LA GRANDE GUERRE DE 1914-1918
3. Septembre 1914, le miracle sauveur de la Marne
DANS le chapitre précédent, nous nous sommes arrêtés à la victoire de Guise qui va avoir une importance stratégique considérable. Mais pour l’heure, ça ne représente qu’un élément de la bataille.
Le général Joffre donne bientôt l’ordre de retraite à l’ensemble des troupes.
Les armées françaises vont ainsi retraiter jusqu’à la Marne.
LES FORCES EN PRÉSENCE
À la veille de la bataille de la Marne, le front français se présente comme suit, d’ouest en est :
Complètement à l’ouest, la VIe armée du général Maunoury.
Puis l’armée britannique. Les Britanniques ont stationné tous leurs dépôts et leurs forces à Villeneuve-Saint-Georges dans la banlieue de Paris, parce qu’ils pensent que si les choses tournent mal pour eux, ils fileront sur la Loire pour se rembarquer dans le port prédestiné de La Rochelle. Voilà la détermination des Anglais à ce moment de la bataille.
Ensuite, nous avons une brigade de cavalerie qui va faire front à elle seule aux armées allemandes dans ce vide qui sépare la VI e armée de Maunoury et la V e armée de Franchet d’Espèrey stationnée devant Fère-Champenoise. Joffre a en effet nommé Franchet d’Espèrey le 3 septembre à la tête de la Ve armée pour remplacer le général Lanrezac.
Franchet d’Espèrey, qui était un de ses chefs de corps d’armée, a pris sa place et c’est devenu l’armée Franchet d’Espèrey.
Puis l’armée Foch. Le général Joffre, à la suite de l’échec de Foch devant Morhange, très probablement, a créé pour le général Foch une armée nouvelle, la IX e armée, qui est en partie prise de la V e armée de Franchet d’Espèrey. Cette armée Foch a été mise là à l’honneur par Joffre, qui a pour lui et qui aura pendant toute la guerre – jusqu’à une mésentente très grave entre eux – toutes les attentions: le mettre toujours à l’endroit le plus considérable où il pourra conquérir véritablement un prestige sans égal. Il est là au centre de la bataille, aux marais de Saint-Gond, nous en reparlerons plus loin.
L’armée De Langle de Cary est redescendue du nord-est d’une manière très graduée, manœuvrant très bien ; on ne peut lui en faire que des éloges.
L’armée Sarrail. Joffre a nommé Sarrail à la tête de la IIIe armée, pour remplacer le général Ruffey éloigné d’une manière tout à fait injuste. Sarrail est un général franc-maçon, de la bande de Joffre, mais nous aurons à dire beaucoup de bien de lui dans ce chapitre.
Le général Gallieni avait été déclaré défenseur de Paris par Joffre, d’ordre du gouvernement, et successeur de Joffre comme généralissime dans le cas d’une défaillance de Joffre. Mais celui-ci, dans son orgueil, n’a même pas voulu lui donner le document secret de sa nomination ! Le général Gallieni était un excellent colonial ; il était à la fin de son temps, il allait prendre sa retraite, il était d’ailleurs très malade et il venait d’être veuf. C’est véritablement un drame eschyléen que toute cette histoire. Le général Gallieni a reçu de Joffre la consigne de défendre Paris.
Le gouvernement, le 3 septembre, décide de partir de Paris pour aller jusqu’à Bordeaux. Ces gens sont pris d’une terreur panique d’être faits prisonniers par les Allemands. C’est une honte de voir comment tous ces ministres et toutes ces administrations ne pensaient qu’à partir. Ils ont imposé à Joffre de leur écrire une belle lettre pour leur dire que, en tant que chef des armées françaises, il décidait que le gouvernement devait se mettre en sécurité, afin de poursuivre tranquillement le travail de salut du pays!
Moyennant quoi, le malheureux Gallieni s’est trouvé avec un gouvernement qui partait, qui s’enfuyait, qui brûlait tous ses documents secrets et, chargé de la défense de Paris, «à outrance», lui avait bien dit le ministre des Armées, Messimy ; c’est-à-dire jusqu’au dernier Français habitant Paris et jusqu’à la dernière maison. Or, Paris était indéfendable. Les généraux précédents n’avaient pas eu l’idée une seule minute que le siège de Paris puisse recommencer comme en 70 et ils n’avaient absolument rien fait.
Gallieni s’est mis au travail. Il a commencé à mettre des barbelés ici ou là, à refaire des murs, à creuser des fossés; bref, il a un peu mis son peuple au travail. Mais ça n’a duré que trois jours, parce que des renseignements sont arrivés, concordants, montrant que les Allemands ne se présentaient pas à l’ouest ni au nord comme on pouvait le penser, mais que l’armée de Von Kluck était en train de dériver vers l’est. (Voir la carte du chapitre précédent)
LES OPÉRATIONS DES ARMÉES DE L'OUEST
LE MIRACLE DE LA MARNE
En effet, Von Kluck se rapproche de l’armée de Von Bülow où est l’Empereur, parce qu’il en a reçu l’ordre. Mais Von Kluck a un mouvement d’orgueil : il décide de faire cavalier seul pour, lui-même, avoir la gloire d’enfoncer l’armée française, puis de livrer Paris à l’Empereur. Il se rapproche donc de Von Bülow, mais pour le dépasser. Il s’affranchit de son généralissime Von Moltke, et décide d’être le premier à franchir la Marne. Il traverse la forêt de Villers-Cotterêts, il traverse l’Ourcq sans permission, et il traverse la Marne bien avant les autres. […] Ce faisant, Von Kluck, en dehors de toute obéissance, viole le sens de la bataille qui lui a été imposé. Il est en train de descendre à fond de train ; il téléphone à Von Moltke pour lui direqu’il a traversé la Marne, qu’il ne sait pas où en sont les autres ; que doit-il faire? En fait, c’est pour direqu’il est le vainqueur, parce qu’il a traversé la Marne le premier. Mais Von Moltke et Von Bülow, en apprenant cela, voient que Von Kluck est tellement en avance sur eux qu’il va être pris en pince ! C’est de la folie! Tout le monde sait qu’une armée qui fonce en avant a des flancs à protéger. Son flanc ouest est à découvert. C’est donc une folie! Tout ça, par l’orgueil.
