Ps 18 : Apocalypse

  1. Au maître de chant, au Serviteur de Yahweh, à David qui a dit à Yahweh les paroles de ce cantique, au jour où Yahweh le délivra de la poigne de tous ses ennemis et de la main de Saül.
  2. Et il dit : « Je vous aime, Yahweh, ma force,
  3. « Yahweh, mon roc et ma forteresse, et celui qui me délivre, mon Dieu, mon rocher où je trouve refuge ; mon bouclier, la corne de mon salut, mon rempart. »
  4. Pour la louange j'invoquerai Yahweh, et de mes ennemis je serai sauvé.

I. PÉRIL MORTEL

  1. Les filets de la mort m'enveloppaient ; et les torrents de Bélial m'ont épouvanté.
  2. Les filets du shéol m'encerclaient ; en face de moi, les pièges de la mort.
  3. Dans ma détresse, j'invoquai Yahweh. Et vers mon Dieu je poussai des cris. Il entendit ma voix de son temple et mon cri jeté à sa Face parvint à ses oreilles.

II. LE SALUT DE DIEU

  1. Et la terre a oscillé et vacillé, les assises des montagnes ont frémi, et ont oscillé à cause de sa fureur.
  2. Une fumée montait à ses narines, et de sa bouche un feu dévorait, des charbons enflammés sortaient de Lui.
  3. Il inclinera les cieux et descendra, une nuée obscure sous les pieds.
  4. Il chevauchera un chérubin, et il volera, et il planera sur les ailes du vent.
  5. Il fera des ténèbres sa cachette, tout autour de lui sa tente, ténèbres d'eau, obscurité de nuages.
  6. Jaillis d'une lueur devant lui, de la grêle et des charbons ardents traversent ses nuages.
  7. Yahweh tonna du haut des cieux, le Très-Haut donna de la voix : grêle et charbons ardents.
  8. Il tira ses flèches et les dispersa, multiplia les éclairs et les mit en déroute.
  9. Et les lits des eaux apparurent, et les assises du monde se découvrirent à votre menace, Yahweh, au souffle du vent de vos narines.
  10. Il enverra d'En-Haut me prendre, me retirer des grandes eaux.
  11. Il me délivrera de mon ennemi puissant et de ceux qui me haïssent, car ils sont plus forts que moi.
  12. Ils me faisaient face au jour de mon malheur et Yahweh était mon appui.
  13. Il me fait sortir au large, il me délivre, car il met en moi ses complaisances.

III. MESSIE DOUX ET HUMBLE DE CŒUR

  1. Yahweh me rétribue selon ma justice, selon la pureté de mes mains il me donne en retour,
  2. car j'ai gardé les voies de Yahweh et je n'ai pas été impie à l'égard de mon Dieu.
  3. Car tous ses jugements sont devant moi, et ses décrets, je ne les ai pas écartés.
  4. Et je suis parfait avec lui, et je me garde de mon iniquité.
  5. Et Yahweh me donne en retour selon ma justice, selon la pureté de mes mains qu'il a devant les yeux.
  6. Avec qui est saint, vous êtes saint, avec un homme parfait, vous êtes parfait.
  7. Avec qui est pur, vous êtes pur, et avec le pervers vous êtes retors.

