APOLOGÉTIQUE TOTALE
Au bout du chemin de la science
de l’homme, la foi
INTRODUCTION
LES matérialistes nous assurent que depuis quinze milliards d’années, le cosmos “ roule ” par nécessité, tandis que depuis trois milliards d’années sur la seule planète « terre », par hasard, la vie est apparue, puis elle s’est multipliée et a fini par conquérir l’univers. L’immense biosphère a évolué selon des mécanismes infiniment complexes dont nous ne comprenons que des bribes, et dont les causes nous échappent. Elle évolue, orientée et ordonnée à l’Homme, vers lui et pour lui... Cela ne fait rien, les néodarwinistes, qu’ils soient de tendances marxiste ou nazie, se refusent à y reconnaître une finalité qui, cependant, crève les yeux.
Hasard et nécessité obligent et excluent toute intervention d’une puissance spirituelle, créatrice... Cet a priori fondamental du matérialisme athée va se briser sur cet animal qui depuis 40 000 ans parle, peint, sculpte, dessine avec art, enterre ses morts, exprime ses croyances, invente l’écriture, s’affirme esprit libre et conscient. Cette fois, nous avons des preuves matérielles de l’esprit, il ne convient plus d’en douter. Et telle est la nouveauté des sciences humaines, qu’elles traitent de l’esprit humain en ce corps animal, l’un et l’autre accessible à notre regard.
Alors, si l’évolution conduit le monde de la matière à la vie, et de la vie vers l’homme, l’homme lui, qui est-il ? où va-t-il ? Si nous voulons deviner quelque chose du futur de l’homme, il faut maintenant savoir tout de l’homme. Non seulement scruter sa nature et sa condition au stade de sa réalisation actuelle, mais son origine en arrière du temps historique, et son avenir en avant, au-delà de l’état présent. Pour cela nous devons nous rappeler ce que nous avions récolté de meilleur dans les sciences de l’homme : À partir de la Biologie (Pour en finir avec Monod) et de la Biogenèse (Évolution et création : Pour en finir avec Darwin), entrer en Éthologie (Instincts animaux et sociétés humaines : Pour en finir avec Konrad Lorenz), pour traiter d’Anthropogenèse (Les origines de l’homme : Pour en finir avec Teilhard) et d’Anthropologie (Pour en finir avec Freud et Marx), et conclure sur « Science, philosophie et religion » (...).
C’est cette conclusion qu’il faut lire, ou relire si l’on veut se remettre dans la perspective de notre étude présente : tirer de la science et de la matérialité des faits objectifs qu’elle analyse, toute une introduction à la métaphysique, et de la métaphysique à la religion.
L’HOMME CE PETIT DIEU
L’homme a quelque chose de nouveau : c’est un cerveau, un larynx transformé, il peut parler et il a de quoi penser. La parole lui manque. Un jour, le langage est apparu. Là, aucun savant, aucun philosophe, aucun psychologue ne vous dira qui a appris à l’homme à parler. Personne n’a pu percer l’origine du langage. Certains grands singes avaient des capacités, des volumes crâniens suffisants ; l’organe, l’instrument était prêt, mais il manquait quelque chose : l’âme humaine, la raison. Il manquait la création de l’homme par Dieu, c’est trop évident.
Très rapidement, par son langage, l’homme a donc pu transformer sa vie ; sa sociabilité est absolument distincte de celle de l’animal. Quant à sa religion, là, ce n’est pas une transformation, c’est un début absolu. Par son langage, l’homme s’est avéré intelligent, libre, sociable, et mystérieusement religieux.
