimons, le vrai Jésus de l’Évangile et vrai Fils de Dieu, n’est pas ainsi. Nous refusons cette caricature écœurante. Celui que les Apôtres et les Martyrs, les Confesseurs et les Vierges ont suivi, le Maître et l’Époux adoré, était un homme fort, un courageux, un vainqueur ! Il attirait à lui les foules et les retenait à sa suite parce qu’il portait déjà au front le signe lumineux de la victoire et que l’espérance du règne qu’il annonçait ne pouvait être déçue. Qui le prétend faible et craintif ne l’a pas vu, debout à la proue de la barque, commander à la mer et aux vents, ni affronter les énergumènes, impassible et dur, chassant d’eux le démon avec une autorité souveraine. Il est rare de rencontrer des hommes vraiment courageux, des chefs, et souvent cette vertu de force laisse voir sous d’autres rapports de redoutables défauts. Jésus, lui, domine tout sans forfanterie, sans excitation, c’est un Seigneur qui marche au combat et annonce avec certitude la victoire. Force invincible et sûre, tous le suivent, à quelque distance, non comme des compagnons de lutte mais comme des disciples soutenus par son seul courage et son indomptable énergie, son cœur : « Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle ! »

Il peut tout, il sait tout, il veut tout et rien ne l’arrêtera qu’il n’ait conduit son peuple à la gloire et ne se soit assis lui-même sur son trône pour y être couronné. Saint Jean l’a vu comme un héros allant à la victoire.

À ceux qui interpréteront sa passion comme un signe manifeste de défaite et d’écrasement, à ceux qui, plus tard, oseront faire de la croix le signe sacré de la démission à la face des méchants et l’emblème des déserteurs, Jésus a pourtant donné le signe de sa résurrection ! Car ce fort, ce courageux, ce victorieux, capable de mourir quand il veut et comme il veut, n’est pas resté dans l’apparence de l’échec plus de trente-six heures et bien vite sa gloire a resplendi.

Ceux qui avaient cru le vaincre, ceux qui voulaient trouver en son exemple une leçon commode de pacifisme et d’abandon, tous ces petits hommes prisonniers de leurs passions charnelles ont été, comme les soldats qui gardaient le sépulcre, emportés comme de la bale au grand souffle de Pâques et, dès lors, Jésus court de victoire en victoires jusqu’à la consommation des siècles.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la Lettre à mes Amis n° 106 du 10 avril 1962