MESSIE VICTORIEUX

  1. Car vous, un peuple humilié, vous le sauvez, et les yeux hautains, vous les abaissez.
  2. Car vous, vous éclairez ma lampe, Yahweh ; mon Dieu illumine mes ténèbres.
  3. Car, grâce à vous, je poursuis un rezzou, et grâce à mon Dieu je saute la muraille.
  4. Le Dieu, parfaite est sa voie ; la parole de Yahweh est éprouvée ; bouclier lui-même pour tous ceux qui s'abritent en lui.
  5. Car qui est Dieu hormis Yahweh ? Et qui est rocher sinon notre Dieu,
  6. le Dieu qui me ceint de force et qui rend parfaite ma voie ?
  7. Il égale mes pieds à des biches et sur mes sommets, il me tient debout.
  8. Il instruit mes mains au combat, et l'arc d'airain tend mes bras.
  9. Et vous me donnez le bouclier de votre salut, et votre droite me soutient, et votre humilité me rendra nombreux.
  10. Vous élargissez mes pas sous moi, et mes chevilles ne fléchissent point.
  11. Je poursuis mes ennemis et les atteins, et je ne reviens pas sans les avoir exterminés.
  12. Je les frappe et ils ne peuvent se relever, ils tombent sous mes pieds.
  13. Vous m'avez ceint de force pour le combat, vous agenouillez ceux qui se lèvent contre moi, sous moi.
  14. De mes ennemis, vous m'avez livré la nuque, et ceux qui me haïssent, je les anéantis.
  15. Ils crient, et point de sauveur ; vers Yahweh, et il ne les exauce pas.
  16. Et je les pulvérise comme poussière au vent ; comme la boue des rues, je les déverse.
  17. Vous me délivrez des révoltes du peuple. Vous m'établissez à la tête des nations. Le peuple ne m'est pas connu. Elles me servent.
  18. Prêtant l'oreille, ils m'écoutent. Des fils d'étranger me font la cour.
  19. Des fils d'étranger défaillent et tremblent depuis leurs repaires.

ORACLE DU MESSIE

  1. Vive Yahweh ! et béni soit mon Rocher, et exalté le Dieu de mon salut !
  2. Le Dieu qui me venge et qui m'assujettit des peuples.
  3. Me délivrant de la colère de mes ennemis, vous m'exaltez au-dessus de ceux qui s'élèvent contre moi. De l'homme de violence, vous me délivrez.
  4. C'est pourquoi je vous louerai parmi les nations, Yahweh, et je chanterai pour votre nom.
  5. Il accroît les saluts de son roi, et il fait miséricorde à son Oint, à David et à sa descendance, à jamais.
* * *

L E deuxième livre de Samuel s'achève sur l'extermination des descendants de Saül, et le récit d'ultimes exploits de David contre les Philistins. Suit un cantique d'action de grâces adressé par David à Yahweh (2 S 22). Le psaume 18 s'inspire de ce chant de victoire, des siècles plus tard, pour garder confiance dans les tribulations des derniers temps de l'Ancien Testament. L'attente du Messie, fils de David, s'est épurée au feu des épreuves de l'Exil, et des déceptions du retour, laissant présager les souffrances à venir du « Serviteur de Yahweh » (Is 42, 1 ; 49, 3 ; 50, 10 ; 52, 13 ; cf. Ps 15, 4), expression appliquée à David lui-même dès la dédicace :

1. Au maître de chant, au Serviteur de Yahweh, à David qui a dit à Yahweh les paroles de ce cantique, au jour où Yahweh le délivra de la poigne de tous ses ennemis et de la main de Saül.

Dans le contexte postexilique, les « ennemis » sont les Samaritains, et les nouveaux « Assyriens » que sont les Grecs du deuxième siècle avant Jésus-Christ (cf. Ps 17, 10-11).

2. Et il dit : « Je vous aime, Yahweh, ma force,

3. « Yahweh, mon roc et ma forteresse, et celui qui me délivre, mon Dieu, mon rocher où je trouve refuge ; mon bouclier, la corne de mon salut, mon rempart. »

« Je vous aime » exprime un vif sentiment de l'amour de Dieu, tel qu'il a brûlé dans l'âme de David, et de Moïse avant lui, car le « roc » dont Moïse fit jaillir l'eau vive, c'était Yahweh (Nb 20, 8) ; la « forteresse » où se réfugia David, d'abord la grotte d'Adullam (1 S 22, 1-5), au désert de Juda, puis la montagne de Sion dont David s'empara pour en faire sa citadelle (2 S 5, 7 ; cf. Ps 8, 3), c'était Yahweh. Sept “figuratifs” de la présence de Dieu évoquent la succession des interventions divines dans l'histoire d'Israël.