Des théories très remarquables ont été élaborées sur l’absence de sociabilité de l’animal dans la sexualité, dans la parenté. Les animaux se rapprochent au gré de leurs passions puis se séparent et ne se connaissent plus. À cause des affectivités venues de son intelligence, et du langage qui lui permet de créer des institutions, de promettre fidélité, l’homme a trouvé, dans la sexualité, l’origine physiologique de la société familiale, et dans l’éducation, le principe de la cohérence parentale et filiale. L’homme a un cerveau qui se développe jusqu’à l’âge de vingt ans, car il est nidicole, c’est-à-dire qu’il reste auprès de son père et de sa mère, pour apprendre d’eux non seulement ce qui lui est instinctif et qu’il n’a qu’à dégager de l’inconscience, mais encore et surtout le savoir, la tradition. La société vient de là. C’est une merveille !
L’HOMME, ANIMAL SPIRITUALISÉ
Dans L’homme en accusation, le professeur Pierre-Paul Grassé (1895-1985) réfute tous les savants modernes, ceux de tendance nazie comme ceux de tendance marxiste, tous darwiniens, pour lesquels l’homme ne serait qu’à peine plus évolué qu’un chimpanzé. Ils nous montrent la photo d’un vieil homme et celle d’un chimpanzé, et nous disent : « Vous voyez, c’est à peu près pareil ! » Ils ont raison morphologiquement, mais pour ce qui est de la structure profonde, de la psychologie, c’est un abîme qui les sépare l’un de l’autre. Voilà pourquoi, finalement, j’admets le titre d’un autre livre admirable de Grassé : Toi, ce petit Dieu. L’homme est un dieu !
L’homme n’est donc pas « l’animal évolué, singe, chasseur, tueur et carnivore » d’Alain de Benoist et de “ Nouvelle École ”, ou de Konrad Lorenz.
Il n’est pas ce singe qui évolua laborieusement au cours des millénaires, fruit d’une lente émergence jusqu’au fameux “ chaînon manquant ” que prétendent découvrir les paléontologues darwiniens pour imposer l’idée d’une absolue continuité du singe à l’homme. L’homme est biologiquement ce singe, mais radicalement transformé, car libéré des limites de sa nature animale par l’intervention de Dieu lui insufflant une âme humaine, et lui apprenant à parler.
Cette création de l’homme par Dieu peut se penser et se dire dans un langage scientifique, fidèle au récit de la Genèse. Rien de plus facile pour Dieu que d’opérer sur une cellule de chimpanzé neuf petites modifications du noyau de l’ADN, de telle manière que de chimpanzé, on passe à un cytoplasme humain ; qu’ensuite il ait fait des jumeaux et que, dans l’un des jumeaux, il ait laissé tomber le gène Y qui, paraît-il, disparaît assez facilement, pour que ces jumeaux devenant mâle et femelle forment ainsi le premier couple humain. C’est par un miracle comme Il en a fait des milliards d’autres depuis des millénaires, que Dieu a créé le genre humain et qu’Il l’a lancé dans l’histoire (...).
L’homme est donc un animal spiritualisé, raisonnable, politique et religieux, qui par sa raison, son langage, reçoit de la société une loi nouvelle qui le libère de ses conditionnements biologiques. Dès lors, c’est en fonction de cette tradition héritée de sa parenté qu’il ordonne sa conduite et ses relations en fonction des fins qu’il se choisit (...).
Quand on va au fond des choses, la matière n’est rien dans son immensité, par rapport à la vie qui n’est rien dans sa grandeur, par rapport à l’homme, ce chétif individu. Mais ce roseau pensant, comme dit Pascal, est pourtant le roi de la création, le maître du monde. Il s’est emparé de la végétation de la terre pour la cultiver, il s’est emparé des animaux qu’il a domestiqués, il a créé des civilisations. Il a orienté le monde pour lui.
OÙ VA LE MONDE, COMMENT L’ORGANISER ?
L’Univers et la Vie paraissent finalisés du dehors, nécessairement, sans choix, tout étant en vue du bien commun, la Providence jouant le rôle du Despote éclairé, du Technocrate, du « Plan ». Mais l’homme est libre, étant à lui-même sa fin et la fin de tout l’univers.