Voilà le premier miracle de la bataille de la Marne.
Le général Gallieni, […] avec la coopération de Maunoury, extraordinaire général, envoie des avions pour observer la marche des troupes allemandes, demande à la cavalerie d’aller tôt le matin reconnaître les choses, et recueille les renseignements donnés par des paysans du lieu. Les deux généraux fixent tout cela sur une immense carte murale, ils indiquent tous les passages d’Allemands, et ils voient très clairement que pas une armée allemande ne fonce sur Paris ni sur Pontoise, mais qu’elles sont toutes en train de défiler tout près de Paris en dérivant vers le sud-est. Voyant passer tous ces soldats qui dérivent à quelques kilomètres et qui foncent vers le sud-est, Gallieni, à Paris, fait la même remarque de haut stratège qu’avait faite le général de Castelnau sur le Grand Couronné près de Nancy : il faut attaquer le flanc ouest de cette armée et la mettre en danger au point que, pour se sauver, elle soit obligée de rétrograder.
Gallieni et Maunoury sont sûrs de leur coup.
Ils téléphonent à Joffre. Celui-ci est à Bar-sur-Aube, loin du front pour être certain de n’être pas atteint par la bataille. Il s’est installé là dans une école et il passe ses journées, nous raconte Blond, à l’ombre d’un arbre, assis à l’envers sur une chaise, les bras sur le dossier, à réfléchir. Il ne répond à aucun téléphone. Gallieni et Maunoury téléphonent à Joffre le 2 septembre, le 3, le 4, et Joffre ne répond pas. Gallieni est ainsi obligé de prendre des décisions d’une extraordinaire gravité, sous sa propre responsabilité. Tout de même, il faut réagir, c’est urgent ! Il faut prendre ces Allemands à revers pour leur infliger une terreur panique de l’encerclement.
Finalement, Gallieni prend la décision, le 4 septembre, de faire marcher toutes les forces qu’il a à portée de la main en direction de l’est, carrément, abandonnant Paris à la bénédiction des anges, si l’on peut dire. En fait, il ne risque rien puisque toute l’armée de Von Kluck s’éloigne de Paris. Elle se dirige vers Coulommiers.
Gallieni, de sa propre autorité, déclarequ’on commencera l’assaut le 5 septembre. Joffre se réveille pour dire que ce sera le 6. Toujours est-il qu’ils sont déjà à pied d’œuvre. Le 6 au matin, c’est l’offensive. On chasse les Allemands d’un village à l’autre. C’est en plein été, il fait une chaleur épouvantable, les soldats traversent des champs de blés déjà moissonnés et des champs de betteraves, avec leurs pantalons rouges, avec leur barda sur le dos, par une chaleur caniculaire, n’ayant rien mangé depuis trois jours. Ils avancent, ils avancent; c’est là qu’ils sont d’un héroïsme parfait! Ils n’ont pas de canon, quelques 75 qui sont neutralisés par l’artillerie lourde des Allemands. Les Allemands ont une artillerie lourde, nous n’en avons pas ! En arrivant dans les villages, rares, du plus loin qu’ils sont, ils foncent comme on leur a appris, comme Foch et Joffre leur ont appris: les officiers, en gants blancs, sabre au clair. Un soldat français combat debout et meurt debout, et pas question de creuser des trous! Ils avancent vers des villages où il n’y a pas un Allemand parce que eux, les Allemands, ont déjà la technique de s’enterrer: on creuse un peu et on est à l’abri, puis on tire. S’il y a des mitrailleuses, c’est un gâchis épouvantable! C’est comme ça que Péguy est tué, le premier jour de la bataille. Voilà la bataille de la Marne dans son premier aspect, le plus héroïque.
Les troupes de Maunoury ne sont pas nombreuses, mais l’attaque est si bien conçue que Von Kluck est très rapidement convaincu qu’il va être enfermé dans une nasse.
Alors,il fait revenir son armée vers Meaux, retraverser l’Ourcq, et remonter en direction de Nanteuil-le-Haudouin,pour essayer de tourner l’armée Maunoury, pour tourner la défense de Paris. C’est un grand principe de stratégie militaire: on essaie de déborder l’adversaire, soit par son aile gauche, soit par son aile droite. Ici, l’aile droite de l’armée allemande essaie de déborder notre aile gauche au niveau de ce fameux Nanteuil-le-Haudouin qui est tout à fait un centre, pour la prendre de revers, se donner un peu d’air et conquérir Paris.