« Celui qui me délivre, mon Dieu, mon rocher » : ces expressions évoquent le prophète Élie échappant au poignard de Jézabel pour trouver refuge dans la fente du rocher (1 R 19), là même où Dieu avait dit à Moïse : « Voici une place près de moi ; tu te tiendras sur le rocher. Quand passera ma gloire, je te mettrai dans la fente du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu'à ce que je sois passé. » (Ex 33, 21-22)

« Mon bouclier », c'est encore Yahweh, en vertu de la promesse faite à Abraham : « Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande. » (Gn 15, 1) L'image est chère au psalmiste, en ces temps de détresse et d'apostasie où les bons sont environnés de méchants contre lesquels ils sont sans défense (cf. Ps 3, 4).

« La corne de mon salut » : symbole de la force qui sauve. Zacharie chantera « la corne du salut suscitée dans la maison de David » (Lc 1, 69). Promis par le prophète Isaïe après le châtiment de l'Exil, le « salut » c'est Yahweh ! « Voici, il est le Dieu de mon salut, j'ai confiance et n'ai plus de crainte, car Yah est ma force et mon chant, il est mon salut ! Et vous puiserez de l'eau avec joie aux sources du salut. » (Is 12, 2-3)

« Mon rempart », dans Jérusalem dévastée, occupée par les Samaritains qui voulaient empêcher les rapatriés de le reconstruire (Ne 2, 11 - 4, 17 ; cf. Ps 9, 10), c'est Yahweh !

4. Pour la louange j'invoquerai Yahweh, et de mes ennemis je serai sauvé.

La « louange » accompagne le salut, comme lors de la Dédicace du Temple restauré par Judas Maccabée en décembre 164 : « Le peuple entier se prosterna pour adorer, puis il dirigea vers le Ciel la louange de Celui qui l'avait conduit au succès. » (1 M 4, 55)

I. PÉRIL MORTEL

5. Les filets de la mort m'enveloppaient ; et les torrents de Bélial m'ont épouvanté.

C'était au temps de l'invasion assyrienne : « Parce que ce peuple-ci refuse les eaux de Siloé qui coulent paisiblement, et qu'il tremble devant Raçôn et le fils de Remalyahu, le Seigneur fera monter contre vous les eaux puissantes et profondes du Fleuve, le roi d'Assur et toute sa gloire, il débordera de son lit et franchira toutes ses berges ; il inondera Juda, submergera, se déversera, et atteindra jusqu'au cou. » (Is 8, 6-8)

6. Les filets du shéol m'encerclaient ; en face de moi, les pièges de la mort.

Comme à la chasse... On retrouve les mêmes images dans les textes de Qumrân, dans le rouleau des Hymnes et le Document de Damas. Ils désignent ici et là la situation des fidèles yahwistes, « encerclés », à la veille de l'invasion grecque (cf. Ps 17, 11).

La séduction qu'exerceront sur eux les nouveaux occupants et leur civilisation raffinée seront un « piège » mortel, comme jadis les peuples païens que Yahweh chassa de la Terre promise, disant : « Ils n'habiteront pas ton pays, de peur qu'ils ne te fassent pécher contre moi, car tu servirais leurs dieux et ce serait pour toi un piège. » (Ex 23, 33 ; cf. Ex 34, 12 ; Jg 2, 3).

7. Dans ma détresse, j'invoquai Yahweh. Et vers mon Dieu je poussai des cris. Il entendit ma voix de son temple et mon cri jeté à sa Face parvint à ses oreilles.

La « détresse » désigne la condition d'oppression de l'Exil (Ps 4, 2), en vue de la conversion d'Israël : « Dans ta détresse toutes ces paroles t'atteindront, mais dans la suite des temps tu reviendras à Yahweh ton Dieu et tu écouteras sa voix. » (Dt 4, 30)

« De son temple », littéralement : de son « Hékal », nom de la deuxième salle du Temple (Ps 5, 8 ; 11, 4).

