22 JANVIER 2023
N’oublions pas, chrétiens, la Croix du Christ !
ÊTRE chrétien, c’est revivre le mystère de la Rédemption, le premier point de notre foi. Ce n’est pas adopter une idéologie vague, faire paraître quelque religiosité ni respirer l’humanitarisme.
À ce compte, il y aurait beaucoup de chrétiens de par le monde, et même là où le Nom de Jésus est anathème ! Être chrétien, c’est prendre part à l’Eucharistie qui est, plus qu’un acte de communion sociale, un sacrifice divin dans lequel l’homme s’associe et s’identifie à la Sainte Victime. Ce n’est donc pas chercher la paix et le bonheur sur le versant de nos commodités et de nos désirs. À ce compte, il est vrai, nous serions tous chrétiens parfaits et même militants, mais la Croix demeure le signe de contradiction que nous ne pouvons éluder.
S’enivrer de théories et d’idéals n’est pas être chrétien, mais au contraire faire la Volonté de Dieu en portant sa croix. Aimer les hommes pour eux-mêmes, avec l’enthousiasme de désirs généreux ne l’est pas davantage, mais servir les autres à ses propres dépens et ne leur porter qu’un amour oublieux de soi-même, être tel enfin que la Croix de Jésus seule peut en donner l’exemple et la vertu. Être chrétien n’est pas un adjectif apposé sur la glaise de notre mauvaise nature. C’est un substantif, c’est un fondement sur lequel se bâtit tout l’édifice, et ce fondement c’est le Christ, et le Christ crucifié !
La Croix de Jésus est l’unique espérance. Y aura-t-il un jour sur terre une humanité pacifique et heureuse ? Ce ne pourra être que par le triomphe de la Croix dans tous les cœurs. Mais il est insensé, il est blasphématoire de penser et de prêcher que cette Cité humaine puisse apparaître et réussir dans l’oubli et le mépris de Jésus crucifié ! Au moindre d’entre nous comme aux peuples immenses, l’Église parle le même langage et c’est celui de la Croix.
Mais il me vient une pensée qui me glace. On annonce des jours nouveaux, où les chrétiens oseront oublier cette Croix qui les fait vivre, pour désarmer leurs ennemis !
L’amour de Jésus se perdant, l’indifférence à la vérité et à la justice ont suivi, et maintenant le grand projet des derniers temps est annoncé : l’humanité tout entière, chrétiens et païens, hier ennemis, comme Hérode et Pilate, comme les Juifs et les Romains vont se réconcilier, lassés de tant de luttes inutiles, pour arracher de la terre cette Croix dressée et faire un silence définitif sur Jésus. Le drame ne peut être réparé, c’est trop difficile à obtenir des méchants, qu’il soit donc effacé ! L’avenir de l’humanité, la paix, le bien-être sont à ce prix, et il vaut mieux qu’un Homme disparaisse de l’histoire plutôt que souffre la multitude. Telle est la plus grande révolution de tous les temps, la seule vraiment radicale, qui ouvrirait à l’humanité une ère nouvelle où la science et la prospérité referaient le monde nouveau et les hommes vraiment unis !
Tels sont les vains projets des hommes charnels qui crucifient une nouvelle fois le Sauveur, mais cela ne sera pas. En proposant au Pape d’oublier la Croix, aux Évêques de rompre avec un passé de combat, les persécuteurs du Christ cherchent la mort de son Église et s’ils arrachent la pierre angulaire, c’est pour ruiner tout l’édifice. Quant à ceux des chrétiens qui acceptent le compromis, ils perdent aussitôt leur énergie vitale et leur influence dans l’Église. Plus de vocations, plus de conversions. Les âmes du troupeau restent trop invinciblement attachées à la Croix et celui qui renie Jésus-Christ perd le troupeau. Non, le drame n’est pas fini, il va seulement devenir plus atroce, plus sanglant du fait de la séduction exercée par l’ennemi sur quelques pasteurs du troupeau.
Ô Sainte Croix, notre unique espérance ! Nous voici, sans cesse émancipés de ta tutelle. Imprime en nous le souvenir des souffrances du Verbe divin, que ta vue amortisse nos passions, humilie notre orgueil, purifie toutes nos œuvres. Ne cesse pas, ô lourde Croix, de gêner nos démarches hâtives, de blesser notre chair trop délicate, de briser le cours de nos rêveries et de nos raisonnements humains. Incline-nous à épouser tous les sentiments de religion et de miséricorde, de patience et d’amour, de soumission et de dévouement qui remplissaient le Cœur de Jésus quand tu le menais durement à la mort. Apprends-nous à ne chercher et trouver la joie, l’amour et la paix qu’au fond de ton calice d’amertume.
Abbé Georges de Nantes
Extraits des Lettres à mes Amis no 136 d’avril 1963 et no 201 d’avril 1965.