Gallieni veut envoyer toutes les troupes possibles en direction de ce Nanteuil-le-Haudouin. Il a des troupes, mais il n’y a plus de chemin de fer pour les conduire au front. À cette heure, la rapidité est décisive. Il mobilise mille taxis, des camions, des bus, etc., sur la place des Invalides pour prendre la direction de Nanteuil-le-Haudouin.
Ce sont les fameux taxis de la Marne. On s’étonne que Gallieni envoie des troupes jusqu’à Nanteuil-le-Haudouin et même Crépy-en-Valois, estimant que c’est beaucoup trop au nord. Mais non, c’est là qu’il faut des troupes pour barrer la route à l’armée de Von Kluck et si possible l’encercler. Les troupes françaises débarquées à Nanteuil-le-Haudouin se battent d’une manière extrêmement violente les 8 et 9 septembre autour de Betz, un village situé entre Nanteuil-le-Haudouin et Crépy-en-Valois, au sommet des deux armées, pour savoir laquelle des deux va culbuter l’autre.
On peut dire que les soldats de cette armée Maunoury se battent comme des lions jusqu’au dernier jour.
Il faut dire que la chance tourne d’une manière décisive le 8 septembre:
Lorsque, en août 1914, l’avance foudroyante des armées allemandes fit craindre pour Paris, la foule des croyants quasi indistinctement courut vers Saint-Étienne-du-Mont. Un triduum de prières fut organisé les 6, 7 et 8 septembre. À l’issue de ces journées, les portes de l’église furent ouvertes et la châsse présentée du haut des marches de l’église à la foule anxieuse qui tomba à genoux. [C’était des milliers de Parisiens qui venaient prier Sainte Geneviève] À quelques jours de là, la victoire de la Marne permit une fois de plus de sauver Paris de l’invasion.
C’est absolument vrai.
N’empêche qu’il y a eu un massacre prodigieux d’officiers. Vous pensez bien que ces officiers qui chargeaient à la tête de leurs hommes étaient repérables par les Allemands, qui commençaient par supprimer les officiers.
À la droite de la VIe armée de Maunoury, se trouve l’armée anglaise. Elle renâcle à s’engager. Elle a été, il est vrai, très malmenée, et elle n’a aucune confiance dans l’armée française, à ce moment-là.
Poussé par Maunoury et Gallieni, Joffre se déplace depuis Arcis-sur-Aube jusqu’au poste de commandement de l’armée anglaise, pour supplier le général French d’entrer dans la bataille. Il le promet, et c’est vrai qu’ils arrivent dans la bataille, même si c’est avec deux jours de retard. Les Allemands croient que l’armée anglaise va les attaquer, ce qui fait beaucoup pour semer la panique chez eux.
À la droite de l’armée anglaise, se trouve la Ve armée commandée par Franchet d’Espèrey. Cette armée va devoir stopper l’offensive dela IIe armée allemande, de Von Bülow. Les soldats de la Ve armée française ont retraité depuis Givet et Dinant jusque-là, ce qui fait une marche de 200-250 kilomètres à pied, en fuyant les Allemands, en mangeant et buvant à peine. Or, ils vont se retourner et devoir faire front contre la redoutable IIe armée allemande de Von Bülow. C’est l’armée de l’Empereur, avec la Garde impériale. Ces soldats allemands constituent une force considérable et très bien manœuvrée, ayant une parfaite science de l’assaut et de la défense. Ces Allemands ont marché autant que les Français, évidemment ; mais ils viennent de leur infliger des défaites, ils ont l’ivresse de la victoire. Or, la pugnacité dont les Français vont faire preuve a stupéfié Von Kluck le premier : « Que des hommes ayant retraité pendant dix jours, que des hommes courbés à terre, à demi morts de fatigue, puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter ; c’est une possibilité dont il n’avait jamais été question dans nos écoles de guerre. »
Donc, Von Bülow descend à la poursuite de la Ve armée française. La gifle qu’il a reçue à Guise le prévient que les choses n’iront pas toutes seules, mais il fonce quand-même, il traverse la Marne et il va jusqu’à Montmirail.
Pendant ce temps, l’armée de Franchet d’Espèrey organise sa défense. Au sein de cette armée se trouve le général Pétain. Il faut lire dans Pedroncini la manière dont Pétain a conduit sa guerre, c’est merveilleux! On peut dire que, à ce moment-là, il a été à peu près le seul à avoir déjà tout une technique de la bataille, celle qu’il avait apprise aux élèves de l’École de guerre, en 1910-1911, d’où il avait été chassé par Foch parce qu’ils n’avaient pas les mêmes idées. Quand Pétain reçoit l’ordre, le 5 septembre, de commencer la contre-offensive, il commence par faire des fortifications là où il est, pour le cas où l’offensive échouerait,afin que ses soldats puissent se replier dans des tranchées qui leurs permettront alors de se défendre. Pétain est le seul à faire ça et à recommencer à chacune des étapes qui vont le mener jusqu’à Berry-au-Bac.
Signalons enfin la cavalerie de Conneau placée entre les Anglais et la Ve armée. Elle va faire la cavalcade de l’une à l’autre armée, entre l’armée Maunoury et l’armée Franchet d’Espèrey, pour essayer de donner l’impression aux deux armées allemandes que, entre elles, il y a tout de même des Français. Donc, cette armée s’est distinguée absolument.