II. LE SALUT DE DIEU

8. Et la terre a oscillé et vacillé, les assises des montagnes ont frémi, et ont oscillé à cause de sa fureur.

Tous ces verbes évoquent l'antique théophanie du Sinaï, comme un appel adressé à Dieu afin qu'il en renouvelle les prodiges au profit de ses fidèles : « Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais, devant ta Face les montagnes seraient ébranlées. » (Is 63, 19)

9. Une fumée montait à ses narines, et de sa bouche un feu dévorait, des charbons enflammés sortaient de Lui.

Le nez est le siège de la colère. C'est encore un souvenir de l'Exode : « Or le peuple élevait une lamentation mauvaise aux oreilles de Yahweh, et Yahweh l'entendit. Sa colère s'enflamma et le feu de Yahweh s'alluma chez eux : il dévorait une extrémité du camp. » (Nb 11, 1) Tel est l'appareil de la jalousie de Yahweh, capable de se mettre en branle à l'appel de son Messie pour le délivrer des « filets de la mort », des « torrents de Bélial » (v. 5), et des « filets du shéol » (v. 6). Car « l'amour est fort comme la mort, la jalousie inflexible comme le shéol. Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahweh. » (Ct 8, 6)

10. Il inclinera les cieux et descendra, une nuée obscure sous les pieds.

Nous pouvons traduire au futur, car le souvenir des théophanies passées fonde l'espérance du psalmiste en une nouvelle intervention de Dieu, comme promis par la bouche du prophète Isaïe (Is 31, 4 ; 63, 19).

La « nuée obscure » est le signe de la présence de Yahweh, comme au Sinaï où « le peuple se tenait à distance et Moïse s'approchait de la nuée obscure où était Dieu » (Ex 20, 21).

11. Il chevauchera un chérubin, et il volera, et il planera sur les ailes du vent.

Comme lorsqu'il quitta le Temple selon la vision d'Ézéchiel : « La gloire de Yahweh sortit de sur le seuil du Temple et s'arrêta sur les chérubins. Les chérubins déployèrent leurs ailes et s'élevèrent de terre à mes yeux, en partant, et les roues avec eux. Et ils s'arrêtèrent à l'entrée du porche oriental du Temple de Yahweh, et la gloire du Dieu d'Israël était sur eux, au-dessus. » (Ez 10, 18-19)

12. Il fera des ténèbres sa cachette, tout autour de lui sa tente, ténèbres d'eau, obscurité de nuages.

Les ténèbres sont celles de l'absence de Dieu, en temps de châtiment comme au moment du déluge. Dieu ne se montre pas. Mais ces ténèbres mêmes sont annonciatrices de son intervention consolante :

« Débordant de fureur, un instant, je t'avais caché ma Face. Dans un amour éternel, j'ai eu pitié de toi, dit Yahweh, ton rédempteur. Ce sera pour moi comme au temps de Noé, quand j'ai juré que les eaux de Noé ne se répandraient plus sur la terre. Je jure de même de ne plus m'irriter contre toi, de ne plus te menacer. » (Is 54, 8-9)

13. Jaillis d'une lueur devant lui, de la grêle et des charbons ardents traversent ses nuages.

La « lueur » (nogah) émane de « la lueur (nogah) de la gloire de Yahweh » (Ez 10, 4).

Nous sommes toujours dans la vision d'Ézéchiel, lorsqu'il se trouvait parmi les déportés, au bord du fleuve Kebar : « Je regardai : voici que sur la voûte qui était sur la tête des chérubins, il y avait comme une pierre de saphir, et quelque chose de semblable à un trône apparaissait au-dessus d'eux. Et il dit à l'homme vêtu de blanc : “Va au milieu du char, sous le chérubin, prends à pleines mains des charbons du milieu des chérubins et répands-les sur la ville.” Et il y alla sous mes yeux. » (Ez 10, 1-2)

14. Yahweh tonna du haut des cieux, le Très-Haut donna de la voix : grêle et charbons ardents.

Selon la vision du prophète Ézéchiel, « le bruit des ailes des chérubins s'entendit jusqu'au parvis extérieur, comme la voix du Dieu Tout-Puissant lorsqu'il parle » (Ez 10, 5).

