22 SEPTEMBRE 2023

Les ouvriers de la onzième heure

JE suis de plus en plus frappé de la majesté de Jésus dans ses paraboles. Les discours fantastiques de tous les hommes publics, hommes de lettres ou économistes, sont des discours compliqués à l’extrême. J’ai l’impression dans un premier temps que les paraboles de Jésus ne font pas le poids, parce que c’est simple comme bonjour. Le Christ parle d’une femme qui fait son ménage, sa cuisine, ou encore de paysans, de pêcheurs, et autres choses semblables. Apparemment, c’est très pauvre, médiocre, et on part déçu.

C’est ce que Jésus veut ! Celui qui est déçu par la parabole du Christ, prouve par là qu’il n’a pas besoin de Lui et qu’il ne répondra pas à l’appel du Maître. Il faut revenir aux paraboles et aller contre soi-même, parce que, précisément, les paraboles sont très correctives. Elles ne sont pas faites pour nous faciliter les choses de la vie, elles sont faites pour nous alarmer sur nous-mêmes et, mine de rien, remettre en place ce qui doit être remis en place. Elles sont justement et salutairement correctives.

En face de cet homme si remarquable pour le peu qu’on nous en dit, il y a tous ces serviteurs qui ne comprennent rien, ni à la justice, ni à la miséricorde divine. Soyons pleins d’admiration pour les discours de Jésus et donc, pour son Cœur miséricordieux.

« Le Royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au point du jour, afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. »

Pendant la guerre, j’ai travaillé dans les vignes et je sais comment le propriétaire passe son temps à aller et venir dans ses vignes pour voir si on travaille, si on respecte les ouvriers et les ouvrières, si on donne à boire et à manger en temps voulu. C’était un beau spectacle de voir le Comte de Saint-Exupéry, cousin du célèbre aviateur, visitant ses ouvriers et les gens des Chantiers dont nous étions. Quand on voyait sa haute silhouette dans ses vignes, chacun se redressait un peu et reprenait courage.

« Il convint avec les ouvriers qu’il avait embauchés, d’un denier pour la journée et il les envoya à sa vigne. Sortant vers la troisième heure... »

Ce sont les heures romaines. Il s’agit de 9 heures, c’est déjà très tard. Dans les vignes du Midi, où j’ai travaillé, on commençait à 3 heures du matin et on avait fini à 3 heures de l’après-midi, parce que la chaleur était écrasante.

« Sortant vers la troisième heure, il en vit d’autres sur la place à ne rien faire. Il leur dit : Allez, vous aussi, à ma vigne, je vous donnerai ce qui sera juste (cela veut dire que ce sera proportionné à votre travail.) et ils partirent. Sortant de nouveau vers la sixième heure (midi), puis vers la neuvième heure (3 heures de l’après-midi), il fit de même. Vers la onzième heure, il sortit encore et il en trouva d’autres qui étaient là. Il leur dit : pourquoi êtes-vous là toute la journée à ne rien faire ? Ils répondirent : Personne ne nous a embauchés. Il leur dit : allez-vous aussi à ma vigne. » Quel bon propriétaire !

« Le soir venu, le maître de la vigne dit à son régisseur : “ Appelle les ouvriers et règle le salaire en commençant par les derniers pour finir par les premiers.” Ceux de la onzième heure vinrent donc et ils reçurent chacun un denier. (Le maître peut faire ce qu’il veut, mais les autres ouvriers l’ont bien vu). Quand les premiers vinrent, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent eux aussi chacun un denier. En le recevant, ils murmuraient contre le maître du domaine. Ils disaient: “Ceux-là n’ont fait qu’une heure et vous les traitez comme nous qui avons porté le poids du jour et de la chaleur (ces expressions de l’Évangile sont si parfaites qu’elles sont passées dans le langage ordinaire). Mais il répondit à l’un d’entre eux : “ Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’avais-tu pas convenu avec moi d’un denier ? Prends ton bien et va. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi. N’ai-je pas le droit de faire de mes biens ce que je veux ? ” »

Cela veut dire : n’ai-je pas le droit d’être bon ? Pourquoi ne voulez-vous pas me laisser faire plaisir à ces hommes.

« As-tu l’œil mauvais parce que je suis bon ? »

L’égalitariste est généralement quelqu’un qui n’est pas satisfait de son sort, qui envie la richesse des autres et qui fait toute une théorie pour justifier sa revendication d’avoir autant que le voisin. Ces paroles du maître de la Vigne vont droit au but.

ET voici la conclusion : « Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers. »

C’est énigmatique. Le cœur du maître est très secret, très mystérieux, mais tout ce qu’il fait est sage, bon, et doit être approfondi par nos réflexions plutôt que critiqué. Enfin, il y a un dernier mot qui est ajouté là, mais qui, certainement, n’est pas la conclusion de cette parabole : « Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Cette parole est bien connue. Elle est sinistrement vraie dans des époques comme la nôtre. Beaucoup sont appelés, peu sont élus. Alors, interrogeons-nous : Suis-je dans les appelés qui ne seront pas élus ou suis-je dans les bons travailleurs qui ne critiquent pas le patron, lui obéissent, et sont pleins d’amitié pour les autres ? Tout cela, je le laisse à votre réflexion. C’est une belle parabole qui nous parle du Cœur de Jésus et de Marie d’une manière très pertinente.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la lecture spirituelle du 20 février 2000