Il semble être le Maître du monde... en partie ! car il peut exploiter les richesses naturelles d’une manière désordonnée, jusqu’à l’épuisement ; il a domestiqué les animaux, cultivé la terre, et s’est donc imposé comme le régulateur de l’écologie, mais il peut en être aussi le destructeur. Il est aussi l’organisateur ou le “ désorganisateur ” des sociétés humaines, facteur de civilisations ou de barbaries...
Au sommet de cet univers, de cette biosphère, de cette histoire humaine si sensationnels... on ne peut que constater l’impuissance, l’ignorance, l’insensibilité de l’homme touchant la suite de cette histoire universelle. Quelle est la place, le rôle que vous, moi, nous tous devons jouer dans cette histoire ? Question d’autant plus énigmatique, que le vieillissement et la mort s’imposent à tout et à tous. La mort est partout : entropie de l’univers, la biosphère est malmenée, les civilisations sont mortelles...
Qui doit dire où va le monde et comment l’organiser ? Il faut trouver une réponse qui donne aux milliards d’individus pour fin personnelle, leur rôle propre dans la fin universelle. Quelle fin universelle englobera la fin de toute personne humaine ? La science ne le sait pas... Avant d’enquêter sur la réponse que prétendent donner les religions, abordons la solution de l’humanisme athée, celle d’un univers clos, terrestre, à prétention scientifique.
ÉCOSOCIALISME : L’UNIVERS DE L’ATHÉISME SCIENTIFIQUE
Joël de Rosnay (1937-), dans Macroscope, dont le sous-titre est : « Vers une vision globale », nous explique cela. C’est un livre tout à fait remarquable ! Absolument antichrétien, certainement émané de groupes francs-maçons. Ce qu’il appelle « l’écologie » en un sens très vaste, c’est cette belle mécanique bien huilée créée par Dieu, mais que lui considère comme l’effet du hasard et de la nécessité. Aujourd’hui, dit-il, l’homme en sait assez sur les rites de la nature, il est capable d’organiser la vie humaine, individuelle et sociale, de la même manière. La vision globale de Rosnay n’a rien d’héroïque ni d’esthétique, c’est de la planification à la seule lumière de la raison.
Cette pensée s’inscrit dans un processus qui est né au « Massassuchetts Institute of Technology » (M. I. T. ), en 1940, en même temps que la naissance de la science cybernétique (...). Norbert Wiener (1894-1964) a fait cette découverte de l’automation, et cette automation des machines lui a fait comprendre les automatismes de la vie. Dans les années 50, ce fut le contraire, on a commencé par étudier les automatismes de la vie. Puisque la physiologie animale présentait une anatomie qui était faite pour l’activité instinctive, on a construit des machines à la ressemblance des animaux. Le neurophysiologiste Warren Mac Culloch (1898-1969) est considéré comme le fondateur d’une nouvelle science : la bionique.
Dans les années 60, on a généralisé la cybernétique, et compris que la vie est cybernétique, c’est-à-dire que tous les êtres vivants ont en eux des principes régulateurs qui leur permettent de survivre, de répondre aux difficultés, de triompher des obstacles, de maintenir la vie contre toutes les forces de la mort. Il suffit donc de fabriquer des machines automatiques opérant ces mêmes principes. C’est alors qu’a été créée la théorie des systèmes par Jay Wright Forrester (1918-2016), selon laquelle les entreprises pourraient très bien avoir un cerveau analogue au cerveau qui maintient un organisme dans son équilibre. Donc, on va faire un cerveau et l’usine sera automatique. On va faire un cerveau plus grand qui remplacera les gouvernants, les curés, la justice des temps passés ; un cerveau plus complexe qui réglera la société tout entière (...).