15. Il tira ses flèches et les dispersa, multiplia les éclairs et les mit en déroute.

Le pronom complément des verbes “disperser” et “mettre en déroute” désigne évidemment les ennemis. Au Ps 12, 2, c'étaient les fidèles qui étaient « dispersés ». Au Ps 3, 2, c'étaient les ennemis qui étaient innombrables. Beau renversement des sorts !

16. Et les lits des eaux apparurent, et les assises du monde se découvrirent à votre menace, Yahweh, au souffle du vent de vos narines.

Comme au jour du passage de la mer des Roseaux.

17. Il enverra d'En-Haut me prendre, me retirer des grandes eaux.

Comme il a fait pour Moïse, ainsi nommé par la fille de Pharaon car, dit-elle, « je l'ai tiré des eaux » (Ex 2, 10). Étymologie populaire du nom de Moïse, moshé en hébreu, à partir de mâshâ, “tirer”. Le psalmiste utilise le même verbe ici, et ce sont les deux seuls emplois de ce mot dans la Bible, figure prophétique annonçant le Messie, fils de David, Fils de Dieu que son Père « enverra d'En-Haut » sur la terre pour venir au secours de l'homme emporté par les « torrents de Bélial » (v. 5).

18. Il me délivrera de mon ennemi puissant et de ceux qui me haïssent, car ils sont plus forts que moi.

Comme il a fait pour Moïse en face de Pharaon, pour Gédéon en face de Madian, pour Samson en face des Philistins, pour David en face de Goliath.

19. Ils me faisaient face au jour de mon malheur et Yahweh était mon appui.

Le Messie puisera son assurance dans l'appui prêté par Yahweh à chacun de ses « serviteurs » dans le passé, particulièrement à David : « Partout où allait David, Yahweh lui donnait la victoire. » (2 S 8, 6)

20. Il me fait sortir au large, il me délivre, car il met en moi ses complaisances.

La voix même du Père accomplira cette prophétie le jour du baptême de Jésus (Mt 3, 17 ; Mc 1, 11).

L'amour de Dieu pour David répond à l'amour de David pour Dieu (v. 2). Pourquoi cet amour ?

III. MESSIE DOUX ET HUMBLE DE CŒUR

21. Yahweh me rétribue selon ma justice, selon la pureté de mes mains il me donne en retour,

« Il me donne en retour », littéralement : « il fait revenir pour moi », jeu de mots intraduisible pour signifier que Dieu accorde enfin, après bien des retards, le « retour » d'exil par les mérites du Roi-Messie, et en sa faveur.

22. car j'ai gardé les voies de Yahweh et je n'ai pas été impie à l'égard de mon Dieu.

Le psaume premier, qui ouvre le recueil comme une préface, oppose le sort du juste et de l'impie ( Ps 1, 1-2). Le psaume quatrième exhale la prière du juste en paix avec Dieu ( Ps 4, 9), bien qu'il ait « gardé des sentiers de brigand » pour racheter Adam ( Ps 17, 4).

En effet, le psaume quatorzième doit constater que tous les hommes sont impies : « Pas un ne fait le bien. » (Ps 14, 1) Actualité des psaumes en nos temps d'apostasie ! L'archétype de l'impie de tous les temps, qui dit : « Il n'y a pas de Dieu ! » est désigné, au début de ce psaume quatorzième, d'un mot, nabal, qui évoque un personnage historique, antithèse de David : « L'homme se nommait Nabal et sa femme Abigayil ; mais alors que la femme était pleine de bon sens et belle à voir, l'homme était brutal et malfaisant. » (1 S 25, 3)

Le livre de Samuel raconte comment cet homme agit envers David comme si Dieu n'existait pas.

