Ps 15 : Hôte de Yahweh

LE psaume quinzième résume toute notre sainte religion. Après avoir chanté son espérance dans le « salut d’Israël » qui doit sortir de Sion : « Qui fera sortir de Sion le salut d’Israël ? » (Ps 14, 7), le psalmiste continue sa méditation sur cette « montagne sainte ».

Le psaume quatorzième dénonçait un monde entièrement corrompu. Mais alors, qui séjournera sur la montagne sainte où Dieu réside pourtant, nous le savons par le psaume deuxième où « Celui qui siège dans les cieux, Adonaï », dit : « J’ai sacré mon roi sur Sion, ma Montagne sainte » (Ps 2, 6) ?

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  1. Psaume à David.
    Yahweh, qui séjournera sous votre tente ? Qui demeurera sur votre montagne sainte ?

Abraham

 

  1. Celui qui marche en parfait et qui fait ce qui est juste et qui dit la vérité avec son cœur ;

Moïse

  1. Qui ne trébuche pas sur sa langue, qui ne fait pas de mal à son prochain, et ne porte pas tort à son parent.

David

  1. Objet de mépris à ses yeux, rejeté ; mais ceux qui craignent Yahweh, Il les honore. Il prête serment à ce prochain et ne s’en dédit point.

Portrait du Roi-Messie à venir

  1. Il ne prête pas avec usure, et n’accepte pas de présent contre un innocent. Celui qui fait cela ne sera jamais ébranlé.
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1. Psaume à David.

Yahweh, qui séjournera sous votre tente ? Qui demeurera sur votre montagne sainte ?

La « tente » désigne le Temple en évoquant le temps des origines où Dieu campait avec son peuple dans le désert. La « montagne sainte » peut aussi désigner la montagne des origines, celle du Sinaï, où Moïse fut admis auprès de Dieu. Ici, elle évoque surtout la colline de Sion où Yahweh a sacré son « roi » :

« Moi, j’ai sacré mon roi sur Sion, ma Montagne sainte » (Ps 2, 6).

C’est de là que Yahweh exaucera son Messie : « Ma voix est auprès de Yahweh, j’appelle, et il m’exaucera de sa montagne sainte » (Ps 3, 5).

À cette montagne le psalmiste demeure indéfectiblement attaché : « En Yahweh je m’abrite ; comment dites-vous à mon âme : “ Fuyez votre Montagne, oiseau ! ” » (Ps 11, 1)

Qui sera admis à la gravir pour se tenir en présence de Dieu, à quelles conditions ?

Réponse : comme au temps de Sodome et Gomorrhe, où il ne se trouva pas un seul juste capable d’attirer la miséricorde divine sur ces cités corrompues, Abraham et sa postérité demeurent la « génération sainte » qui séjourne auprès de Dieu, « parce que Élohim était avec la génération sainte » (Ps 14, 5), c’est-à-dire avec Abraham et sa descendance (v. 2), avec Moïse (v. 3), avec David (v. 4).

ABRAHAM

2. Celui qui marche en parfait et qui fait ce qui est juste et qui dit la vérité avec son cœur ;

« Celui qui marche en parfait », c’est Abraham, à qui Yahweh dit : « Je suis El Shaddaï, marche en ma présence et sois parfait. » (Gn 17, 1) Pour devenir juste, participer de la justice divine, il faut donc imiter Abraham dans sa foi : « Abraham crut en Yahweh, qui le lui compta comme justice. » (Gn 15, 6)

Dire la vérité « avec son cœur », c’est la dire « de tout son cœur », contrairement à ceux qui « ne me glorifient que des lèvres tandis que leurs cœurs restent loin de moi », dit le Seigneur (Is 29, 13).

MOÏSE

3. Qui ne trébuche pas sur sa langue, qui ne fait pas de mal à son prochain, et ne porte pas tort à son parent.

Ce verset résume la Loi de Yahweh donnée à Moïse, en laquelle le juste prend son plaisir et qu’il murmure jour et nuit (Ps 1, 2). Pour séjourner avec Dieu sur la montagne sainte, il faut ne pas agir comme les impies :

« Trébucher sur sa langue » consiste à faire un usage abusif du nom divin à l’encontre du deuxième commandement :

« Tu ne prononceras pas le nom de Yahweh ton Dieu à faux, car Yahweh ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux. » (Ex 20, 7)

« Ne pas faire de mal à son prochain » résume les commandements envers autrui : « Tu ne tueras pas. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne voleras pas. Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, rien de ce qui est à ton prochain. » (Ex 20, 13-17)

Enfin, « ne pas porter tort à son parent » correspond au quatrième commandement : « Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahweh ton Dieu. » (Ex 20, 12)

DAVID

4. Objet de mépris à ses yeux, rejeté ; mais ceux qui craignent Yahweh, Il les honore. Il prête serment à ce prochain et ne s’en dédit point.

