23 AVRIL 2023

Joie pascale

CET Évangile que nous venons de lire est absolument touchant, quant au fond, quant au style même de saint Luc, qui est discrètement fleuri, extraordinairement élégant. Je le trouve tout à fait en harmonie avec la joie du printemps, la joie de cette vie hésitante qui commence à renaître et qui fait la joie naturelle des braves gens en ce moment.

Mais je voudrais vous faire comprendre quelque chose que je commence à comprendre : ces bons disciples qui quittaient Jérusalem et qui traversaient comme cela la belle nature du printemps pour rentrer chez eux, à Emmaüs, avaient le cœur triste, parce que Jésus était mort. Et, alors que la nature, comme chaque année, reprenait sa vigueur charmante et féconde, le principal, le Christ, qui aurait dû être le Pain de vie, lui, était mort et ses disciples ne croyaient plus en lui, en l’avenir.

Quand nos cœurs sont tristes, même la nature la plus gaie, la plus charmante, est bien incapable de les ranimer et de leur donner la moindre joie. Il y a les choses essentielles et il y a les choses secondaires.

Voilà pourquoi la fête de Pâques n’est pas du tout la fête du printemps, comme disent les imbéciles ; elle a été la fête du printemps chez les païens, pourquoi ? Parce que les païens ne pouvaient pas penser que la nature ressuscite ainsi chaque année merveilleusement, sans qu’il y ait un être, un créateur, qui, par cette renaissance de la nature, leur dicte la confiance. Donc, même les païens, quand ils avaient ces cultes naturistes dont on nous parle tant et qu’on essaie maintenant de ressusciter, quand ils admiraient la renaissance, le renouveau de la nature, qu’ils faisaient de grandes fêtes pour les célébrer, ce n’était pas du tout par amour de la terre, c’était parce que cela parlait à leur conscience, à leur âme, d’un Dieu bon, capable de faire ressusciter la nature, et qui serait donc capable de faire ressusciter leur nature spirituelle et leur donner la vraie vie.

Donc, dans leur joie purement naturelle, apparemment naturelle, du retour du printemps, les païens célébraient – et je suis persuadé qu’ils le faisaient avec une grande lucidité – l’annonce de l’Évangile, la renaissance promise à leurs âmes pour un certain jour où reviendrait l’âge d’or.

Alors, contraste dramatique entre la tristesse des gens d’Emmaüs qui rentrent chez eux comme en un jour de deuil, alors que la nature est en fête. Mais merveille, parce que ce voyageur qui vient cheminer avec eux leur rend l’espérance. Cela se termine merveilleusement puisque ce voyageur reste avec eux. Au début du repas, il bénit le pain, le rompt et le leur donne. Alors, ils reconnaissent Jésus. Ça y est, Jésus est là, Il est vivant !

Le récit s’arrête là. Pourquoi ? Parce que nous savons très bien la suite. Saint Luc précise simplement qu’ils sont rentrés à Jérusalem annoncer la Résurrection du Christ, mais ce que nous savons très bien, c’est que la joie a pénétré leur cœur et maintenant, cette joie, nul ne la leur ravira jamais ! comme l’a dit Jésus au soir du Jeudi saint. Quand il reviendrait, la joie serait là et elle serait permanente, décisive.

Nous avons bien pleuré, médité et prié pendant la Semaine sainte ; maintenant que nous est venue la joie de Pâques, il faut être dans l’action de grâces. Nous sommes dans la joie mutuelle de ceux qui retrouvent Jésus, savent qu’il est maintenant toujours vivant, qu’il ne cesse de faire ressusciter les âmes avec lui, par la grâce, comme il fait ressusciter la nature, les arbres, les fleurs, au printemps.

Ainsi, nos âmes sont dans la joie et cette joie sera un puissant secours pour persévérer dans nos bonnes résolutions de Carême.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 7 avril 1980 – (S 45)