APOLOGÉTIQUE TOTALE
Au bout des chemins de la science : la foi
INTRODUCTION : ÉPISTÉMOLOGIE
LA révolution copernicienne menée à son terme par notre école de pensée est celle du rationalisme à l’existentialisme, mais un existentialisme fécond que nul préjugé ne vicie. Nous ne renonçons pas pour autant à la raison, nous la situons seulement à sa place, très honorable, au sein d’une intelligence de l’être qui la déborde de toute manière.
SCIENCE ET RAISON FACE À L’EXISTENCE
L’existence est suffocante et le demeurera toujours pour la raison dominatrice. Elle la déborde, et menace de ses mutations, métamorphoses, avatars, apparitions, disparitions, génération spontanée, morcellement, synthèse, mort...
La première tentative d’explication de cette “ existence ” fut celle de l’idéalisme grec : la raison organise et structure la réalité par des lois universelles et nécessaires (essences ou natures). Vision du monde rassurante, mais très réductrice ; à l’opposé on trouve celle de l’irrationalisme, qu’il s’agisse de celui des vieilles religions ou sagesses orientales, de l’existentialisme athée, destructeur du réel, ou du romantisme germanique... Ce qui domine ce rationalisme prométhéen et cette confusion du panthéisme, c’est la sagesse empirique existentielle (...).
L’existence de notre expérience commune nous paraît en partie mystérieuse, en partie rassurante. C’est sous cette figure plus claire que le chaos, mais moins éblouissante que l’être pur – pour le mystique – que notre faculté rationnelle va construire, par abstraction et induction l’édifice de la science. Celle-ci, dans le climat de pareil existentialisme, restera modeste et soumise à l’intuition plus haute de la relation existentielle créatrice, partout présente (...) ! Or, preuve supplémentaire du bien-fondé de cette sagesse empirique existentielle, c’est que l’histoire des sciences elles-mêmes prouve que c’est à sa lumière que la connaissance et les avancées technologiques progressent (...).
OFFRE DE DIALOGUE DE LA VRAIE SCIENCE À LA FOI
Pour assurer l’avenir, la science doit donc renoncer tout à la fois au rationalisme grec et à l’irrationalisme moderne et orientaliste ! Elle sait qu’elle ne sait pas tout, ou plus précisément qu’elle manie des concepts qui ne déterminent ni ne définissent pas les réalités qu’ils dénomment, désignent et évoquent ; elle les maitrise en partie seulement (...).
Les sciences, rationnelles, mais non rationalistes, refuseront donc avec fermeté d’admettre l’irrationnel, l’absurde, l’inintelligible à côté d’elles. Elles reconnaîtront simplement que leur chemin s’arrête à de certaines limites actuellement ou définitivement marquées, comme infranchissables à l’observation, ou au calcul, ou au raisonnement. Et c’est au-delà, mais sur le chemin déterminé de ses réponses acquises et de ses questionnements précis qu’elles devront admettre d’examiner les réponses ou révélations de la foi.
QUE SAVONS-NOUS DE L’UNIVERS ?
Férus d’astronomie et de cosmologie, mais idéalistes en philosophie, les Grecs imaginaient que les astres étaient animés d’un mouvement régulier, uniforme et circulaire, éternel. Cet a priori les gênera beaucoup dans leurs observations.
Il faudra attendre KEPLER (1571-1630) pour découvrir que les astres ne décrivent pas des cercles, mais des ellipses, dont le soleil est l’un des foyers. Avec NEWTON (1643-1627), enfin, on passe de la cinématique à la dynamique par la découverte de la gravitation universelle qui règle le mouvement des planètes (...). Ce mouvement n’est pas du tout ce qu’on croyait, il est perpétuellement accéléré en vitesse et en direction ; l’homme pour la première fois est amené à sortir de sa tour d’ivoire rationnelle, idéaliste, et se trouve confronté à la réalité d’un monde qui le dépasse (...).
Pierre-Simon, marquis de Laplace (1749-1827) progresse et augmente le vertige du “ raisonnable et honnête homme ” en découvrant la formation du système planétaire. Notre soleil n’est plus qu’une étoile de notre galaxie, et notre galaxie, une parmi tant et tant d’autres. C’est prodigieux.