TRISTE AUJOURD’HUI, TERRIBLES LENDEMAINS
Joël de Rosnay qui n’est tout de même pas tout à fait sot, constate et craint p. 201 : n’allons-nous pas arriver au Big Brother de Orwell, dans son roman d’anticipation : « 1984 » ? Cette robotisation et automatisation de la société ne va-t-elle pas contraindre les individus à être tous des êtres médiocres ? C’est exactement ce qui se prépare sous nos yeux ! Rosnay, technocrate athée, nous rassure ; cela ne sera pas, on trouvera un équilibre qui permettra à tous les êtres de se réaliser au maximum. C’est ce qu’il décrit et appelle dans ses pages 277 à 283 : L’ÉCOSOCIALISME !
« La vision globale » de l’humanité que propose Rosnay est celle d’une humanité dont les hommes peuvent avoir n’importe quelle religion, pourvu qu’elle ne soit pas fanatique, ni ne se prétende révélée et veuille s’imposer aux autres. Les hommes pourront jouir de tous les plaisirs pourvu qu’ils ne gênent pas ceux des autres ; ils vivront dans des villes si bien équilibrées que quelques années de travail suffiront à l’homme pour ensuite jouir de tous les plaisirs de la vie. On n’aura pas plus d’enfants qu’il ne faudra, car une répartition permettra de maintenir l’équilibre de la population au même degré, etc. Tout devient une sorte d’harmonie absolument incompatible avec la liberté, le caprice, l’imagination, l’esthétique, la foi, l’héroïsme, etc. Cela paraît savant, logique, mais qu’il nous permette de dire que c’est exactement ce qu’on appelle en science l’entropie : c’est quelque chose de monstrueux !
Si c’est pour cela que Dieu a créé l’univers, non merci ! Ces petits vieux qui, à l’âge de 95 ans, ont toute une société à leur service, et qui passent leur temps à chercher de nouveaux plaisirs, des petits plaisirs de vieillards de 80 ans ! C’est un non-sens. C’est la réduction de l’homme au niveau de l’animal, c’est la réduction de l’homme et de l’animal au niveau de la mécanique céleste. Non, ce n’est pas possible, Dieu n’a pas pu vouloir cette immense machine si vivante, si spontanée, si progressive, pour en arriver là !
RÉSURRECTION
Le monde va à l’entropie, les êtres vont à la mort, mais en attendant leur raison d’être n’est pas de servir de cadre à ce petit bonheur socialiste, absolument égoïste et uniforme. Ce que le Créateur a voulu et qu’il nous a promis, c’est un au-delà de la mort. Vita mutatur, non tollitur, dit la Préface des Morts. La vie change, mais elle ne nous est pas ôtée.
Dans notre perspective, il ne s’agit pas simplement d’une immortalité spirituelle par laquelle l’homme échapperait un beau jour à l’univers matériel et biologique par la mort ; son âme allant voguer dans je ne sais quel paradis des esprits purs. Il s’agit d’un Règne de Dieu par ses élus conduisant l’univers à sa plénitude d’être, de vie, de beauté, de raison, de vertu... Saint Paul, dans l’Épître aux Romains (8, 18-23), nous donne des aperçus tout à fait considérables sur le monde à venir.
« J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité [le péché originel et ses conséquences] – non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de celui qui l’y a soumise – c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons, en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes... »
Il nous assure que le monde matériel continuera à être, que la vie sur cette terre continuera, revitalisée, retournée, transfigurée. « Semé dans la corruption, l’homme ressuscitera dans l’incorruptibilité ; semé dans l’ignominie, il ressuscitera dans la gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force ; semé corps psychique, il ressuscitera corps spirituel. » (cf. I Cor, 15, 42)
Ce que l’homme n’a pas pu réaliser ici-bas, faute de vie intérieure, de puissance spirituelle, ou en raison de tel ou tel obstacle, il le réalisera donc en perfection dans cette « terre nouvelle » et sous ces « cieux nouveaux » (cf. II Pet, 3 ; 5-13).