1er OCTOBRE 2023

« Ayez entre vous les mêmes sentiments 
qui étaient dans le Christ Jésus. »

L’HUMILITÉ est la servante de toutes les vertus. Qu’il s’agisse de la foi, l’espérance et la charité, ces dons par lesquels Dieu nous élève jusqu’à lui, ou de la prudence, la force, la justice, la tempérance qui règlent toutes nos actions, toutes réclament pour se développer le bon terreau de l’humilité. Mais cette vertu est bien contraire à l’esprit de notre monde moderne. Un paroissien d’Anceaumeville me le disait dimanche ! « On pensait autrefois : l’homme propose et Dieu dispose... maintenant l’homme dispose tout seul ! »

C’est, de fait, atteindre d’un mot la signification profonde de l’humilité et l’outrance funeste de l’orgueil. Si peu que nous soyons orgueilleux nous nous privons encore des richesses de Dieu et de notre prochain, nous sommes comme aveugles et insensibles à leur présence, trop occupés de nous-mêmes pour entrer en vraie communication d’esprit et de cœur avec eux. Ainsi l’orgueil mène-t-il à la ruine, à l’adversité des choses et des gens, surtout au silence de Dieu.

L’humble ne trouve ni confiance ni repos en lui-même. Son humilité est l’aveu de sa pauvreté et l’attente des biens divins : « II comble de biens les affamés »...

Oui, l’humilité précède la gloire, et Jésus nous en est le plus touchant exemple, lui qui se voulut dépouiller de sa majesté et de toute humaine grandeur et mérita, pour cet abaissement, d’être adoré par tous ses frères humains comme le Seigneur de Gloire.

Le parvis de l’humilité, c’est l’humiliation. Beaucoup remercieront Dieu dans le ciel de leur peu de talents, de leur condition modeste, de leur mauvaise santé, de leurs échecs, parce qu’ils les auront douloureusement contraints à l’humilité. Et quand manquent les humiliations naturelles, il en vient d’autres, plus meurtrissantes, les tentations, hélas ! et les chutes répétées.

L’aveu des péchés au prêtre dans la Confession est le meilleur instrument de cette humiliation. Et là, devant cet autre homme qui sonde ouvertement sa misère, chacun doit faire le constat de sa faiblesse et de ses indignités avant d’être purifié par le Sang Rédempteur.

Ce n’est là toutefois qu’un premier pas, et il faut bien prendre garde à ce qu’il a encore d’imparfait. À ce degré, l’âme passe vite du mépris de soi à une excessive confiance dès que cessent les difficultés. Beaucoup pratiquent durant des années ces montagnes russes, de l’orgueil vertueux aux chutes humiliantes.

La véritable humilité vient plus tard. Elle est en effet le propre d’une âme dessaisie d’elle-même et toute rapportée à Dieu. C’est de voir paraître Dieu qui fait naître en l’âme cette humilité nouvelle. Cet effacement gracieux devant la Présence aimée, admirée, adorée, vient du ravissement que les merveilles de la grâce donnent à la fragile créature qui en est l’objet. Ainsi l’humilité des saints est-elle joyeuse et sans cesse renaissante ; elle est le contraste de la reconnaissance et de l’adoration. On comprend maintenant qu’elle grandisse sans cesse pour augmenter encore sans proportion dans la contemplation du ciel.

Mais dès ici-bas ce sont des abîmes d’humilité qu’on découvre dans certaines âmes saintes. Cela paraît dans l’estime qu’elles ont des choses de Dieu et la tranquille sérénité qui est la leur lorsqu’elles jettent les yeux sur le monde et ses grandes misères ; elles savent que ce n’est qu’un appel à la miséricorde, elles ne s’étonnent de rien car tout leur paraît très semblable à leur propre néant que la condescendance divine a su transfigurer.

Approcher de telles âmes purifie et réconforte et je n’ai jamais eu meilleure révélation de ce que pouvait être ici-bas l’intimité d’un être avec Dieu qu’au spectacle d’une telle humilité. Elle est comme le témoignage sensible et humain de la Présence divine même.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la lettre à mes amis n° 18