27 AOÛT 2023
Le Pape selon l’Évangile
CE passage d’Évangile de saint Matthieu nous fait méditer sur l’autorité de Pierre, le chef des Apôtres, le chef de l’Église, le Vicaire du Christ, et en la personne de Pierre, tous ses successeurs. Il nous fait comprendre la psychologie du Pape, du premier des Papes, de saint Pierre lui-même. Pierre était un certain homme, choisi par Jésus-Christ en vue de cette fonction. Tout ce qui lui est arrivé dans l’Évangile, était prémonitoire. Si les Évangélistes, inspirés par l’Esprit-Saint, nous ont raconté ces événements de la vie de saint Pierre, c’est parce que, précisément, elles resteraient un enseignement pour tous les siècles, et un avertissement à tous les papes jusqu’à la fin du monde.
En lisant ce passage de saint Matthieu, nous voyons Pierre dans sa double fonction, ou plus exactement dans son double caractère, dans son fort et dans son faible.
Dans son fort, c’est saint Pierre, au moment du grand échec de Galilée. Lorsque Notre-Seigneur a multiplié les pains, qu’on a voulu le faire roi, et qu’il a déçu les Galiléens dans leurs ambitions politiques, tout le monde le quitte et les Apôtres sont là, hésitants. Jésus dit : « Vous aussi, vous allez me quitter ? » Pierre prend la parole et dit : « Seigneur, à qui irions-nous, vous avez les paroles de la vie éternelle ! Nous croyons et nous savons que vous êtes le Saint de Dieu ! »
Saint Pierre a cette parole de fidélité et Jésus le distingue des autres Apôtres dès ce moment-là, parce qu’il a dit cette parole sous l’inspiration du Saint-Esprit.
Quelques jours après, ils sont à Césarée de Philippe, et Jésus leur dit :
- Que dites-vous de moi ? Pour vous, qui suis-je ?
- Les uns disent que tu es Moïse, d’autres que tu es un prophète, d’autres que tu es un grand homme.
- Et vous, que dites-vous ? Quelle est votre foi ?
- Pierre répond : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !
Alors, Jésus le consacre chef des Apôtres, « parce que ce n’est pas la chair ni le sang qui t’ont inspiré ces paroles, mais mon Père qui est dans les Cieux. »
Saint Pierre est l’homme qui parle au nom de l’Église dans les moments tragiques pour dire la vérité de Dieu. Il est inspiré afin de dire la vérité au moment où tout le monde hésite, où le monde même quitte l’Église, c’est lui qui sauve tout. Saint Pierre et ses successeurs ont, dans les moments dramatiques, tout pour sauver.
Or, dans le même chapitre de saint Matthieu, deuxième face du personnage, Notre-Seigneur profite de cette foi des Apôtres en lui comme Fils de Dieu, pour leur révéler ce qui va se passer. Ce sera effrayant : il va être rejeté de cette génération, insulté, méprisé et crucifié, c’est-à-dire maudit. Car la Loi dit que celui qui meurt sur le bois est maudit.
Donc, c’est une malédiction qui va tomber sur lui. Il le leur explique a priori pour qu’ils ne soient pas scandalisés : « Le Fils de l’homme va aller à Jérusalem pour y être maltraité, condamné, livré aux païens et crucifié, mais le troisième jour, il ressuscitera. » Et Pierre, impulsif, n’écoutant que sa prudence humaine, n’écoutant que ses passions mondaines : « Seigneur, mais tu es fou ! Surtout pas ça ! Jamais de la vie ! » Et Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! Débarrasse le chemin, laisse-moi passer ! Passe derrière, suis-moi ! »
C’est dans le même chapitre. Le « Tu es Pierre » qu’on chante solennellement à Rome et « Arrière de moi Satan » ! Dans le même homme ! Le Satan, dans saint Pierre, c’est l’homme présomptueux et charnel, c’est l’homme qui raisonne selon le monde, qui cherche à plaire au monde, qui va à l’ONU pour dire ce que l’ONU lui a demandé de dire, et d’ouvrir les portes de l’Église aux gens du dehors. C’est le Pierre mondain, qui se croit un malin, le Pierre présomptueux.
Quand Jésus va être livré aux païens et persécuté, Pierre dit : « J’irai, je mourrai avec toi ! » Jésus hausse les épaules, probablement, et lui dit : « Avant demain matin, que le coq chante deux fois, trois heures du matin, tu m’auras déjà trahi trois fois. » Voilà l’homme !
Il est le représentant du Christ sur la terre, l’homme qui a en sa puissance les foudres de Dieu, mais aussi la bonté de Dieu, les clés, c’est lui qui ouvre et qui ferme, qui nous donnera le salut ou bien qui fera notre perdition, c’est librement qu’il assumera sa tâche ou qu’il la refusera, mais c’est le même homme aussi qui est accessible aux raisonnements les plus humains et aux prudences les plus humaines et qui s’effondre au moment où on aurait besoin de lui. Car Pierre a abandonné Jésus !
Et pourtant, Jésus lui a dit : « Quand tu seras revenu, confirme tes frères. »
Donc, il ne faut pas le couper en deux et dire : d’un côté, il y a le grand homme, et de l’autre côté il y a le traître, le lâche. Non, cela ne fait qu’un seul homme ; le Christ est là qui a prié pour lui, afin que sa foi ne défaille pas et qu’à travers ses abandons de cœur, ses lâchetés d’homme, sa foi divine subsiste et soit la pierre angulaire sur laquelle est construite l’Église.
D’où ma conclusion : ayant pénétré dans l’âme de Pierre et de ses successeurs, il y a le même mélange de divin et d’humain. Le pape n’est pas un Dieu sur la terre, c’est un homme qui a des prérogatives divines, qui a des faiblesses humaines.
Voilà le fondement de notre assurance aujourd’hui. Car si nous critiquons le Pape, ce n’est pas dans la part divine de lui-même, qui est bien précisée. C’est quand il parle ex cathedra, à telle et telle condition, qui ne sont plus réunies actuellement parce qu’il ne veut pas faire son œuvre de Pierre. Il fait son œuvre de “ sable ”, et tout s’écroule de ce qu’il fait. Nous le déplorons et nous lui demandons de revenir, afin de nous confirmer dans la foi, car le Christ lui a promis que sa foi ne défaillirait pas, et qu’il serait avec eux jusqu’à la fin du monde. Même s’il fallait encore vivre de nombreuses années dans cette détresse, nous conserverions la foi parce qu’il est écrit : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. »
Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 1er octobre 1979