LA THÉORIE DU BIG-BANG
L’hypothèse de Laplace conduit à la théorie du Père Georges Lemaître (1894-1966) et d’Edwin Hubble (1889-1953) : Donnez-moi une nébuleuse primitive à haute température, animée d’une force d’inertie considérable tournoyant sur elle-même, ou mieux d’une radioactivité explosive, et je vous raconterai l’histoire de l’univers. C’est la théorie du “ big-bang ”, de l’univers en expansion, gloire de l’esprit humain, sommet de l’astrophysique classique, au chapitre nouveau de la thermodynamique (...).
A. Malgré tout ce que la “relativité” y a mêlé de contestable :
1. Supposition de la fuite des galaxies, par l’invention de la constante h de Hubble (...).
2. L’introduction de la constante c de répulsion cosmique, pure imagination d’Einstein. (159, p. 10 ; 161, p. 3)
3. La transposition en termes d’astrophysique des équations relativistes introduisant dans la géométrie une “courbure” de l’espace absolument irréelle...
B. Malgré la grande errance de trois quarts de siècle de mécanique quantique, relativiste, indéterministe, ayant pour cause l’engouement pour le discontinu, aujourd’hui, les physiciens : Dirac, d’Espagnat, René-Louis Vallée reviennent au sentiment d’un univers plein (réalité de l’éther), et de la continuité de la matière (...).
C. Cette hypothèse fournit aujourd’hui un cadre à la pensée à peu près universellement admise par les savants, selon laquelle le monde matériel n’est ni statique ni en mouvement perpétuel. Il résulte d’une première “explosion” dont l’énergie a donné un “ espace ” à la “ matière ” originelle, faisant du “ monde ” le théâtre d’un drame, d’une histoire, depuis le “ bigbang ” originel jusqu’à une fin appelée ENTROPIE, qui est une sorte de mort, un équilibre stable des énergies dans leur forme dégradée (...).
Mais alors, se posent les questions : Qui, comment, pourquoi ? Qui a fait cela ? Qui a créé cette masse de l’atome primitif ? Qui lui a communiqué cette énergie qui développe ses effets jusqu’aujourd’hui ? Que savons-nous de la matière universelle ? (...). Pourquoi cette évolution, aboutissant à rendre notre terre habitable, afin qu’elle puisse accueillir la vie ? La terre s’est refroidie, une couche d’ozone s’est formée ; il n’y fait donc ni trop froid, ni trop chaud. Tout paraît, d’une manière admirable, mis en ordre par le Créateur vers cette fin : LA TERRE, et LA VIE sur la terre.
QUE SAVONS-NOUS DE LA VIE ?
Aux yeux de l’apologète, ces lois de l’univers matériel sont des manifestations de la toute-puissance de Dieu et de sa bonté. À plus forte raison celles de l’univers “ vivant ” qui introduit une nouvelle forme d’énergie. La “ vie ” ne connaît pas la dégradation. Elle est invention, défense, création de l’improbable, “ complexification croissante ”, comme disait Teilhard, adaptation, croissance, reproduction, force intime, spontanéité d’une organisation immanente des êtres. Tandis que le caillou est soumis rigoureusement et uniquement à la pesanteur, la fleur, elle, se développe. Elle vit.
La découverte progressive des mécanismes... de la vie fonde la biologie ; et la découverte de la molécule, “ brique ” constitutive de tous les vivants depuis le virus jusqu’à l’homme, fonde la biologie moléculaire. Enfin, la découverte, au centre de la molécule, de l’acide désoxyribonucléique (ADN) qui contient tout le “ programme ” de la genèse du vivant, mi-partie venu du père, mi-partie venu de la mère, a montré que “ la vie ” est soumise au déterminisme de ce “ programme ”, de cette “ information ” génétique primordiale.