PROGRESSION DE CES ARMÉES, DE JOUR EN JOUR
Le premier jour, quand les Français se sont retournés, le gain de terrain n’a pas été grand. Ils se sont retournés, complètement fatigués, contre des soldats allemands ivres de leur victoire. Ces combats ont été très durs !
Ensuite, les Allemands ont retraité par peur d’être encerclés, d’où les conquêtes des 7 et 8 septembre qui montent très loin, jusqu’au Petit-Morin et qui vont continuer jusqu’à la Marne, jusqu’à Château-Thierry le 9 septembre. C’est véritablement dans ces trois jours que cette aile gauche de notre armée va faire des progrès fantastiques.
Pétain va remonter tout le chemin parcouru du nord au sud durant sa retraite des jours précédents. Il va passer au large de Montmirail, il va passer la Marne aux environs de Château-Thierry. Il remontera à peu près selon la même marche, jusqu’à Berry-au-Bac au nord de Reims, mais avec une défense des Allemands de plus en plus redoutable. Chaque fois, il donnera à ses soldats des consignes très appropriées à la difficulté et, à mesure qu’il avancera, il se rendra compte que les Allemands se ressaisissent. Quand ils arriveront le 14 septembre à l’Aisne, il verra que ses troupes n’ont plus de munitions, les canons n’ont pas suivi, les soldats sont presque sans défense. Continuer dans ces conditions signifierait envoyer ses hommes à la boucherie. Ce serait criminel maintenant de les exposer au feu des mitrailleuses et des canons allemands. Il faut donc absolument s’arrêter. C’est la sagesse même.
LES OPÉRATIONS DES AUTRES ARMÉES
LES ARMÉES DU CENTRE
Voyons maintenant l’armée de Foch, l’armée De Langle de Cary, et celle de Sarrail. Ces armées vont être soumises à des attaques très violentes. Mais les contre-attaques vont être mal digérées, pour des raisons différentes.
La IXe armée de Foch est en face des marais de Saint-Gond. On ne parle que des marais de Saint-Gond, à propos de la bataille de la Marne. C’est une véritable escroquerie intellectuelle. C’est vrai que les marais de Saint-Gond sont au centre du front. Mais Foch va s’y conduire comme un insensé. C’est épouvantable de lire ça dans les récits. Je vous conseille de lire le livre de Blond et, pour la vie entière, vos convictions seront faites. Ces convictions, c’est la vérité opposée à un mensonge qui dure depuis quatre-vingts ans, sauf dans les auteurs spécialistes.
Ces marais sont entourés au nord et à l’est de deux barrières rocheuses. Dans ces marais, si on sort d’un passage un peu stable, on enfonce jusqu’à la ceinture. Conclusion : on ne peut pas traverser ces marais sans se faire anéantir. Qu’est-ce que Foch devait faire? Il devait se retenir de faire une offensive, tant pis pour sa gloire! Il devait rester au sud de ces marais, laisser les Allemands les traverser, et les attendre au débouché. Et là, faire un système de défense avec des tranchées et des feux croisés, de telle manière que les Allemands sortant de leur marais, soient reçus par le feu français. On a fait le contraire! C’est nous qui avons traversé les marais, parce que Foch voulait avoir sa victoire.
L’ordre de Joffre arrive: « On reprend la bataille, le 6 septembre au matin. » Donc, à 6 heures du matin, alors qu’il fait nuit, Foch, qui ne se déplace pas, transmet l’ordre au général de division Humbert, qui les répercute au général de brigade: il faut que ses Marocains traversent les marais de Saint-Gond et montent à l’assaut du village de Congy, puis de Saint-Prix, un village un peu plus haut sur la falaise d’en face.
Et voilà ces Marocains qui partent en pleine nuit, descendent vers les marais de Saint-Gond, et s’y engagent pour les traverser. Au petit matin, ils ont en face d’eux une route qui monte vers ce village de Congy, qu’ils doivent prendre.
Or, à ce moment-là, alors qu’il fait encore nuit, les Allemands qui les attendent, les éclairent avec des projecteurs. Les Marocains sont éblouis, ils ne voient plus rien. C’est un massacre! Le tiers de cette division y passe. Ils reculent,d’autres les remplacent ; puis, de nouveau, Foch imperturbablecommande : « L’offensive ! L’offensive à tout prix! C’est le moral de l’armée qui compte, ce n’est pas le matériel ! » Parce que Foch est empreint de cette doctrine: il faut toujours foncer, l’offensive à tout prix. Résultat : nos soldats se font hacher le premier jour, le second jour, le troisième jour. Les Allemands contraignent les Marocains à reculer de douze kilomètres. Ils sont même obligés d’abandonner Fère-Champenoise. C’est vraiment une page ignoble.
Alors que nos soldats sont partout en train de gagner du terrain, c’est la déroute dans le camp de Foch. Il recule au point d’être obligé de demander à Franchet d’Espèrey de venir à son secours. Ça, on ne nous le dit pas dans les livres! Franchet d’Espèrey laisse à Foch un de ses corps d’armée pour venir à bout du village de Mondement, pour essayer de sauver l’armée Foch de sa retraite. Mondement est un village qui domine les marais de Saint-Gond, exactement à l’intersection entre la Ve armée de Franchet d’Espèrey et la IXe armée de Foch, juste au centre du front. Ce fameux Mondement va être l’intersection entre les gains et les pertes.