En face de Nabal, voici David, fidèle à son alliance avec Yahweh :

23. Car tous ses jugements sont devant moi, et ses décrets, je ne les ai pas écartés.

« Ses décrets » nous ont été révélés au début du psautier : « Il m'a dit : “Tu es mon Fils. Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré”. » (Ps 2, 7)

24. Et je suis parfait avec lui, et je me garde de mon iniquité.

Après les égarements du temps de sa grandeur, ses amours avec Bethsabée et l'assassinat d'Urie, dont il s'est repenti, David se sait pécheur, mais il parle pour celui qui pourra dire : « Qui d'entre vous me convaincra de péché ? » (Jn 8, 46) Et : « Soyez parfaits comme votre Père Céleste est parfait. » (Mt 5, 48)

25. Et Yahweh me donne en retour selon ma justice, selon la pureté de mes mains qu'il a devant les yeux.

En effet, « l'homme regarde à l'apparence, mais Yahweh regarde au cœur » (1 S 16, 7). Aussi a-t-il élu David entre ses frères...

26. Avec qui est saint, vous êtes saint, avec un homme parfait, vous êtes parfait.

Yahweh le disait déjà à Moïse : « Soyez saints, car moi, Yahweh votre Dieu, je suis saint. » (Lv 19, 2)

27. Avec qui est pur, vous êtes pur, et avec le pervers vous êtes retors.

C'est pourquoi Jésus recommandera à ses disciples de se montrer, eux aussi, à la ressemblance de leur Père Céleste, « prudents comme les serpents et candides comme les colombes » (Mt 10, 16).

MESSIE VICTORIEUX

28. Car vous, un peuple humilié, vous le sauvez, et les yeux hautains, vous les abaissez.

La justice divine consiste à sauver « un peuple humilié » et à abaisser les orgueilleux. Les psaumes précédents parlent souvent des anawîm, des humbles (9, 13.19 ; 10, 2.9.12.17 ; 12, 6 ; 14, 6). Le psaume dix-huitième annonce que Dieu vient les libérer en leur apportant la victoire.

29. Car vous, vous éclairez ma lampe, Yahweh ; mon Dieu illumine mes ténèbres.

La lumière de la lampe symbolise la vie et la succession dynastique (1 R 11, 36 ; 15, 4 ; 2 R 8, 19) promise à David, comme va le rappeler le dernier verset du psaume (v. 51). Par elle, Dieu lui-même illumine les ténèbres présentes.

30. Car, grâce à vous, je poursuis un rezzou, et grâce à mon Dieu je saute la muraille.

Deux exploits de David illustrent ce verset.

On lit en effet, au premier livre de Samuel, que les Amalécites ayant fait une razzia au Négeb, « David consulta Yahweh et demanda : “Poursuivrai-je ce rezzou et l'atteindrai-je ?” La réponse fut : “Poursuis, car sûrement tu l'atteindras et tu libéreras les captifs.” » (1 S 30, 8)

Un autre jour, David sauta la muraille de Qeïla où il était enfermé (1 S 23, 7-13).

31. Le Dieu, parfaite est sa voie ; la parole de Yahweh est éprouvée ; bouclier lui-même pour tous ceux qui s'abritent en lui.

De Goliath et de son porte-bouclier (1 S 17, 7), David triompha sans autre protection que Yahweh l'entourant de toutes parts, comme un bouclier.

32. Car qui est Dieu hormis Yahweh ? Et qui est rocher sinon notre Dieu,

Et qui est Goliath, « qu'est-ce que ce Philistin incirconcis pour qu'il ait lancé un défi aux troupes du Dieu vivant ? » (1 S 17, 26)

33. le Dieu qui me ceint de force et qui rend parfaite ma voie ?