Ainsi, dans le moindre oursin ou dans le moindre ver à soie, il y a un principe qu’Aristote appelait une “ âme ”. Celle-ci se conforme à l’information dont elle lit tout le détail dans les gènes et chromosomes de l’ADN, avec non seulement la volonté de structurer l’individu, mais une autre virtualité qui ne vient pas d’elle, mais de son Créateur, évidemment : celle de se préoccuper de la perfection de l’espèce. Il y a plus : dans chaque âme animale, il y a plus : une sorte d’attrait, d’attirance, de “ prophétisme ” vers l’apparition d’espèces nouvelles et plus complexes, comme lorsque ces malheureux poissons sont sortis de l’océan et ont commencé à avoir un double système de respiration qu’ont encore aujourd’hui les dipneustes, qui n’étant plus poissons ou pouvant l’être encore, sont devenus déjà des reptiles pouvant respirer. Le fait est inscrit dans les fossiles. C’est donc une puissance de la vie. Cela ne veut pas dire que la vie est Dieu, mais que Dieu a donné à la vie cette puissance d’évolution dont nous sommes les témoins éblouis.
D’où cela vient-il, sinon de quelques sous-primitifs, de certains agencements de matière qui ont permis l’éclosion de la vie ? Mais non sans l’aide du Créateur, évidemment ! Car Dieu est partout dans cette usine automatique formidable de la biosphère dont les savants découvrent les mécanismes. La vie est comme une force guidée, qui la fait monter et peupler tout l’univers, préparant l’avènement de l’homme, roi de la création. C’est ainsi que, historiquement, les êtres vivants ont progressivement peuplé le monde. D’abord la mer, puis la terre, puis le ciel. La paléontologie a montré que ces êtres d’espèces différentes avaient cependant des caractères morphologiques et physiologiques très voisins, permettant de les classer selon une sorte d’éventail. Les théories “ évolutionnistes ” sont nées de là.
DARWIN en est le doctrinaire le plus connu, le plus “ fixiste ” aussi ! dans sa rage de tout expliquer sans Dieu. Selon lui, chacun des êtres vivants est nécessairement conduit à réaliser exactement le plan de son espèce. Sauf, disait-il, accident, hasard, faisant apparaître une forme nouvelle. C’est ainsi qu’il expliquait l’évolution. Mais cette théorie est tout à fait condamnée par l’expérience et par le calcul des probabilités.
L’abbé de Nantes souligne au contraire, à la suite du professeur Grassé, que la vie n’est pas sur des “ rails ”. La réalité est infiniment plus riche que ce que Darwin et les matérialistes athées ont imaginé. La vie est une merveille ! qui suit en partie un plan préconçu, oui, de telle sorte que les oursins, par exemple, peuvent avoir exactement la même structure sans qu’il y ait le moindre changement pendant des millions d’années. Mais la paléontologie observe aussi différents “ étages ”, comme la géologie distingue les stratifications d’une roche. Comment la vie s’est-elle développée, comment est-on passé d’un étage à l’autre ?
Eh bien ! il y a des “ rails ” oui, mais il faut dire aussi que la vie est capable d’évolution. De temps en temps, elle peut retrouver la liberté de la route et inventer des formes nouvelles, répondant à des conditions géologiques ou climatiques nouvelles. Le Créateur lui a donné cette puissance. C’est donc beaucoup plus complexe que l’univers matériel où le fixisme règne. La vie est une invention toujours déroutante. Ça fourmille, ça foisonne à l’étage inférieur. Et puis un beau jour, il y a un escalier et un animal passe de l’étage inférieur à l’étage supérieur. Et il se transforme conformément au plan de Dieu, grâce à la force de la vie qui est en lui ; naît alors un genre, un embranchement supérieur. La paléontologie décrit les seuils, les étapes de cette évolution. De l’amibe à l’oursin, de l’oursin au poisson, du poisson au reptile, etc. Le but, c’est... l’apparition de l’homme, cet animal que Dieu dote d’une âme spirituelle.
LA RÉPONSE APOLOGÉTIQUE
1. À L’ASTROPHYSIQUE
Qu’il y ait eu un commencement et que le devenir de l’univers soit historique, voilà qui court au-devant des grandes affirmations fondamentales des religions et en particulier de la Bible : au commencement Dieu créa le Ciel et la terre, etc.
