Le Pain de vie
En ce 18e dimanche du Temps ordinaire, l’Église nous donne à méditer le chapitre 6e de saint Jean où Jésus annonce qu’il est le Pain de vie, le Pain vivant descendu du Ciel pour donner la vie au monde. Saint Pierre-Julien Eymard nous fait remarquer que personne ne pourrait se donner un nom semblable, sinon le Fils de Dieu Lui-même désirant se donner à nous en nourriture.
« Le pain matériel alimente et soutient la vie. Sous peine de défaillir, nous devons nous soutenir par l’alimentation : et le pain en fait la base. Le pain est plus substantiel à notre corps que tous les autres aliments, il suffit à la vie. L’âme, physiquement parlant, a reçu de Dieu une vie qui ne peut s’éteindre : elle est immortelle.
Mais la vie de la grâce, reçue au baptême, la vie de la sainteté, mille fois plus noble que la vie naturelle, ne se soutiendra pas sans nourriture ; et son aliment principal, c’est Jésus dans l’Eucharistie. La vie retrouvée dans la pénitence se complétera en quelque sorte par l’Eucharistie qui nous purifiera des affections au péché, effacera nos fautes journalières, nous donnera des forces pour être fidèles à nos bonnes résolutions, et éloignera de nous les occasions de chute.
« Le Seigneur l’a dit : “ Celui qui mange ma chair a la vie. ” – Quelle vie ? La propre vie de Jésus : “ Comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que moi je vis par mon Père, ainsi celui qui mange ma chair vivra par moi. ” À celui qui s’en nourrit, l’aliment communique en effet sa propre substance. Jésus ne se changera pas en nous : il nous changera en un autre lui-même.
« Notre corps-même recevra dans la Communion un gage de résurrection ; et dès cette vie il sera plus tempérant, plus soumis à l’âme. Il ne fera que reposer dans la tombe, conservant le germe eucharistique, source pour lui d’une gloire plus éclatante au Jour des récompenses.
« Mais on ne mange pas seulement pour soutenir sa vie : on mange pour prendre des forces autant qu’en exigent les travaux de la vie ; manger pour ne pas mourir c’est à peine de la prudence, et c’est insuffisant. Le corps doit travailler, et dans son travail il devra dépenser non de sa substance, ce qui l’anéantirait bientôt, mais de son superflu qu’il trouvera dans la nourriture ; c’est une loi, “ qu’on ne donne pas ce que l’on n’a pas ” : et l’homme condamné à un travail pénible qui ne trouve le soir qu’une nourriture insuffisante tombe bientôt sans vigueur.
« Or plus nous voulons nous approcher de Dieu et pratiquer la vertu, plus nous devons nous attendre aux combats ; par conséquent devons-nous prendre aussi plus de forces pour n’être point vaincus. Eh bien ! Pour toutes ces luttes de la vie chrétienne, l’Eucharistie seule vous donnera des forces suffisantes. La prière et la piété languissent bientôt sans l’Eucharistie. La vie pieuse n’est qu’un crucifiement continuel de notre nature, et, prise en elle-même, elle n’a rien d’attrayant : on ne va pas au-devant de la croix si l’on ne se sent fortement et doucement soutenu. C’est une règle générale : la piété sans la Communion est une piété morte.
« Du reste, consultez-vous : quand vous avez abandonné vos communions, comment avez-vous rempli vos autres devoirs ? Ni le Baptême (qui donne la vie), ni la Confirmation (qui l’augmente), ni la Pénitence (qui la répare) ne suffisent : tous ces sacrements ne sont qu’une préparation à l’Eucharistie, qui les complète et les couronne.
« Jésus a dit : Suivez-moi. Voilà qui est difficile, qui demande des efforts ! Cela exige la pratique des vertus chrétiennes ; or celui-là seul qui demeure en Notre-Seigneur porte beaucoup de fruits ; et comment demeure-t-on en Notre-Seigneur, si ce n’est en mangeant sa Chair et en buvant son Sang ? « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en Moi et Moi je demeure en lui. »
« Quand nous avons Jésus en nous, nous sommes deux, et le fardeau ainsi partagé est léger. Aussi saint Paul disait : Je puis tout en Celui qui me fortifie. Et Celui qui le fortifie ainsi est Celui qui vit en lui comme en nous : le Christ-Jésus.
« Sans la Communion, on est toujours dans le pénible du combat ; on ne connaît les vertus que par ce qu’elles coûtent à acquérir ; on ignore le côté le plus attrayant des vertus, à savoir : la joie de travailler non seulement pour soi, mais pour la pure gloire de Dieu, par amour pour lui, par amitié, comme des enfants, sans y être poussé uniquement par l’espoir de la récompense !
Celui qui communie comprend facilement que, recevant beaucoup, il doit rendre beaucoup : c’est la piété intelligente, la piété filiale et aimante. Aussi la Communion rend heureux dans les plus grandes épreuves, heureux d’un bonheur aimable et doux. C’est le comble de la perfection que de se maintenir uni à Dieu au milieu des tentations intérieures les plus violentes... et c’est quand vous êtes le plus tenté, que Dieu vous aime le plus ! seulement, pour que ces tempêtes ne vous brisent point, sachez revenir souvent à la source de l’amour prendre de nouvelles forces, et vous purifier davantage dans ce torrent de grâce et d’amour.
« Communiez donc ; mangez le pain de vie si vous voulez avoir une vie saine et des forces suffisantes pour le combat chrétien du bonheur, au sein même de l’adversité.
« L’Eucharistie est le pain des faibles et des forts : elle est nécessaire à ceux qui sont faibles, c’est évident ; et à ceux qui sont forts, parce qu’ils portent leur trésor dans des vases d’argile, entourés de toutes parts d’ennemis acharnés.
« Assurons-nous donc une garde, une escorte sûre, un viatique fortifiant : ce sera Jésus, notre Pain de vie. »
(La Divine Eucharistie, extraits des écrits de saint Pierre-Julien Eymard, deuxième série : La Sainte Communion, p. 86-92)
Frère Bruno de Jésus-Marie
Extraits de la lecture spirituelle d du 27 juin 2004