Pendant ces trois jours, l’armée Foch vit un calvaire épouvantable. Foch est à Plancy, dans le presbytère, il se promène dans le jardin du curé, et c’est là qu’il se plaint de ne pas avoir de renseignements. Quand il lui en arrive pour lui signaler que ses troupes sont en train de faire retraite, exténuées, ayant perdu leur matériel et leurs canons, que fait Foch? Il donne l’ordre au général Eydoux de faire reprendre le combat à ses soldats. Pendant ce temps, il dit à Joffre que ses troupes tiennent bon et même qu’elles progressent. Nos auteurs disent : ce n’était pas exactement la vérité... C’est le contraire de la vérité! Il soigne sa légende avant même que les soldats soient tirés du désastre où ils sont.
Quand on compare les méthodes de ces généraux les unes aux autres, on se dit que ce Foch est un criminel. Par exemple, après avoir perdu Fère-Champenoise, ses soldats sont absolument recrus de fatigue ; ils s’abattent comme des pauvres pantins au sol et se mettent à dormir, sans prendre aucune précaution pour la nuit! Alors qu’on voit le général Pétain, partout faire creuser des tranchées, mettre des guetteurs, etc., la défense organisée par Foch est dérisoire.
La Garde impériale allemande arrive en pleine nuit, nos soldats se réveillent de leur lourd sommeil, absolument terrifiés, voyant des Allemands en train de crier et de leur enfoncer leurs baïonnettes dans le ventre ! Les Allemands font un massacre !
Le lendemain matin, Foch apprenant cela décide de faire une grande attaque qui lui donnera la victoire. Il a besoin de troupes pour mettre au centre de son dispositif,au niveau de Fère-Champenoise. Il conçoit de faire comme Napoléon qui a vaincu à Iéna, à Austerlitz, en faisant passer très rapidement son aile droite à l’aile gauche, pour foncer sur la partie faible de l’ennemi. Cette imitation de Napoléon, chez Foch, c’est le dernier caractère de ce personnage de comédie ! Il décide de faire revenir la 42e division du général Grossetti de Mondement à Fère-Champenoise. Mais pour que Grossetti puisse se retirer de Mondement, Foch est obligé de demander à Franchet d’Espèrey de lui prêter une division, ce que celui-ci fait. Foch demande aussi à De Langle de Cary, mais lui ne peut pas puisque ses soldats marchent vers le nord.
Foch mène son affaire… du fond de son presbytère. Il envoie quand même Weygand sur le front des troupes pour leur expliquer ce qu’il faut faire: reprendre Fère-Champenoise. Malheureusement, Grossetti doit défendre un autre point faible du front ; il arrive deux heures en retard. Pendant qu’on l’attend, les autres se font tuer par les mitrailleuses. C’est quelque chose!
Finalement, Grossetti arrive. La belle bataille de Foch est prête. C’est pour le 10 septembre. Ce matin-là, Foch donne l’ordre à toute son armée de foncer sur la Garde impériale. On ne voit pas où les Allemands sont cachés. Les soldats commencent à avancer précautionneusement… ils ne trouvent personne devant eux. La victoire qu’on attribue à Foch, la victoire des marais de Saint-Gond, n’a pas eu lieu parce que les Allemands se sont retirés !
Von Moltke, voyant les succès de notre aile gauche a compris que ses armées allaient être prises en pince et, le 10 septembre, il a donné l’ordre général à toutes les troupes de l’Empereur de rétrograder. Les Allemands sont partis, c’est la victoire de la Marne ! Nos soldats n’en reviennent pas, ils ne trouvent plus les Allemands, ils ne trouvent plus que des cadavres amoncelés, par-ci par-là. Il y a seulement quelques combats de cavalerie d’arrière-garde, c’est tout! Les Allemands reculent de quinze, vingt kilomètres en une journée, c’est la délivrance. Mais ce n’est pas fini.
Nous voyons donc que Foch a recommencé là, sous la bénédiction incompréhensible de Joffre, les mêmes erreurs qu’à Morhange. Ayant fait tuer beaucoup de ses soldats, ayant perdu beaucoup de terrain, il ne l’a regagné que grâce aux armées de l’aile gauche qui, pendant ce temps, ont mis l’armée allemande en péril. Il n’a eu comme victoire qu’à poursuivre des fuyards. Et encore ! Quand les autres sont déjà aux environs de Reims, il n’est qu’à Châlons-sur-Marne. Sur la ligne de front stabilisé les 13 et 14 septembre, alors que Pétain est arrivé à Berry-au-Bac, l’armée de Foch est nettement en retard sur les autres. Or, ce retard de Foch aura des conséquences jusqu'à la fin de la guerre, jusqu'en 1918. Ce que Foch n'aura pas conquis va être très solidement fortifié par les Allemands ; et nos grands échecs de la bataille de Champagne trouvent là leur origine. Et c’est Franchet d’Espèrey qui, héritant de cette zone du front à la place de Foch, va payer pour lui !
Nous avons dit beaucoup de mal de Foch, mais nous verrons qu’il continuera à se comporter de la même façon pendant toute la guerre. Alors que lui ne va jamais dans les tranchées, se contentant d’envoyer des ordres fiévreux de son presbytère, la plupart des autres généraux ont été absolument glorieux. Or, eux s’occupaient de leurs hommes, se mettaient en quatre pour leur éviter des hécatombes inutiles.