La matière, elle, existe dans l’espace ; l’énergie, elle, existe et se dégrade dans le temps. Que ce devenir soit décadent et enfin catastrophique sur une très, très longue période, cela paraît au savant classique sans échappatoire. Non au savant religieux dont la science recueille maintes preuves des métamorphoses incessantes et quasi infinies de ce dont les êtres sont faits : matière et énergie. Une transmutation de l’univers est possible. Le savant tend à l’imaginer, plutôt que d’affirmer le moins du monde un retour de la matière au “ néant ”, ce qui reviendrait pour lui à enseigner une science de pure négation, ou à professer une foi vide, une religion du rien...
Ainsi la science moderne, si elle tend vers une hypothèse optimiste, conduira à entendre l’annonce des cieux nouveaux et de la nouvelle terre que formule la Révélation chrétienne, comme un aboutissement qu’elle postulait sans oser y croire. Les textes fondamentaux et sans équivoque de : Rm 8, 18-23 ; II Pet 3, 7 ; Ap 21, 1, confirment l’espérance du scientifique, mais lui révèlent du même coup le plus haut destin auquel lui-même est appelé.
2. À L’ÉVOLUTIONNISME BIOLOGIQUE
Qu’il y ait eu apparition de la Vie par le plus phénoménal des hasards, à partir de la matière dite “ soupe primitive ”, et une seule ou plusieurs ou mille mutations à l’origine des vivants que nous connaissons, là encore les religions et en particulier la Révélation Biblique (cf. Gen 1 ; 2) ne peuvent que le confirmer et s’entendre ainsi étroitement avec les savants, expliquant par la geste de Dieu ce qu’ils supposent comme des événements fondateurs de la biosphère, objet de leur science.
Que cette biosphère ait tendu par sa lignée privilégiée vers la forme humaine, et qu’elle se soit si bien diversifiée et répartie sur terre que toutes les autres catégories de vivants aient été comme prédestinés au service de ce Roi de l’univers, là encore les suppositions finalistes des savants aboutissent droit aux affirmations de notre Religion.
En revanche, ni la science ni la religion ne tendent à prolonger sérieusement la courbe ascendante au-delà de l’humain dans l’évolution animale. Point de surhomme autre que de rêve, mais le mystère des infinies virtualités de la Vie.
3. À LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
N’y-a-t-il donc rien à découvrir, autre qu’une possible métamorphose de la matière, en forme de grand incendie, reconstituant et régénérant les énergies cosmiques en vue d’une nouvelle histoire ? Le monde animal et le monde humain n’ont-ils plus de destins évolutifs que la médiocratie d’une civilisation terrestre telle que nous pouvons la deviner, pessimiste ou optimiste, toujours odieusement banale ?
C’est là que s’insère la seule hypothèse futuriste vraiment neuve. Si audacieuse, si originale que je ne connais point de savants qui osent la formuler : la métamorphose des êtres humains terrestres en vertu des capacités de leur vie naturelle, de leur forme spécifique, de leur ADN, par mue ou mutation inconnue, en un état transcendant l’actuel (cf. I Cor 15).
Il ne s’agit pas de l’espérance d’une survie indéfiniment prolongée, dans l’état animal présent, ce à quoi paraissent limités les rêves de la science moderne, fort compromis par les demandes d’euthanasie, tant la vie ne vaut plus d’être vécue après son temps naturel.
Mais la biologie moléculaire scrute, pour ainsi dire, les virtualités infinies des organismes supérieurs. Elle pourrait inventer à l’être humain, pris dans sa condition charnelle et mortelle, d’autres conditions, par exemple mille fois plus immatérielles, libérées de cent servitudes de l’espace et du temps, du respirer, du manger et boire, de l’engendrer... Et on en arriverait à supposer la possibilité pour les “ âmes ” ou “ esprits ” séparés de leur corps, la capacité dans une “ nouvelle création ” de se donner un corps semblable à l’ancien, pesant et corruptible, mais cette fois incorruptible et pneumatique, comme dit saint Paul.
C’est justement tout l’aboutissement de la grande espérance chrétienne, et même de maints paganismes (...). En parlant, et comme d’événements rares, mais déjà vécus et vus, de résurrection, d’ascension ou d’assomption, de transfiguration et de gloire, la religion chrétienne vient donner à l’immense et admirable histoire de l’univers, de la Vie et de l’homme terrestre son seul aboutissement proportionné. Et loin d’y contredire, ces meilleurs savants ne peuvent s’en ressentir qu’extraordinairement satisfaits.