9 MAI 2021
Trinité d’amour
(Jn 15, 9) : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Sur ce verset, l’abbé de Nantes est intarissable. « Pesez, mes fils, pesez que c’est que cet amour du Père qui va à son Fils éternel, Bien Aimé, son Verbe, sa Parole, son Image éternelle. L’amour qui coule du Père dans le Fils, comme un torrent, de Cœur à Cœur, cet amour coule du Cœur sacré de Jésus et de Marie dans nos cœurs. »
« Demeurez en mon amour. » Cet amour répandu dans les cœurs comme la sève monte dans la vigne, c’est l’Esprit-Saint, dont l’effusion produit la vie et la joie.
10. «Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. » Ce ne sont plus les commandements sévères lancés parmi les éclairs, du haut du Sinaï. Ce sont les commandements que le Cœur de Jésus entend en lui-même, venant de son Père, que nous entendons à notre tour de la divine bouche de Jésus.
11. «Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. » Rien ne cause en effet autant de joie que d’être aimé. La joie de Jésus, c’est la joie de son Cœur au jour de ses épousailles (Ct 3, 11), à laquelle il avait déjà associé Jean-Baptiste, par avance, simplement en lui faisant entendre le son de sa voix (Jn 3, 29).
12. «Voici quel est mon commandement» – il faudrait plutôt dire : ce que je vous recommande – « ... vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Nul n’a plus grand amour que celui qui livre sa vie pour ses amis. » Là encore, Jésus parle d’expérience puisque, peu de temps auparavant, il mourait pour eux sur la Croix. Ces paroles supposent en effet la circonstance de l’Ascension ; elles n’ont pas leur place à la veille de la Passion et du reniement des Apôtres. Après quarante jours, pendant lesquels Jésus les a retrouvés et ramenés à Lui, ils goûtent l’intimité d’un ultime repas terrestre, avant son retour à la fin des Temps.
14. «Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. » Le Père Lagrange commente prosaïquement : « Au moment-même où Jésus appelle ses disciples ses amis, il rappelle son droit de leur commander, et c’est même parce qu’ils obéissent qu’ils sont ses amis, puisque c’est à cette condition qu’ils demeurent dans son amour. Henri IV écrivait à Sully : “Mon ami, continuez à me bien servir. ” » Quelle incongruité qu’un tel rapprochement ! Saint Jacques, dans son Épître, en suggère un autre qui s’impose : « Abraham eut foi en Dieu, et ce lui fut compté comme justice ; et il fut appelé ami de Dieu. » Par cette déclaration de Jésus, les voilà confirmés vrais fils d’Abraham, libres et non pas esclaves, à la différence des juifs qui n’ont pas voulu suivre Jésus.
15. «Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Le commentaire de l’abbé de Nantes est d’une autre profondeur que celui du P. Lagrange : « Vous êtes maintenant mes amis à cause même de cet acte d’amour prodigieux par lequel je vous ai comme épousés », en donnant ma vie pour vous, selon la volonté de mon Père.
16. «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure, afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. »
C’est sans doute pour avoir entendu une voix lui murmurer cette parole, deux jours avant son ordination, que notre Père a pris en horreur pour toute sa vie la moindre apparence de schisme. C’était en 1948 : « Ne me demandez rien sur ces grands jours de cette unique Semaine sainte. Le Jeudi saint, j’étais un enfant qu’enivraient d’étonnantes promesses. Et je ne pouvais douter dans ma joie de Qui était cette voix qui me parlait au cœur, cette voix qui me faisait entendre amoureusement ce que je lisais dans le chapitre 15 de saint Jean... »
17. «Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. » Telle est la loi du Christ. Elle plonge ses vrais disciples dans un abîme d’amour reconnaissant, tel l’abbé de Nantes méditant sur la grâce de son baptême : « Soyez béni, éternellement, ô Vous notre Père, qui m’avez donné dès mon troisième jour de vie la plus charmante, la plus sublime, la plus douce et la plus lourde des tâches, pour le temps et pour l’éternité : aimer ! Aimer, aimer sans limites et sans fin. Si vous m’aviez dit d’obéir, ou de souffrir, ou d’apprendre ou de travailler ! Mais non, répondant au désir le plus pur de mon cœur, vous m’avez demandé ce que je voulais le plus : aime comme tu es aimé. À ton tour, répands l’amour à pleine mesure autour de toi, tout au long de ta vie. Je n’ai que ce commandement pour toi : aime. »
Frère Bruno de Jésus-Marie
Extraits du commentaire de l’Évangile de saint Jean Bible, Archéologie, Histoire, tome 3, p. 52
Étude parue dans la CRC n° 348, juillet-août 1998, p. 12