LES ARMÉES DE L’EST
DE LANGLE DE CARY, lui, a eu une bataille extrêmement difficile, parce qu’il a dû faire face à la très redoutable armée de Von Hausen, et il a voulu tenir absolument. Il a gagné un peu de terrain le premier jour, on le voit très bien sur la carte, puis il a perdu du terrain, et il a dû faire appel à Sarrail. Sarrail ne pouvait rien pour lui car lui aussi était mal pris. Et donc, De Langle de Cary aura dans toute cette affaire un rôle secondaire, peu glorieux, puisqu’il était en face d’armées qui le submergeaient. Mais tout de même, il a tenu, son front n’a pas crevé, et il en a été récompensé.
Pour comprendre la suite de la bataille, il faut savoir que le général Joffre avait mis son Grand Quartier Général à Bar-sur-Aube. Mais il a trouvé qu’il était trop près du front et, en pleine bataille, il s’est fait transporter avec tout son état-major à Châtillon-sur-Seine ! Or, tous les ordres étaient transmis par écrit en même temps que par téléphone. Toutes les estafettes, tous les messagers de chacune des armées devaient donc aller, quelquefois à pied ou en bicyclette, trouver le général en chef pour lui porter des informations et remporter des ordres écrits. Il faut se rendre compte que les armées du centre étaient séparées des armées de l’ouest par une distance considérable, et que Joffre ne répondait jamais rien aux demandes des généraux d’armées.
Dès les premiers jours de septembre, Joffre avait conçu un moyen de défense, et cela d’une manière un peu officieuse, mais en le faisant savoir aux chefs d’armées. Il pensait que, puisqu’on reculait, il valait mieux reculer le plus possible! C'est-à-dire qu’il ne s’agissait plus de tenir sur la Marne, ni même sur l’Oise, mais sur la Seine ! Il voulait que les armées descendent jusqu’à Melun, jusqu’à Nogent-sur-Seine, Arcis-sur-Aube et là, qu’elles s’infléchissent au nord de Bar-sur-Aube pour remonter vers Neufchâteau et Toul.
En entendant cela, Castelnau et Sarrail ont fait observer qu’un tel recul supposait d’abandonner Verdun et Nancy ! Joffre le savait bien, mais il prétendait qu’en reculant jusque dans notre arrière-pays, les Allemands étant très loin de leurs bases de départ, ils manqueraient de munitions et d’alimentation, ce qui nous permettrait de les vaincre ! Il est surprenant de ne trouver la réfutation de ce raisonnement nulle part ! Et pourtant, il est facile de comprendre que s’il est certain qu’on les aurait vaincus plus commodément sur la Seine (et pourquoi pas à Troyes, à Chaumont et à Épinal pendant qu’on y était!), il n’empêche que tout le terrain perdu aurait dû être reconquis, jour après jour et centimètre après centimètre, pendant les années qui allaient venir !
Alors qu’une fois notre front établi de Paris à Soissons, de Soissons au nord de Reims délivrée, et au nord de Verdun, les armées françaises se trouvent dans des conditions tout à fait excellentes.
SARRAIL, […] qui a succédé à Ruffey, a été absolument génial et d’un courage extraordinaire.
Lorsque Joffre lui a fait savoir qu’il pouvait abandonner Verdun, Sarrail, heureusement, n’en a rien fait ! On voit bien sur la carte une espèce de pouce dressé depuis Bar-le-Duc jusqu’à Verdun. Verdun, avec sa défense et ses forts, est comme l’ongle du pouce. Tandis que notre aile gauche est victorieuse, Sarrail se trouve pressé par des ennemis très puissants. Il doit faire front à l’ouest contre l’armée du duc de Wurtemberg qui arrive là et qui le presse, en particulier sur la trouée de Revigny au nord-ouest de Bar-le-Duc, à la soudure de l’armée de De Langle de Cary et de sa propre armée. Si les Allemands réussissent à percer le front à cet endroit, ils pourront dévaler sur Bar-le-Duc, puis descendre la vallée de l’Ornain vers Neufchâteau. Verdun sera absolument entourée, subira un siège comme celui qu’a subi Bazaine à Metz, ce seraitvraiment catastrophique.
On voit bien sur la carte cette suite de divisions qui s’efforcent de faire la jonction entre la IVe armée allemande qui est à Sainte-Ménehould et la VIe armée allemande du prince Rupprecht qui est à Metz et au pied du Grand Couronné. Il n’y aurait qu’à scier le milieu de ce pouce et Verdun serait isolé avec toutes ses troupes et son matériel.Ce serait une défaite au retentissement inouï ! Deux ans plus tard, les Allemands voudront regagner Verdun, ce sera trop tard.
Entre ces deux fronts, près de la Meuse, il y a Troyon. Le fort de Troyon a résisté aux Allemands avec un courage magnifique. Le général Joffre, voyant qu’ils n’avaient plus de munition, qu’ils étaient réduits à rien, leur a donné la permission de se rendre. Ils ont refusé de se rendre! Ils se sont laissé tuer. Ils sont tous morts! J’en pleurerais! Les Allemands croyaient qu’il y avait toujours une défense et, au lieu de franchir la Meuse en passant par Troyon, ils ont respecté le fort parce qu’ils ne voulaient pas l’affronter. Si bien que le fort de Troyon vide a encore contenu l’armée allemande. Résultat : cette armée allemande de l’est n’a pas franchi la Meuse. C’est dire que l’héroïsme paie!