Dès son jeune âge, quand il faisait paître les brebis de son père et qu'un lion ou un ours enlevait une bête du troupeau, « je le poursuivais, le frappais et arrachais celle-ci de sa gueule, dit-il à Saül. Et s'il se dressait contre moi, je le saisissais par les poils du menton et je le frappais à mort. » (1 S 17, 34-35)

Et lorsque Saül poursuit David de sa jalousie meurtrière, il peut dire en toute vérité à Jonathan : « Qu'ai-je donc fait, quelle a été ma faute ? » (1 S 20, 1)

Il est « parfait ».

34. Il égale mes pieds à des biches et sur mes sommets, il me tient debout.

Tandis que Saül et Jonathan, sur les montagnes de Gelboé, « sont tombés » (2 S 1, 25).

Après avoir prononcé son élégie sur Saül et Jonathan, « David consulta Yahweh en ces termes : “Monterai-je dans l'une des villes de Juda ?” Et Yahweh lui répondit : “Monte !” David demanda : “Où monterai-je ?” et la réponse fut : “À Hébron.” David y monta. » (2 S 2, 1-2) Mais dans la bouche de David l'expression « mes sommets » désigne surtout Jérusalem conquise sur les Jébuséens (2 S 5, 6).

35. Il instruit mes mains au combat, et l'arc d'airain tend mes bras.

Tournure inattendue que l'analyse grammaticale impose. Le sujet du verbe est « l'arc » dont l'archer use à bras « tendus » : un bras qui tient l'arc et l'autre qui tire ses flèches.

36. Et vous me donnez le bouclier de votre salut, et votre droite me soutient, et votre humilité me rendra nombreux.

« Avant la ruine, le cœur humain s'élève, l'humilité précède la gloire. » (Pr 18, 12) Le psalmiste applique ici cette pensée à Dieu lui-même lorsqu'il attribue au Messie les multitudes, selon sa promesse (Ps 2, 8). Telle est l' « humilité » de Dieu, sa condescendance infinie !

37. Vous élargissez mes pas sous moi, et mes chevilles ne fléchissent point.

« David allait se fortifiant, tandis que s'affaiblissait la maison de Saül. » (2 S 3, 1)

38. Je poursuis mes ennemis et les atteins, et je ne reviens pas sans les avoir exterminés.

Les combats de David contre les Philistins illustrent ce verset :

« Les Philistins montèrent de nouveau et se déployèrent dans le val des Rephaïm. David consulta Yahweh, et celui-ci répondit : “Ne les attaque pas en face, tourne-les par-derrière et aborde-les vis-à-vis des micocouliers. Quand tu entendras un bruit de pas à la cime des micocouliers, alors dépêche-toi : c'est que Yahweh sort devant toi pour battre l'armée philistine.” David fit comme Yahweh lui avait ordonné et il battit les Philistins depuis Gabaôn jusqu'à l'entrée de Gézer. » (2 S 5, 22-25)

Gézer marque la limite du territoire philistin : l'ennemi est “exterminé”, au sens étymologique du mot, rejeté hors des frontières du royaume de David.

39. Je les frappe et ils ne peuvent se relever, ils tombent sous mes pieds.

Tel Goliath, lorsque « David triompha du Philistin avec la fronde et la pierre : il frappa le Philistin et le fit mourir ; il n'y avait pas d'épée entre les mains de David. David courut et se tint debout sur le Philistin ; saisissant l'épée de celui-ci, il la tira du fourreau, il acheva le Philistin et lui trancha la tête. » (1 S 17, 50-51)

40. Vous m'avez ceint de force pour le combat, vous agenouillez ceux qui se lèvent contre moi, sous moi.

41. De mes ennemis, vous m'avez livré la nuque, et ceux qui me haïssent, je les anéantis.

Ainsi s'accomplira l'oracle des origines : « Il t'écrasera la tête. » (Gn 3, 15)

Quel renversement des sorts (cf. Ps 9, 14) !