Ce verset rappelle la scène de l’entrée de l’arche de Yahweh à Jérusalem, lorsque David dansa en découvrant sa nudité. À cause de cela, Mikol sa femme, fille de Saül, le méprisa. David lui répondit : « Je m’abaisserai encore davantage. Je serai vil à tes yeux, mais auprès des servantes dont tu parles, auprès d’elles je serai en honneur. » (2 S 6, 22)

Commentant cet épisode, l’abbé de Nantes écrit : « Comment ne pas faire mémoire ici de la nudité totale de Jésus, le fils de David et Fils de Dieu, sur sa croix, rejeté pour mourir crucifié hors des murs de sa Ville infidèle, de la main des incirconcis sous les railleries des chefs de son peuple ! Tel devait être “ le scandale de la Croix ”, objet de mépris, de honte et de haine pour les âmes basses, perfides et déjà perdues ; objet d’émotion indicible, d’admiration et d’amour pour la Vierge Marie, sa Mère, pour saint Jean et les saintes Femmes l’entourant et s’efforçant de cacher sa honte aux regards des moqueurs...

« Dieu modelait ainsi en David, corps et âme, la figure de gloire et la honte sacrée de son Fils et Serviteur souffrant Jésus Notre-Seigneur... » (CRC n° 313, juin - juillet 1995)

David est déjà une figure du Serviteur souffrant annoncé par l’Inconnu de l’Exil cinq siècles après lui et cinq siècles avant Jésus-Christ : « Objet de mépris, abandonné des hommes,... objet de méprisnous n’en faisions aucun cas [...]. Maltraité, il s’humiliait. » (Is 53, 3-7)

« Il les honore » : le sujet du verbe est Yahweh. C’est Lui qui honore ceux qui le craignent.

« Il prête serment à ce prochain et ne s’en dédit point. » C’est encore Yahweh qui est sujet de ces deux verbes. En effet, si quelqu’un s’est engagé par serment et ne s’en dédit pas, c’est Yahweh. Le serment divin remonte à Abraham, à qui Dieu le prêta en récompense de son obéissance :

« L’ange de Yahweh appela une seconde fois Abraham du ciel et dit : “ Je jure par moi-même, parole de Yahweh : parce que tu as fait cela, que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable qui est sur le bord de la mer, et ta postérité conquerra la porte de ses ennemis. Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m’as obéi. ” » (Gn 22, 15-18)

Parce qu’il « ne s’en dédit point », Yahweh renouvela cette promesse en faveur de David et de son lignage : « Je ne lui retirerai pas ma faveur comme je l’ai retirée à celui qui t’a précédé. Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais. » (2 S 7, 15-16).

PORTRAIT DU ROI-MESSIE À VENIR

5. Il ne prête pas avec usure, et n’accepte pas de présent contre un innocent. Celui qui fait cela ne sera jamais ébranlé.

C’est le portrait du Roi-Messie à venir, fils d’Abraham, nouveau Moïse, fils de David. Il ne se laissera pas vaincre en générosité, il jugera en toute équité, ne se laissera pas corrompre. Au retour de l’Exil, c’est un brûlant rappel de la prophétie de Michée, annonçant le châtiment de Jérusalem précisément pour ce péché des gouvernants et des grands prêtres :

« Ses chefs jugent pour des présents, ses prêtres décident pour un salaire, ses prophètes vaticinent à prix d’argent. Et c’est sur Yahweh qu’ils s’appuient ! Ils disent : “ Yahweh n’est-il pas au milieu de nous ? Le malheur ne tombera pas sur nous. ” Cest pourquoi, par votre faute, Sion deviendra une terre de labour, Jérusalem un monceau de décombres, et la montagne du Temple une hauteur boisée. » (Mi 3, 11-12) C’est ce qui est arrivé avec la destruction de Jérusalem et l’Exil.

Le psaume s’achève avec une assurance toute prophétique en l’avènement d’un homme juste qui « ne sera jamais ébranlé » ; promesse merveilleuse à l’opposé des prétentions de l’impie qui disait : « Je suis inébranlable d’âge en âge. » (Ps 10, 6)

Après bien des tribulations, le Messie méritera d’être “ l’hôte ” de Yahweh en « séjournant sous sa tente » et en « demeurant sur sa montagne sainte » ; il ne sera « jamais ébranlé ». C’est déjà une annonce mystérieuse de la Résurrection. Pour cette raison, l’Église nous fait chanter ce psaume au cours des matines du Samedi saint, avec le premier verset pour antienne.

CONCLUSION

Plus qu’un « précis de morale », comme le dit la Bible de Jérusalem dans une note, ce psaume est assurément messianique : le scribe inspiré prophétise que le Messie à venir sera comme l’aboutissement de toute l’Histoire sainte, accomplissant la promesse faite à Abraham, la Loi donnée à Moïse, et le serment fait à David, dans l’esprit des prophéties de l’Inconnu de l’Exil, en Serviteur souffrant, « objet de mépris », mais honoré par Dieu.

Jésus accomplira littéralement ce psaume, jusque dans un détail frappant. Au milieu du rappel des prescriptions de la Loi mosaïque, le psalmiste fait une omission remarquable, la même que fera Notre-Seigneur : il ne mentionne pas le sabbat !

Ainsi, toute la Loi est ramenée au seul amour du prochain, pour adorer Dieu, comme Notre-Seigneur Jésus-Christ le prêchera durant sa vie publique. Le psautier est tout proche de l’Évangile, c’est un protévangile. Mettons-nous à son école, afin d’être admis un jour au Ciel, qui est la “ Tente ” où séjournent Dieu notre Père, avec son Fils Jésus-Christ, la Vierge Marie sa Mère, et tous les saints qui ont marché sur les pas d’Abraham, de Moïse et de David.

Frère Bruno de Jésus
Il est ressuscité ! tome 7, n° 55, mars 2007, p. 29-30