Sarrail a défendu son front au prix de sacrifices inouïs, jusqu’à ce qu’enfin les Allemands reçoivent de Von Moltke l’ordre de retraiter. […] Le front se situe désormais au nord de Sainte-Ménehould, Verdun est délivré et va prendre de l’air au nord. Ce qui fait que Reims le sera aussi par l’alignement du front.
Après cette campagne de la Marne qui se termine le 14 septembre, nous allons entrer dans la période de repos, de pause.
Il y a eu une dernière poussée des Allemands au sud de la Woëvre, vers Saint-Mihiel, avec des combats très violents. Je connais des habitants de Saint-Mihiel qui disent quesaint Michel, le patron de la France, n’a pas voulu que sa ville tombe aux mains des ennemis. Ça sera le redan ou la hernie de Saint-Mihiel qui durera pendant quatre ans, mais la ville même ne sera jamais conquise par les Allemands.
Pendant ce temps, Joffre a disaità CASTELNAU qu’il pouvait abandonner Nancy! Castelnau a fait un plan d’abandon de la rive droite de la Meurthe et de retrait jusqu’à Toul, par obéissance à Joffre. Ce plan a été reproché à Castelnau pendant quarante ans, parce que c’était le signe qu’il se préparait à fuir ! La réalité est toute contraire ! Castelnau, qui est sur le Grand Couronné, va être attaqué avec une extrême violence par la VI e armée allemande qui lui fait face, sur tout ce Grand Couronné, entre la montagne Sainte-Geneviève, où elle était priée par Castelnau pour avoir la victoire, et Amance au sud. Cette II e armée française de Castelnau a tenu avec beaucoup de courage et, finalement, a sauvé Nancy. C’est la seconde victoire de Castelnau et la dernière grande bataille de la Marne.
Ce qui est très remarquable, c’est que Sarrail et Castelnau n’ont pas voulu lâcher pied. Ils ont certainement donné un tour victorieux à la bataille de la Marne, qu’elle n’aurait pas eu sans cela.
CONCLUSION
Cette bataille de la Marne doit traverser les siècles. C’est digne d’Eschyle ! La tragédie des Perses nous donne un peu le sentiment lyrique de la grandeur d’un tel affrontement entre deux peuples. Il faut le dire, parce que, de plus en plus, les historiens nous donnent l’impression que les Allemands sont des civilisés comme les Français, que ce sont des Européens qui s’affrontent dans le combat le plus absurde qui soit ! Il faut se rendre compte que les Allemands du nord, les Prussiens, (plus que les Allemands du sud comme les Bavarois, les Rhénans d’une manière générale), étaient des conquérants. Les Prussiens luthériens détestaient le catholicisme. Pénétrant dans la Belgique très catholique, ils ont agi avec une brutalité insigne, ils ont commis des massacres, des atrocités pour marquer leur passage comme des barbares. Puis, ils ont conquis tout ce territoire français et, à mesure qu’ils avançaient, ils brûlaient les villages, ils faisaient un saccage exprès pour détruire la France. Ils ont commencé à ménager un peu davantage les populations après la bataille de la Marne, parce qu’ils se sont ditque s’ils en venaient à reculer, les Français se vengeraient contre eux.
Cette bataille de la Marne a donc été un triomphe des civilisés catholiques contre les barbares allemands, les barbares prussiens. Il faut tenir bon sur ce point-là. Quand on pénètre la psychologie des généraux allemands, on se rend compte que c’était des reîtres: ce Von Moltke, ce Von Kluck, et ce Von Bülow étaient des reîtres ! Encore que Von Moltke le neveu, était un doux agneau à côté de son oncle! C’était des chevaliers teutoniques qui ne pensaient qu’à écraser les Français sans pitié, et à aller à Paris, mettre Paris à feu et à sang, s’amuser et piller. Ils l’ont fait en grande partie, jusqu’à cet arrêt qui a été véritablement providentiel.
BIBLIOGRAPHIE
Je vous recommande beaucoup trois livres:
- Le livre de Pedroncini “ Pétain, le soldat et la gloire ”. On le lit facilement, même quand on ne connaît pas les choses. Mais à partir du moment où on sait qu’il y a eu un terrible drame, une opposition entre les généraux français, les uns travaillant pour leur gloire et ayant fait périr des soldats par centaines de milliers pour rien, et d’autres absolument économes du sang des Français, beaucoup plus humains, beaucoup plus modestes, on a envie de décorer les modestes et on a envie d’ouvrir un Conseil de guerre contre les bouchers. Pedroncini raconte les batailles du général Pétain. Il faut comparer Pétain avec les autres généraux. C’est extraordinaire de voir ce qu’est un vrai chef qui s’occupe des hommes et de tout le détail de l’armement, etc. Foch avait vu des avions avant la guerre et il disait: « Les avions, c’est du sport!» Il a commencé la guerre en ne voulant pas d’avions pour l’éclairer sur la marche de l’ennemi. Pendant ce temps, Castelnau et Pétain demandaient des avions, avec l’intention de faire faire une union entre les avions et l’artillerie. Bref, ils ont travaillé leur affaire avec intelligence, avec une compréhension très vive des nécessités de la bataille, du besoin des hommes, etc. Ce sont des héros!