42. Ils crient, et point de sauveur ; vers Yahweh, et il ne les exauce pas.

« Point de sauveur ! » répond au blasphème de Nabal : « Point de Dieu ! » (cf. Ps 14, 1)

43. Et je les pulvérise comme poussière au vent ; comme la boue des rues, je les déverse.

Ce verset et les deux suivants annoncent l'accomplissement de la prophétie du psaume deuxième : « Tu les paîtras avec un sceptre de fer, et comme vase de potier tu les martèleras. » (Ps 2, 9)

44. Vous me délivrez des révoltes du peuple. Vous m'établissez à la tête des nations.

Le peuple ne m'est pas connu. Elles me servent.

C'est bien ce qu'annonçait l'oracle de Yahweh en faveur de son Oint : « “Moi, j'ai sacré mon roi sur Sion, ma Montagne sainte.” Je publierai le décret de Yahweh. Il m'a dit : “Tu es mon Fils. Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et pour domaine les extrémités de la terre.” » (Ps 2, 6-8)

Ce verset annonce déjà la réprobation d'Israël : « En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas. » (Mt 25, 12 ; cf. Ps 6, 9 ; Mt 7, 23 ; Lc 13, 25)

45. Prêtant l'oreille, ils m'écoutent. Des fils d'étranger me font la cour.

Ils suivent donc la recommandation du psalmiste : « Et maintenant, rois, soyez intelligents. Instruisez-vous, juges de la terre. » (Ps 2, 10)

46. Des fils d'étranger défaillent et tremblent depuis leurs repaires.

Ils « défaillent », littéralement : ils « se flétrissent », comme un feuillage (Ps 1, 3). Le verbe hébreu est de même racine que le nom de Nabal dont le cœur « mourut dans sa poitrine, et il devint comme une pierre » (1 S 25, 37) lorsque sa femme Abigayil lui raconta son intercession auprès de David.

ORACLE DU MESSIE

Le psaume s'achève comme l'histoire de Nabal :

47. Vive Yahweh ! et béni soit mon Rocher, et exalté le Dieu de mon salut !

48. Le Dieu qui me venge et qui m'assujettit des peuples.

Littéralement : « Le Dieu qui donne des vengeances pour moi. » C'est Yahweh qui venge le Messie, et non le Messie qui se venge lui-même, à l'instar de David son père :

« Ayant appris que Nabal était mort, David dit : “Béni soit Yahweh qui m'a rendu justice pour l'injure que j'avais reçue de Nabal : Yahweh a prévenu son serviteur de commettre le mal et il a fait retomber la méchanceté de Nabal sur sa propre tête.” » (1 S 25, 39)

49. Me délivrant de la colère de mes ennemis, vous m'exaltez au-dessus de ceux qui s'élèvent contre moi. De l'homme de violence, vous me délivrez.

50. C'est pourquoi je vous louerai parmi les nations, Yahweh, et je chanterai pour votre nom.

51. Il accroît les saluts de son roi, et il fait miséricorde à son Oint, à David et à sa descendance, à jamais.

CONCLUSION

Nous avons le sentiment d'achever, avec ce psaume, un premier livret, ou “tome premier” de l'œuvre du psalmiste, récapitulant la révélation divine dans son ensemble. Une première partie (v. 2-20) évoque « les saluts » procurés par Dieu à « son roi » dans le passé, selon l'expression finale (v. 51), le pluriel « les saluts » évoquant la richesse de l'œuvre salvifique de Dieu à travers l'histoire. Puis les versets 21 à 27 répondent au psaume premier, celui des « deux voies », dont David a suivi fidèlement la première qui mène au salut. Les versets 28 à 46 évoquent le souvenir des victoires de David, répondant au psaume deuxième. Tout s'achève dans un oracle d'action de grâces envers Dieu, affirmant que David, chef de race (v. 51), est la figure du Messie qui doit venir pour nous délivrer des lacets de l'enfer (v.5-6).

Le livret suivant va nous apprendre ce qu'il lui en coûtera.

Frère Bruno de Jésus-Marie
Il est ressucité ! n° 87, novembre 2009, p. 25