La tempête apaisée

Après avoir révélé à ses apôtres le sens de plusieurs paraboles, Jésus va en ajouter une, mais qui est cette fois-ci un événement, un geste prophétique réclamant leur foi : celui de la tempête apaisée.

³⁵ Ce jour-là, le soir venu, il leur dit : “ Passons sur l’autre rive. ” ³⁶ Et laissant la foule, ils l’emmènent, comme il était, dans la barque...

Une fois de plus, c’est un récit de témoin oculaire ; Marc retranscrit ici l’expérience encore vibrante d’émotion de saint Pierre. Jésus se trouvait donc sur le lac de Tibériade, et il enseignait dans une barque à quelque distance du rivage afin que les gens assemblés sur la plage entendent mieux sa voix. Le soir venu, Jésus a eu tout d’un coup une idée inattendue : Passons de l’autre bord ! Les apôtres sont un peu brusqués, mais ils obéissent et les voilà qui s’éloignent avec Jésus : “ ils l’emmènent, comme il était, dans la barque ” ; c’est pris sur le vif.

“ et il y avait d’autres barques avec lui... ” Marc aurait pu dire d’autres barques avec eux, Jésus et ses apôtres ; mais non, on sent Pierre revivant, haletant, cet événement, ne pensant qu’à Jésus.

³⁷ Survient alors une forte bourrasque, – en terme nautique, c’est un tourbillon ! comme il s’en produit dans toutes les mers fermées, dans tous les lacs. C’est extrêmement dangereux pour les bateaux parce que les vagues ne sont pas parallèles, mais elles se coupent et se recoupent sans que l’on sache par quel bord s’en défendre – et les vagues se jetaient dans la barque, de sorte que déjà elle se remplissait. La barque prenait eau à chaque déferlante et elle devait couler très rapidement, ainsi que les autres barques dont on ne sait plus ce qu’elles sont devenues.

³⁸ Et lui était à la poupe, dormant sur le coussin. Jésus dort sur le coussin. Jésus dormait à poings fermés. C’est une leçon qu’il veut et va donner évidemment à ses apôtres. C’est une parabole.

Ils le réveillent et lui disent : “ Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? ” ³⁹ S’étant réveillé, Jésus tance donc le vent – et dit à la mer : “ Silence ! Tais-toi ! ” Et le vent tomba et il se fit un grand calme. Voilà bien une parabole en action.

⁴⁰ Puis il leur dit : “ Pourquoi avez-vous peur ainsi ? Comment n’avez-vous pas de foi ? ” Par cette parole, Jésus conclut une série de discours et introduit une nouvelle manière de prêcher. Maintenant, ce que Jésus veut, c’est que ses apôtres aient la foi. On croirait à premières vues qu’il s’agit de la foi en lui... non, pas encore ! C’est la foi en la Parole. Depuis le début de sa vie publique, Jésus enseigne que le Règne de Dieu est arrivé : c’est la Parole qui grandit dans les cœurs à proportion des dispositions de chacun, de jour comme de nuit, quoiqu’il arrive.

Or ici, les apôtres ont manqué de foi en la Parole, ils n’auraient pas dû avoir peur de la tempête. Car même si Jésus et les apôtres s’étaient noyés, le règne de Dieu poursuivrait son avancée dans les âmes.

Et de fait, quand Jésus sera remonté au Ciel, cela continuera en dépit de toutes les difficultés ; et quand les Apôtres ne seront plus, cela continuera de même. En attendant, Jésus donne à ses apôtres une bonne leçon : « Hommes de peu de foi ! »

⁴¹ Alors, ils furent saisis d’une grande crainte et ils se disaient les uns aux autres : “ Qui est-il donc celui-là, que même le vent et la mer lui obéissent ? ”

Alors ils tournent leur regard vers lui, et ce maître dans l’enseignement des mystères divins leur paraît en même temps d’une puissance quasi illimitée, puisque non seulement les démons le craignent et les malades sont guéris, mais encore le vent et la mer lui obéissent : il est le maître de la nature !

Après avoir multiplié les miracles avec si l’on peut dire le plus de discrétion possible, Jésus voudra désormais que ses miracles attirent l’attention sur lui afin de susciter la foi en Lui : “ Qui est-il donc celui-là, que même le vent et la mer lui obéissent ? ”

Ce passage de Jésus et des apôtres sur l’autre rive du lac de Tibériade marque la fin de la première évangélisation de la Galilée et nous prépare à cette deuxième campagne d’évangélisation que Jésus va entreprendre lors de son retour en Galilée.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du commentaire littéral de l’Évangile selon saint Marc (S 90), Retraite de 1986