- Le livre de Georges Blond, “ La Marne ”, est absolument intelligent. Il va contre les légendes toutes faites, il va jusqu’à la vérité des choses. Je suis absolument d’accord avec lui sur tout. Il faut lire aussi son livre “ Verdun ”. Ça tire des larmes à chaque page.
- Le livre d’Yves Gras “ Castelnau ou l’art de commander ”. Là aussi, c’est passionnant. Castelnau est un grand chef militaire et un grand catholique. Au plus fort de la bataille du Chemin des Dames, après l’échec de Nivelle, ce salopard de Briand qui était chef de l’État à ce moment-là, a dit: Si Castelnau n’avait pas été un calotin, c’est lui qui aurait dirigé les armées françaises dès le début de la guerre et il y a longtemps que les Allemands seraient partis! Ça lui a échappé.
TABLEAU DES OFFICIERS GÉNÉRAUX
publié dans la CRC no 297, décembre 1993, page 11
NOM Commandement |
SEPTEMBRE 1914 | NOTE |
Joffre Généralissime |
D’une incroyable passivité. À son actif : le transport ferroviaire de la VIe armée, d’est en ouest. Il envisage un retrait général sur la Seine et sur l’Aube. Installe son GQG à… Chatillon-sur-Seine ! Sur les instances de Gallieni, donne l’ordre d’attaque générale le 6 septembre. Limoge indignement Lanrezac ; abaisse indignement Gallieni ; promeut Foch, contre toute sagesse et équité, chef d’armée au centre de la bataille. | -10 |
Gallieni Gouverneur de Paris |
Successeur désigné du généralissime, en cas de nécessité. Prépare la défense de Paris, devine l’évolution de la bataille ; devant la totale impéritie de Joffre, donne à la VIe armée (Maunoury) l’ordre d’attaquer dès le 5 septembre ; invente le coup décisif des « taxis de la Marne ». Odieusement écarté et diffamé par Joffre et Foch, pendant et après la bataille. | +10 |
Maunoury VIe armée |
Attaque Von Kluck à hauteur de Paris, sur l’ordre de Gallieni, dans des conditions de fatigue excessive. Contraint la terrible Ire armée allemande à revenir sur ses pas. Le dispositif ennemi est disloqué, obligeant le haut commandement allemand à ordonner la retraite générale, le 10 septembre. | +8 |
Franchet d’Espèrey Ve armée |
Successeur de Lanrezac, en pleine retraite. Reconquiert le terrain perdu sur le Grand-Morin, jusqu’à l’Aisne. Malgré le retard anglais et le vide laissé par la cavalerie de Conneau, fourbue, il porte secours avec beaucoup d’abnégation à la IXe armée de Foch enfoncée par la Garde impériale. | +5 |
Pétain 6e division, Ve armée |
Général de brigade à la tête de la 6e division d’infanterie, remonte méthodiquement le chemin parcouru, des environs de Provins jusqu’à Berry-au-Bac. Se fait connaître comme le meilleur tacticien de l’armée : mise en état de défense de ses bases de départ, préparation d’artillerie en coopération avec l’aviation, suivi de l’avance par l’artillerie… Soucieux de l’état physique et moral de ses hommes. | +5 |
Mangin 5e division, Ve armée |
Brave dans les combats, autoritaire et “ fonceur ”, il sera le premier à critiquer Pétain “trop prudent”… lui-même n’épargnant guère le sang de ses soldats. | |
Foch IXe armée |
Prend son commandement en pleine retraite. Lance son offensive le 6 septembre au nord des marais de Saint-Gond. Responsable des hécatombes de Saint-Gond, de Mondement, de Fère-Champenoise par l’application inhumaine de sa théorie d’offensive à outrance, sans reconnaissance préalable du terrain à conquérir, sans dispositif éventuel de défensive. Pas de contact humain avec ses troupes. Sa manœuvre napoléonienne de la 42e division Grossetti tombe dans le vide au soir du 9 septembre. | -10 |
De Langle de Cary IVe armée |
Combats très énergiques au cours de la retraite. Pendant quatre jours, résiste courageusement à la poussée formidable de deux armées réunies. N’a pas été honoré à son juste mérite. | +5 |
Sarrail IIIe armée |
Successeur de Ruffey, fait pivoter son armée en retraite, en prenant appui sur Verdun. Attaqué à l’ouest et à l’est, il réussit à maintenir sa jonction avec la IVe armée pour verrouiller la trouée de Revigny et conserver Verdun, grâce à l’héroïque résistance du fort de Troyon. | +8 |
Castelnau IIe armée |
Déjà vainqueur du Konprinz de Bavière à la trouée de Charmes, se retranche sur le Grand-Couronné, y résiste pendant six jours, sauve Nancy. Porte secours à la IIIe armée en difficulté sur les Hauts-de-Meuse. | +8 |
L’ensemble du gouvernement de la République | S’est à jamais déshonoré par son départ pour Bordeaux, le 2 septembre, fuyant les armées ennemies, afin d’y donner « une impulsion nouvelle à la défense du pays. » (sic) ! |
Abbé Georges de Nantes
Extraits de la conférence du 20 janvier 1994 (F 38)